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ment defpotique, qui ne pardonne pas, & à qui on ne pardonne jamais, le prive de ces avantages.

CHAPITRE XVII.

De la torture ou queftion contre les
criminels.

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PARCE QUE les hommes font méchans, la loi eft obligée de les fuppofer meil& leurs qu'ils ne font. Ainfi la dépofition de deux témoins fuffit dans la punition de tous les crimes. La loi les croit, comme s'ils parloient par la bouche de la vérité. L'on juge auffi que tout enfant conçu pendant le mariage, eft légitime: 11 la loi a confiance en la mere, comme fi elle étoit la pudicité même. Mais la question contre les criminels n'eft pas dans un cas forcé comme ceux-ci. Nous voyons aujourd'hui une nation (*) trèsbien policée, la rejetter fans inconvé nient. Elle n'eft donc pas néceffaire par fa nature (†).

Tant

[*] La nation Angloife. [+] Les citoyens d'Athenes ne pouvoient être mis à la queftion [Lyfias, orat. in Argorat.) ex

cepté

Tant d'habiles gens & tant de beaux génies ont écrit contre cette pratique, que je n'ofe parler après eux. J'allois dire qu'elle pourroit convenir dans les gouvernemens defpotiques, où tout ce qui inspire la crainte, entre plus dans les resforts du gouvernement: j'allois dire que les efclaves, chez les Grecs & chez les Romains... Mais j'entends la voix de la nature qui crie contre moi.

CHAPITRE XVIII.

Des peines pécuniaires des peines
corporelles.

Nos peres les Germains n'admettoient guere que des peines pécuniaires. Ces hommes guerriers & libres eftimoient que

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leur

cepté dans le crime de leze majefté. On donnoit la question trente jours après la condamna tion [Curius Fortunatus, rethorfchol. Liv. II.] Il n'y avoit pas de queftion préparatoire. Quand aux Romains, la loi 3 & 4 Cod. ad leg. Juliam majeft. fait voir que la naiffance, la dignité, la profeffion de la milice garantiffoient de la queftion, fi ce n'eft dans le cas de crime de leze-majefté. Voyez les fages reftrictions que les loix des Wifigoths mettoient à cette pratique.

leur fang ne devoit être verfé que les armes à la main. Les Japonois (§), aucontraire, rejettent ces fortes de peines fous prétexte que les gens riches élude roient la punition. Mais les gens riches ne craignent-ils pas de perdre leurs biens? Les peines pécuniaires ne peuvent-elles pas fe proportionner aux fortunes? Et enfin, ne peut-on pas joindre l'infamie à ces peines?

Un bon législateur prend un juste milieu: il n'ordonne pas toujours des peines pécuniaires, il n'inflige pas toujours des peines corporelles.

CHAPITRE XIX.

De la loi du talion.

LES états defpotiques qui aiment les loix fimples, ufent beaucoup de la loi du talion (*). Les états modérés la reçoivent quelquefois: mais il y a cette différence, que les premiers la font exercer rigoureufement, & que les autres lui donnent prefque toujours des tempéramens.

[S] Voyez Kempfer.

La

[*] Elle eft établie dans l'alcoran. Voyez le chapitre de la vache.

La loi des douze tables en admettoit deux; elle ne condamnoit au talion que lorfqu'on n'avoit pu appaiser celui qui fe plaignoit (†). On pouvoit, après la condamnation, payer les dommages & intérêts (4), & la peine corporelle fe conver tiffoit en peine pécuniaire (S).

CHAPITRE XX.

De la punition des peres pour leurs
enfans.

ON punit à la Chine les peres pour les

fautes de leurs enfans. C'étoit l'ufage du Pérou (*). Ceci eft encore tiré des idées defpotiques.

On a beau dire qu'on punit à la Chine le pere pour n'avoir pas fait ufage de ce pouvoir parternel que la nature a établi, & que les loix même y ont augmenté. Cela fuppofe toujours qu'il n'y a point

d'hon

[+] Si membrum rupit ni cum eo pacit, fto. Aulugelle, Liv. XX. Ch. I.

[+] Ibid.

talio

[S] Voyez auffi la loi des Wifigoths, Liv. VI. tit. 4, § 3 & 5.

[*] Voyez Garcillafso, hiftoire des guerres civiles des Espagnols.

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d'honneur chez les Chinois. Parmi nous,

les peres dont les enfans font condamnés au fupplice, & les enfans (†) dont les peres ont fubi le même fort, font auffi punis par la honte, qu'ils le feroient à la Chine par la perte de la vie.

CHAPITRE XXI.

De la clémence du prince.

LA clémence eft la qualité diftinctive des monarques. Dans la république, où l'on a pour principe la vertu, elle eft moins néceffaire. Dans l'état defpotique, où regne la crainte, elle eft moins en ufage, parce qu'il faut contenir les grands de l'état par des exemples de févérité. Dans les monarchies, où l'on eft gouverné par l'honneur, qui fouvent exige ce que la loi défend, elle eft plus néceffaire. La difgrace y eft un équivalent à la peine; les formalités mêmes des jugemens y font des punitions. Ceft là que la

honte

[+] Au-lieu de les punir, difoit Platon, il faut les louer de ne pas reffembler à leur pere. Liv. IX. des Loix.

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