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Cette loi, qui, en imprimant dans nousmêmes l'idée d'un créateur, nous porte vers lui, eft la premiere des loix naturelles par fon importance, & non pas dans l'ordre de ces loix. L'homme, dans l'état de nature, auroit plutôt la faculté de connoître, qu'il n'auroit des connoiffances. (n) Il eft clair que fes premieres idées ne feroient point des idées fpéculatives: il fongeroit à la confervation de fon être, avant de chercher l'origine de fon être. Un homme pareil ne fentiroit d'abord que fa foibleffe; fa timidité feroit extrême: &, fi l'on avoit là-deffus befoin de l'expérience, l'on a trouvé dans les forêts des hommes fauvages (*): tout les fait trembler, tout les fait fuir.

Dans cet état, chacun fe fent inférieur ; à peine chacun fe fent il égal.

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On ne

cher

(2) Pur galimathias que tout ceci. Les connoiffances ne prefuppofent elles pas toujours la faculté de connoître? Qu'eft-ce que cette loi qui, en imprimant dans nous-mêmes l'idée d'un créateur, nous porte vers lui? Eft-ce le rapport de l'être créateur à fes créatures? L'influence du monde fenfible fur nos fens? Un retour de méditation fur notre origine? (R. d'un A.)

(*) Témoin le fauvage qui fut trouvé dans les forêts de Hanover, & que l'on vit en Angleterre fous le regne de Georges I.

chercheroit donc point à s'attaquer, & la paix feroit la premiere loi naturelle.

Le defir que Hobbes donne d'abord aux hommes de fe fubjuguer les uns les autres, n'eft pas raisonnable. L'idée de l'empire & de la domination eft fi compofée, & dépend de tant d'autres idées, que ce ne feroit pas celle qu'il auroit d'abord (0).

Hobbes demande, pourquoi, fi les hommes ne font pas naturellement en état de guerre, ils vont toujours armés? & pourquoi ils ont des clefs pour fermer leurs maifons? Mais on ne fent pas que l'on attribue aux hommes avant l'établiffement des focietés, ce qui ne peut leur arriver qu'après cet établiffement, qui leur fait trouver des motifs pour s'attaquer & pour fe défendre.

Au fentiment de fa foibleffe, l'homme joindroit le fentiment de fes befoins. Ainfi une autre loi naturelle feroit celle qui lui infpireroit de chercher à fe nourrir.

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J'ai

(0) L'Auteur a raifon; mais il a tort de dire que la paix feroit la premiere loi naturelle à proprement parler, dans un état fauvage, il n'y auroit en général ni guerre ni paix, parce que l'un fuppofe un deffein de fe nuire & l'autre celui de refpecter fes droits mutuels. Il y auroit plutôt guerre & paix à la fois, fuivant les différentes inclina-. tions des individus qui compoferoient le monde, & qui font réprimées par l'état civil. (R. d'un A.)

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J'ai dit que la crainte porteroit les hommes à fe fuir: mais les marques d'une crainte réciproque les engageroient bientôt à s'approcher. D'ailleurs, ils y feroient portés par le plaifir qu'un animal fent à l'approche d'un animal de fon efpece. De plus, ce charme que les deux fexes s'infpirent par leur différence, augmenteroit ce plaifir; & la priere naturelle qu'ils fe font toujours l'un à l'autre, feroit une troifieme loi.

Outre le fentiment que les hommes ont d'abord, ils parviennent encore à avoir des connoiffances: ainfi ils ont un fecond lien, que les autres animaux n'ont pas. Ils ont donc un nouveau motif de s'unir; & le defir de vivre en fociété eft une quatrieme loi naturelle (p).

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(p) Si les loix font des rapports nécessaires qui dérivent de la nature des chofes comment un defir peut-il être nommé une loi ? Comment un Sentiment de foibleffe, celui de fes befoins, la priere naturelle que le male la femelle fe font toujours & l'un à l'autre, un defir de vivre en fociété, peuvent-ils être mis au nombre des loix ? Du moins, pour être d'accord avec lui-même, Mr. de M o NTESQUIEU auroit-il dû fe fouvenir ici qu'il ne pouvoit attribuer ce terme qu'aux rapports que les différens fentimens &c. ont entr'eux. (R.d'un A.)

CHAPITRE III.

Des loix pofitives.

SI-TÔT que les hommes font en focieté, ils perdent le fentiment de leur foibleffe; l'égalité, qui étoit entr'eux, ceffe, & l'état de guerre commence (q).

Chaque focieté particuliere vient à fentir fa force; ce qui produit un état de guerre de nation à nation. Les particuliers, dans chaque focieté, commencent à fentir leur force; ils cherchent à tourner en leur faveur les principaux avantages de cette foce qui fait entr'eux [un état de

cieté ;

guerre (r).

Ces

(9) Il faudroit prouver cela & le déduire de la notion de fociété. (R. d'un A.)

(r) Les hommes n'attendent pas qu'ils fentent leur force pour chercher à tourner en leur faveur les principaux avantages de cette fociété la pente naturelle qui nous porte vers tout ce qui paroît nous convenir eft le mobile qui nous met en mouvement; & fi la force nous manque nous y fuppléons par l'induftrie &c. En général on ne peut pas dire que tout homme qui fent fes forces, cherche à tourner en fa faveur les avantages de la fociété parce que cette difpofition fuppofe un defir d'acquerir ce qui n'eft pas à nous, une vo

lonté

Ces deux fortes d'état de guerre font établir les loix parmi les hommes. Confiderés comme habitans d'une fi grande planette, qu'il eft néceffaire qu'il y ait différens peuples, ils ont des loix dans le rapport que ces peuples ont entr'eux; & c'est le DROIT DES GENS. Confiderés comme vivans dans une focieté qui doit être maintenue, ils ont des loix dans le rapport, qu'ont ceux, qui gouvernent, avec ceux, qui font gouvernés; & c'eft le DROIT POLIIls en ont encore dans le rapport que tous les citoyens ont entr'eux; & c'est le DROIT CIVIL (s).

TIQUE.

Le

lonté à fuivre fes grès & fes envies, fans avoir égard aux déplaifirs qui en peuvent réfulter pour d'autres; difpofition qu'on ne peut fuppofer dans tous les hommes en général. Il y a trop de Hobéfianisme dans ce paffage. (R. d'un A.)

(s) Toutes ces propofitions mériteroient d'être prouvées exactement. On peut nier que les deux fortes d'état de guerre dont l'Auteur parle font établir les loix parmi les hommes; & l'on peut foutenir que la neceffité de l'ordre fait établir les loix. Nous avons cenfuré la définition que Mr. de M o nTESQUIEU a donnée des loix en général; pour faire voir que notre critique eft fondée, appliquons la à celles que l'Auteur donne ici du DROIT DES GENS, du DROIT POLITIQUE & du DROIT CIVIL. Le DROIT DES GENS,

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