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165 à des regles particulieres; il faut les fuivre pour en difpofer: ce qui ôte encore de la fimplicité.

Dans nos gouvernemens, les fiefs font devenus héréditaires. Il a fallu que la nobleffe eût une certaine confiftance, afin que le propriétaire du fief fût en état de fervir le prince. Cela a dû produire bien des variétés par exemple, il y a des pays où l'on n'a pu partager les fiefs entre les freres; dans d'autres, les cadets ont pu avoir leur fubfiftance avec plus d'étendue.

Le monarque, qui connoît chacune de fes provinces, peut établir diverfes loix, ou fouffrir différentes coutumes. Mais le defpote ne connoît rien, & ne peut avoir d'attention fur rien; il lui faut une allure générale; il gouverne par une volonté rigide qui eft par-tout la même; tout s'applanit fous fes pieds.

,

& A mefure que les jugemens des tribunaux fe multiplient dans les monarchies la jurifprudence fe charge de décifions. qui quelquefois fe contredifent; ou parce que les juges qui fe fuccedent penfent différemment; ou parce que les mêmes affaires font tantôt bien, tantôt mal défendues; ou enfin par une infinité d'abus qui fe gliffent dans tout ce qui paffe par la main des hommes. C'eft un mal néceffaire

ceffaire que le législateur corrige de temps en temps, comme contraire même à l'esprit des gouvernemens modérés. Car, quand on eft obligé de recourir aux tribunaux il faut que cela vienne de la nature de la conftitution, & non pas des contradictions & de l'incertitude des loix.

Dans les gouvernemens où il y a nécesfairement des diftinctions dans les perfonnes, il faut qu'il y ait des privileges. Cela ́diminue encore la fimplicité, & fait mille exceptions.

Un des privileges le moins à charge à la fociété, & fur-tout à celui qui le donne, c'eft de plaider devant un tribunal, plutôt que devant un autre. Voilà de nouvelles affaires, c'est-à-dire, celles où il s'agit de favoir devant quel tribunal il faut plaider.

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Les peuples des états defpotiques font dans un cas bien différent. Je ne fais fur quoi, dans ces pays, le législateur pourroit ftatuer, ou le magiftrat juger. Il fuit, de ce que les terres appartiennent au prince, qu'il n'y a prefque point de loix civiles fur la propriété des terres. Il fuit, du droit que le fouverain a de fuccéder, qu'il n'y en a pas non plus fur les fucceffions. Le négoce exclufif qu'il fait dans quelques pays, rend inutiles tou

tes

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Les

tes fortes des loix fur le commerce. mariages que l'on y contracte avec des filles efclaves, font qu'il n'y a guere de loix civiles fur les dots & fur les avantages des femmes. Il réfulte encore de cette prodigieufe multitude d'efclaves, qu'il n'y a prefque point de gens qui aient une volonté propre, & qui par conféquent doivent répondre de leur conduite devant un juge. La plupart des actions morales, qui ne font que les volontés du pere, du mari, du maître, fe reglent par eux, & non par les magiftrats.

J'oubliois de dire que ce que nous appellons l'honneur, étant à peine connu dans ces états, toutes les affaires qui regardent cet honneur, qui eft un fi grand chapitre parmi nous, n'y ont point de lieu. Le defpotifme fe fuffit à lui-même ; tout eft vuide autour de lui. Auffi, lorfque les voyageurs nous décrivent les pays où il regne, rarement nous parlentils de loix civiles (*).

Toutes

(*) Au Mazulipatan, on n'a pu découvrir qu'il y eût de loi écrite. Voyez le Recueil des Voyages qui ont fervi à l'établissement de la compagnie des Indes, Tom. IV. Part. I. pag. 391. Les Indiens ne fe reglent, dans les jugemens, que fur de certaines coutumes. Le Vedan & au

tres

Toutes les occafions de difpute & de procès y font donc ôtées. C'est ce qui fait en partie qu'on y maltraite fi fort les plaideurs l'injuftice de leur demande paroit à découvert, n'étant pas cachée, palliée, ou protégée par une infinité de loix.

CHAPITRE II.

De la fimplicité des loix criminelles dans les divers gouvernemens.

N entend dire fans ceffe qu'il faudroit que la juftice fût rendue partout comme en Turquie. Il n'y aura donc que les plus ignorans de tous les peuples qui auront vu clair, dans la chofe du monde qu'il importe le plus aux hom mes de favoir?

Si vous examinez les formalités de la justice, par rapport à la peine qu'a un citoyen à fe faire rendre fon bien ou à obtenir fatisfaction de quelque outrage, en trouverez fans doute trop; fi vous les regardez dans le rapport qu'elles

Vous

ont

tres livres pareils, ne contiennent point des loix civiles, mais des préceptes religieux. Voyez let. tres édif. quatorzieme recueil.

ont avec la liberté & la fureté des citoyens, vous en trouverez fouvent trop peu; & vous verrez que les peines, les dépenfes, les longueurs, les dangers même de la juftice, font le prix que chaque citoyen donne pour fa liberté.

En Turquie, où l'on fait très peu d'attention à la fortune, à la vie, à l'honneur des fujets, on termine promptement d'une façon ou d'une autre toutes les disputes. La maniere de les finir eft indifférente, pourvu qu'on finiffe. Le bacha d'abord éclairci, fait diftribuer à fa fantaifie des coups de bâton fur la plante des pieds des plaideurs, & les renvoie chez

eux.

Et il feroit bien dangereux que l'on y eût les paffions des plaideurs; elles fuppofent un defir ardent de fe faire rendre juftice, une haine, une action dans l'esprit, une conftance à pourfuivre. Tout cela doit être évité dans un gouvernement où il ne faut avoir d'autre fentiment que la crainte, & où tout mene tout à coup, & fans qu'on le puiffe prévoir, à des révolutions. Chacun doit connoître qu'il ne faut point que le magiftrat entende parler de lui, & qu'il ne tient fa fureté que de fon anéantiffement.

Tom. I.

H

Mais

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