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CHAPITRE IX.

De la condition des femmes dans les
divers gouvernemens.

LES femmes ont peu de retenue dans les monarchies; parce que la diftinction des rangs les appellant à la cour, elles y vont prendre cet efprit de liberté qui eft à peu près le feul qu'on y tolere. Chacun fe fert de leurs agrémens & de leurs paffions pour avancer fa fortune; & comme leur foibleffe ne leur permet pas l'orgueil, mais la vanité, le luxe y regne toujours avec elles.

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Dans les états defpotiques les femmes n'introduifent point le luxe, mais elles font elles-mêmes un objet du luxe. Elles doivent être extrêmement efclaves. -Chacun fuit l'efprit du gouvernement, porte chez foi ce qu'il voit établi ailleurs. Comme les loix y font féveres & exécutées fur le champ, on a peur que la liberté des femmes n'y faffe des affaires. Leurs brouilleries, leurs indifcrétions, leurs répugnances, leurs penchans, leurs jaloufies, leurs piques, cet art qu'ont les peti

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tes ames d'intéreffer les grandes, n'y fauroient être fans grande conféquence.

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De plus, comme dans ces états les princes fe jouent de la nature humaine ils ont plufieurs femmes, & mille confidérations les obligent de les renfermer.

Dans les républiques les femmes font libres par les loix, & captivées par les mœurs; le luxe en eft banni, & avec lui la corruption & les vices.

Dans les villes Grecques, où l'on ne vivoit pas fous cette religion qui établit que chez les hommes même la pureté des mœurs eft une partie de la vertu; dans les villes Grecques, où un vice aveugle régnoit d'une maniere effrénée, où l'amour n'avoit qu'une forme que l'on n'ofe dire, tandis que la feule amitié s'étoit retirée dans les mariages (*); la vertu, la fimplicité, la chafteté des femmes y étoient telles, qu'on n'a guere jamais vu de peuple qui ait eu à cet égard une meilleure police (†).

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Quant au vrai amour, dit Plutarque, les femmes n'y ont aucune part ". Oeuvres morales, traité de l'amour p. 600. Il parloit comme fon fiecle. Voyez Xénophon, au dialogue intitulé, Hieron.

(†) A Athenes, il y avoit un magiftrat particulier, qui veilloit fur la conduite des femmes.

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CHAPITRE X.

Du tribunal domeftique chez les Romains.

Es Romains n'avoient pas, comme les Grecs, des magiftrats particuliers qui euffent infpection fur la conduite des femmes. Les cenfeurs n'avoient l'œil fur elles que comme fur le refte de la république. L'inftitution du tribunal domeftique (*) fuppléa à la magiftrature établie chez les Grecs (†).

Le mari affembloit les parens de la femme, & la jugeoit devant eux

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(*) Romulus inftitua ce tribunal, comme paroît par Denys d'Halicarnaffe, liv. II, p. 96.

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(†) Voyez dans Tite-Live, liv. XXXIX, l'u. fage que l'on fit de ce tribunal, lors de la conju. ration des bacchanales: on appella conjuration con tre la république, des affemblées où l'on corrompoit les mœurs des femmes & des jeunes gens. (4) 11 paroît, par Denys d'Halicarnaffe, liv. II, que par l'inftitutuon de Romulus, le mari, dans les cas ordinaires, jugeoit feul devant les parens de la femme; & que dans les grands crimes il la jugeoit avec cinq d'entr'eux. Auffi Ul pien, au titre 6, §. 9, 12 & 13, diftingue-t-il dans les jugemens des mœurs, celles qu'il appelle graves d'avec celles qui l'étoient moins, graviores, mores leviores.

111ores

tribunal maintenoit les mœurs dans la république. Mais ces mêmes mœurs maintenoient ce tribunal. Il devoit juger nonfeulement de la violation des loix, mais auffi de la violation des moeurs. Or,

pour juger de la violation des mœurs, il faut en avoir.

3 Les peines de ce tribunal devoient être arbitraires, & l'étoient en effet; car tout ce qui regarde les mœurs, tout ce qui regarde les regles de la modeftie, ne peut guere être compris fous un code de loix. Il eft aifé de régler par des loix ce qu'on doit aux autres; il eft difficile d'y com prendre tout ce qu'on fe doit à foi-même.

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Le tribunal domeftique regardoit la conduite générale des femmes mais il y avoit un crime, qui, outre l'animadverfion de ce tribunal, étoit encore foumis à une accufation publique: c'étoit l'adultere; foit que dans une république une fi grande violation de moeurs intéreffàt le gouvernement, foit que le déréglement de la femme pût faire foupçonner celui du mari, foit enfin que l'on craignît que les honnêtes gens mêmes n'aimaffent mieux cacher ce crime que le punir, l'ignorer que le venger.

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CHAPITRE XI.

Comment les inftitutions changerent à
Rome avec le gouvernement.

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OM ME le tribunal domeftique fuppofoit des mœurs, l'accufation publique en fuppofoit auffi; & cela fit que ces deux chofes tomberent avec les mœurs, & finirent avec la république (*).

L'établiffement des queftions perpétuelles, c'est-à-dire, du partage de la jurifdiction entre les préteurs, & la coutume qui s'introduifit de plus en plus que ces préteurs jugeaffent eux-mêmes (†) toutes les affaires, affoiblirent l'ufage du tribunal domeftique; ce qui paroît par furprise des hiftoriens, qui regardent comme des faits finguliers & comme un renouvellement de la pratique ancienne, les jugemens que Tibere fit rendre par ce tribunal.

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L'établiffement de la monarchie & le changement des mœurs firent encore ces

fer

(*) Judicio de moribus (quod anteà quidem in antiquis legibus pofitum erat, non autem frequentabatur) penitùs abolito: leg. 11, cod. de repud, (†) Judicia extraordinaria.

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