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bien par ce capitulaire [SSS] où Charlemagne ordonne que tout homme libre, qui aura quatre manoirs, foit dans fa proprié té, foit dans le bénéfice de quelqu'un aille contre l'ennemi, ou fuive fon feigneur. Il eft vifible que Charlemagne veut dire que celui qui n'avoit qu'une terre en propre entroit dans la milice du comte, & que celui qui tenoit un bénéfice du feigneur partoit avec lui.

Cependant Mr. l'abbé Dubos [*] prétend que, quand il eft parlé dans les capitulaires des hommes qui dépendoient d'un feigneur particulier, il n'eft queftion que des ferfs; & il fe fonde fur la loi des Wifigoths & la pratique de ce peuple. Il vaudroit mieux fe fonder fur les capitulaires mêmes. Celui que je viens de citer dit formellement le contraire. Le traité entre Charles le chauve & fes freres parle de même des hommes libres qui peuvent prendre à leur choix un feigneur ou le roi; & cette difpofition eft conforme à beaucoup d'au

tres.

On

(555) De l'an 812, ch. I, édit. de Baluze, pag. 490. Ut omnis homo liber qui quatuor manfos veftitos de proprio fuo, five de alicujus beneficio, habet, ipfe fe praparet, & ipfe in hoftem pergat, five cum feniore fuo.

(*) Tom. III, Liv. VI, ch. IV, pag. 299. Etablissement de la monarchie Françoise.

On peut donc dire qu'il y avoit trois. fortes de milices; celle des leudes ou fideles du roi, qui avoient eux-mêmes fous leur dépendance d'autres fideles; celle des évêques ou autres eccléfiaftiques, & de leurs vaffaux; & enfin celle du comte qui menoit les hommes libres.

Je ne dis point que les vaffaux ne puffent être foumis au comte, comme ceux qui ont un commandement particulier dépendent de celui qui a un commandement plus général.

On voit même que le comte & les envoyés du roi pouvoient leur faire payer le ban, c'est-à-dire, une amende, lorfqu'ils n'avoient pas rempli les engagemens de leur fief.

De même, fi les (†) vaffaux du roi faifoient des rapines, ils étoient foumis à la correction du comte, s'ils n'aimoient mieux fe foumettre à celle du roi.

CHA

(†) Capitulaire de l'an 882, art. 11, apud vernis palatium, édit, de Baluze, tom, II, pag. 17.

CHAPITRE XVIII.

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Du double fervice.

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'ÉTOIT un principe fondamental de la monarchie, que ceux qui étoient fous la puiffance militaire de quelqu'un, étoient aufli fous fa jurifdiction civile : aufli le capitulaire (*) de Louis le débonnaire, de l'an 815, fait-il marcher d'un pas égal la puiflance militaire du comte & fa jurifdiction civile fur les hommes libres auffi les placites (†) du comte qui menoit à la guerre les hommes libres étoient-ils appellés les (4) placites des hommes libres ; d'où réfulta fans doute cette maxime, que ce n'étoit que dans les placites du comte, & non dans ceux de fes officiers, qu'on pouvoit juger les queftions fur la liberté auffi le comte ne menoit

:

(*) Art. 1 & 2 ; & le concile in verno palatio, de l'an 845, art. 8, édit. de Baluze, tom. II, pag. 17. (†) Plaids ou affifes.

(4) Capitulaires, liv. IV. de la collection d'Anzegife, art. 57; & le capitul. V. de Louis le débonnaire, de l'an 819 art. 14, édit. de Baluze, tom. I, pag. 615.

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noit-il pas à la guerre les (5) vaffaux des évêques ou abbes, parce qu'ils n'étoient pas fous fa jurifdiction civile: auffi n'y menoit-il pas les arriere-vaffaux des leudes: auffi le gloffaire (**) des loix Angloifes nous dit-il [ft] que ceux que les Saxons appelloient coples, furent nommés les Normands comtes, compagnons, parce qu'ils partageoient avec le roi les amendes judiciaires auffi voyons-nous dans tous les temps que l'obligation de tout vaffal envers (4) fon feigneur, fut de porter les armes (SS) & de juger fes pairs dans fa cour.

par

:

Une des raifons qui attachoient ainfi ce droit de justice au droit de mener à la guerre, étoit que celui qui menoit à la guerre faifoit en même-temps payer les droits du fifc, qui confiftoient en quelques fervices de voitures dûs par les hommes libres, & en général en de certains profits judiciaires, dont je parlerai ci-après.

Les

[S] Voyez pag. 316, la note (††),; & pag. 327, la note (144).

(**) Que l'on trouve dans le recueil de Guillaume Lombard: de prifcis Anglorum legibus. (++) Au mot fatrapia.

(++) Les affifes de Jerufalem, Chapitre CCXXI, & CCXXII, expliquent bien ceci.

(SS) Les avoués de l'église [advocati ] étoient également à la tête de leurs plaids & de leur milice.

Les feigneurs eurent le droit de rendre la juftice dans leur fief, par le même principe qui fit que les comtes eurent le droit de la rendre dans leur comté; &, pour bien dire, les comtés, dans les variations arrivées dans les divers temps, fuivirent toujours les variations arrivées dans les fiefs les uns & les autres étoient gouvernés fur le même plan & fur les mêmês idées. En un mot les comtes dans leurs comtés, étoient des leudes: les leudes, dans leurs feigneuries, étoient des

comtes.

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On n'a pas eu des idées juftes, lorfqu'on a regardé les comtes comme des officiers de justice, & les ducs comme des officiers militaires. Les uns & les autres étoient également de officiers militaires (***) & civils toute la différence étoit que le duc avoit fous lui plufieurs comtes, quoiqu'il y eût des comtes qui n'avoient point de duc fur eux, comme nous l'apprenons de Frédégaire (†††).

On

(***) Voyez la formule 8 de Marculfe, Liv. I, qui contient les lettres accordées à un duc, patrice ou comte, 'qui leur donnent la jurisdiction civile & l'administration fiscale.

(ttt) Chronique ch. LXXVIII, fur l'an 636.

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