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Le droit des gens eft naturellement fondé fur ce principe, que les diverfes nations doivent fe faire, dans la paix, le plus de bien, & dans la guerre, le moins de mal

qu'il

dit-il, font les loix dans le rapport que les differens peuples ont entr'eux; or, puifque les loix font les rapports néceffaires qui dérivent de la nature des chofes, le DROIT DES GENS fera, felon Mr. de MONTESQUIEU, les rapports néceffaires qui dérivent de la nature des chofes dans le rapport que les différens peuples ont entr'eux; & le DROIT POLITIQUE feront ces rapports dans le rapport qu'ont ceux qui gouvernent avec ceux qui font gouvernés s & le DROFT CIVIL ces mêmes rapports dans le rapport que tous les citoyens ont entr'eux. Cela eft il intelligible? Si les loix dérivent de la nature des chofes, comme Mr. le Préfident l'enfeigne, elles doivent être différentes, fuivant la différente nature des chofes dont elles dérivent; il faut donc qu'abstraction faite de l'idée de fouverain & de fujet, une nation foit vis-à-vis d'une nation dans d'autres rapports que des fujets vis-à-vis leur fouverain ; & les rapports de fujets à fouverains doivent par conféquent être différens de ceux de fujets à fujets; ce ne font donc pas les états de guerre, mais ceux de nation, de fouverain, de fujets &c. qui établiffent & déterminent ces rapports; ou du-moins c'eft de là que l'Auteur auroit dû les déduire : car prenez les nations, les fouverains, les fujets &c. en guerre, ou confidérez les en paix, vous en déduirez toujours les mêmes loix, dont l'application change uniquement fuivant la différence des cas. Voyez Bibl. Imp. T. XV. p. 1. pag. 83. &fuiv. (R. d'un A.)

qu'il eft poffible, fans nuire à leurs véritables intérêts (t).

L'objet de la guerre, c'est la victoire; celui de la victoire, la conquête; celui de la conquête, la confervation. De ce principe & du précedent, doivent dériver toutes les loix qui forment le droit des gens (u).

Toutes les nations ont un droit des gens; & les Iroquois même, qui mangent leurs prifonniers, en ont un. Ils envoient & reçoivent des ambaffades; ils connoiffent. des droits de la guerre & de la paix: le mal eft, que ce droit des gens n'eft pas fondé fur les vrais principes.

Outre

(t) Cette propofition fe deduit d'un principe général, favoir que les hommes doivent fe faire mutuellement autant de bien qu'il eft poffible. (R. d'un A.)

(u) Nullement. Les loix qui forment le droit des gens doivent toutes dériver du feul principe de la perfection. On ne peut pas dire qu'en général, l'objet de la guerre foit la victoire, celui de la victoire la conquête, celui de la conquête la confervation; & encore moins peut-on mettre cette tirade au nombre des principes. L'objet de la guerre varie fuivant les différentes difpofitions de ceux qui la font; & fi on en veut choisir un pour principe, il fau droit dire que l'objet de la guerre eft la réparation d'un tort qu'on nous a fait une fureté convena ble pour la fuite. Celui qui fait la guerre par un autre motif agit contre le droit des gens. (R.d'un A.)

Outre le droit des gens, qui regarde toutes les focietés, il y a un droit politique pour chacune.

Une focieté ne fçauroit fubfifter fans un gouvernement. La réunion de toutes les forces particulieres, dit très-bien GRAVINA, forme ce qu'on appelle l'état politique.

La force générale peut être placée entre les mains d'un feul, ou entre les mains de plufieurs. Quelques-uns ont penfé, que la nature ayant établi le pouvoir paternel, le gouvernement d'un feul étoit le plus conforme à la nature. Mais l'exemple du pouvoir paternel ne prouve rien. Car, fi le pouvoir du pere a du rapport au gouvernement d'un feul; après la mort du pere, le pouvoir des freres; ou, après la mort des freres, celui des coufins germains, ont du rapport au gouvernement de plufieurs. La puiffance politique comprend néceffairement l'union de plufieurs familles.

Il vaut mieux dire, que le gouvernement le plus conforme à la nature, eft celui dont la difpofition particuliere fe rapporte mieux à la difpofition du peuple, pour lequel il eft établi (x).

Les

(x) Le gouvernement le plus conformé à la Natu. re, c'eft celui qui reunit le mieux les forces de tous les individus d'un Etat, & par conféquent auffi leur volonté : car, comme le dit GRAVINA, la reunion des volontés eft ce qu'on appelle l'Etat civil. (R.d'un A.)

Les forces particulieres ne peuvent fe réunir, fans que toutes les volontés fe réuniffent. La réunion de ces volontés, dit encore très-bien GRAVINA, eft ce qu'on appelle PETAT CIVIL.

La loi, en général, eft la raifon humaine, entant qu'elle gouverne tous les peuples de la terre; & les loix politiques & civiles de chaque nation, ne doivent être que les cas particuliers où s'applique cette raifon humaine (y).

Elles doivent être tellement propres au peuple, pour lequel elles font faites, que c'eft un très-grand hazard fi celles d'une nation peuvent convenir à une autre.

Il faut qu'elles fe rapportent à la nature & au principe du gouvernement qui eft établi, ou qu'on veut établir; foit qu'elles le forment, comme font les loix politiques; foit qu'elles le maintiennent, comme font les loix civiles.

Elles doivent être relatives au phyfique du pays; au climat glacé, brulant, ou temperé; à la qualité du terrein, à fa fituation,

() Autre preuve que Mr. de MONTESQUIEU a mal défini les loix. Plus haut les loix étoient des rapports, ici la loi eft la raifon humaine, les loix font des cas particuliers; confequemment il faut que la raifon buntaine foient des rapports. Qu'on débrouille ce cahos d'idées. (R. d'un A.)

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tion, à fa grandeur, au genre de vie des peuples, laboureurs, chaffeurs, ou paf teurs: elles doivent fe rapporter au degré de liberté, que la conftitution peut fouffrir, à la religion des habitans, à leurs inclinations, à leurs richeffes, à leur nombre, à leur commerce, à leurs mœurs, à leurs manieres : enfin elles ont des rapports entr'elles; elles en ont avec leur origine, avec l'objet du législateur, avec l'ordre des chofes fur lesquelles elles font établies. C'est dans toutes ces vues qu'il faut les confiderer.

C'eft ce que j'entreprends de faire dans cet ouvrage. J'examinerai tous ces rapports: ils forment tous enfemble ce. que l'on appelle l'ESPRIT DES LOIX (2).

Je

(2) Tous ces paffages prouvent que l'Auteur n'a point eu des idées diftinctes de la nature des loix. En effet, fi elles font des rapports, comment entendre ces phrafes où Mr. de MONTESQUIEU dit qu'elles doivent être relatives au phyfique du pays &c., qu'elles ont des rapports entr'elles &c. Ce feront donc des rapports relatifs, des rapports qui ont des rapports &c. & tous ces rapports forment ce que l'on appelle L'ESPRIT DES LOIX. Ce langage ne paroît gueres digne d'un Magiftrat célebre. Il femble qu'il auroit pu fe contenter de dire tout uniment. Les loix font les rapports néceffaires » qui dérivent de la nature des chofes. Dans un état il y a différentes chofes, le fouverain, les » fujets,

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