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CHAPITRE XIII

Idée du defpotifme.

Quellent avoir du fruit, ils coupent

UAND les fauvages de la Louifiane

l'arbre au pied, & cueillent le fruit (*). Voilà le gouvernement defpotique.

CHAPITRE XIV.

Comment les loix font relatives aux principes du gouvernement defpotique.

LE gouvernement defpotique a pour principe la crainte mais à des peuples timides, ignorans, abbattus, il ne faut pas beaucoup de loix.

Tout y doit rouler fur deux ou trois idées; il n'en faut donc pas de nouvelles. Quand vous inftruifez une bête, Vous vous donnez bien de garde de lui faire changer de maître, de leçon & d'allure; vous frappez fon cerveau par deux ou trois mouvemens, & pas davantage.

(*) Lettres édif. Recueil II, pag. 315.

Lors

Lorfque le prince eft enfermé, il ne peut fortir du féjour de la volupté fans défoler tous ceux qui l'y retiennent. Ils ne peuvent fouffrir que fa perfonne & fon pouvoir paffent en d'autres mains. Il fait donc rarement la guerre en perfonne, & il n'ofe guere la faire par fes lieute

nans.

Un prince pareil, accoutumé dans fon palais à ne trouver aucune réfistance, s'indigne de celle qu'on lui fait les armes à la main; il eft donc ordinairement conduit par la colere ou par la vengeance. D'ailleurs, il ne peut avoir d'idée de la vraie gloire. Les guerres doivent donc

s'y faire dans toute leur fureur naturelle, & le droit des gens y avoir moins d'étendue qu'ailleurs.

Un tel prince a tant de défauts, qu'il faudroit craindre d'expofer au grand jour fa ftupidité naturelle. Il eft caché, & l'on ignore l'état où il fe trouve. Par bonheur, les hommes font tels dans ces pays, qu'ils n'ont befoin que d'un nom qui les gouverne.

Charles XII étant à Bender, trouvant quelque réfiftance dans le fénat de Suede, écrivit qu'il leur enverroit une de fes bottes pour commander. Cette botte auroit gouverné comme un roi defpotique.

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Si le prince eft prifonnier, il eft cenfé être mort, & un autre monte fur le trô-' ne. Les traités que fait le prifonnier font nuls, fon fucceffeur ne les ratifieroit pas. En effet, comme il eft les loix, l'état & le prince, & que fi-tôt qu'il n'eft plus le prince, il n'eft rien; s'il n'étoit pas cenfé mort, l'état feroit détruit.

Une des chofes qui détermina le plus les Turcs à faire leur paix féparée avec Pierre I, fut que les Mofcovites dirent au vizir, qu'en Suede on avoit mis un autre roi fur le trône (*).

La confervation de l'état n'eft que la confervation du prince, ou plutôt du palais où il eft enfermé. Tout ce qui ne menace pas directement ce palais ou la ville capitale, ne fait point d'impreffion fur des efprits ignorans, orgueilleux & prévenus: & quant à l'enchaînement des évenemens, ils ne peuvent le fuivre, le prévoir, y penfer même. penfer même. La politique, fes refforts & fes loix, y doivent être très-bornées; & le gouvernement politique y eft auffi fimple que le gouverne- ment civil (†).

Tout

(*) Suite de Pufendorff, hift. univerfelle, au traité de la Suede, Chap. X.

(†) Selon Mr. Chardin, il n'y a point de con feil d'état en Perfe.

Tout fe réduit à concilier le gouvernement politique & civil avec le gouvernement domestique, les officiers de l'état avec ceux du ferrail.

Un pareil état fera dans la meilleure fituation, lorfqu'il pourra fe regarder comme feul dans le monde, qu'il fera environné de deferts, & féparé des peuples qu'il appellera barbares. Ne pouvant compter fur la milice, il fera bon qu'il détruife une partie de lui-même.

Comme le principe du gouvernement defpotique eft la crainte, le but en eft la tranquillité mais ce n'eft point une paix, c'est le filence de ces villes que l'ennemi eft prêt d'occuper.

La force n'étant pas dans l'état, mais dans l'armée qui l'a fondé; il faudroit, pour défendre l'état, conferver cette armée mais elle eft formidable au prince. Comment donc concilier la fureté de l'état avec la fureté de la perfonne?

Voyez, je vous prie, avec quelle induftrie le Gouvernement Mofcovite cherche à fortir du defpotifme, qui lui eft plus pefant qu'aux peuples mêmes. On a caffé les grands corps de troupes; on a diminué les peines des crimes, on a établi des tribunaux, on a commencé à connoître

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noître les loix, on a inftruit les peuples. Mais il y a des caufes particulieres, qui le rameneront peut-être au malheur qu'il vouloit fuir.

Dans ces états, la religion a plus d'influence que dans aucun autre; elle est une crainte ajoutée à la crainte. Dans les Empires Mahométans, c'eft de la religion que les peuples tirent en partie le respect étonnant qu'ils ont pour leur prince.

C'est la religion qui corrige un peu la conftitution turque. Les fujets qui ne font pas attachés à la gloire & à la grandeur de l'état par honneur, le font par la force & par le principe de la religion.

De tous les gouvernemens defpotiques, il n'y en a point qui s'accable plus luimême, que celui où le prince fe déclare propriétaire de tous les fonds de terre, & P'héritier de tous fes fujets. Il en résulte toujours l'abandon de la culture des terres; & fi d'ailleurs le prince eft marchand, toute efpece d'induftrie eft ruinée.

Dans ces états, on ne répare, on n'améliore rien (4). On ne bâtit de maisons que pour la vie; on ne fait point de fosfés, on ne plante point d'arbres; on tire

tout

(+) Voyez Ricaut, état de l'Empire Ottomian " pag. 196.

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