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Denis d'Halicarnaffe (†) ne peut croire, qu'après la mort des trois cent cinq Fabiens exterminés par les Véiens, il ne fût refté de cette race qu'un feul enfant; parce que la loi ancienne, qui ordonnoit à chaque citoyen de fe marier & d'élever tous fes enfans, étoit encore dans fa vigueur (†). Indépendamment des loix, les cenfeurs eurent l'œil fur les mariages ; & felon les befoins de la république, ils y engagerent (§) & par la honte & par les peines.

Les mœurs, qui commencerent à fe corrompre, contribuerent beaucoup à dégoûter les citoyens du mariage, qui n'a que des peines pour ceux qui n'ont plus de fens pour les plaifirs de l'innocence. C'eft l'efprit de cette (**) harangue que Metellus Numidicus fit au peuple dans fa cenfure. S'il étoit poflible de n'avoir point » de femme, nous nous délivrerions de » ce mal mais comme la nature a établi " que l'on ne peut guere vivre heureux » avec elles, ni fubfifter fans elles, il faut » avoir plus d'égard à notre conserva» tion,

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(+) Liv. II.

(4) L'an de Rome 277.

(9) Voyez, fur ce qu'ils firent à cet égard, Tite-Live, Liv. XLV ; l'épitôme de Tite-Live, Liv. LIX; Aulugelle, liv. I. ch. VI; Valere Maxime, Liv. II, ch. XIX.

(**) Elle eft dans Aulugelle, liv. I. ch. VI.

» tion, qu'à des fatisfactions paffageres

La corruption des mœurs détruifit la cenfure, établie elle-même pour détruire la corruption des mœurs: mais lorfque cette corruption devient génerale, la cenfure n'a plus de force (††).

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Les difcordes civiles, les triumvirats les profcriptions, affoiblirent plus Rome qu'aucune guerre qu'elle eût encore faire, il reftoit peu de citoyens (++), & la plupart n'étoient pas mariés. Pour remédier à ce dernier mal, Céfar & Augufte rétablirent la cenfure, & voulurent (SS) même être cenfeurs. Ils firent divers réglemens : Cefar [***] donna des récompenfes à ceux qu qui avoient beaucoup d'enfans; il défendit [ttt] aux femmes qui avoient moins de quarante-cinq ans, & qui n'avoient ni mari ni enfans, de porter des pierreries & de fe fervir de litieres: methode excel

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(tt) Voyez ce que j'ai dit au Liv. V, ch. XIX. (++) Célar, après la guerre civile, ayant fait faire le cens, il ne s'y trouva que cent cinquante mille chefs de famille. Epitome de Florus fur Tite-Live, douzieme décade.

[SS] Voyez Dion, Liv. XLIII, & Xiphil in Auguft.

[***] Dion, Liv. XLIII; Suétone, vie de Céfar, ch. XX; Appien, Liv. II. de la guerre civile. [ttt] Eufebe, dans fa chronique.

lente d'attaquer le célibat par la vanité. Les loix d'Augufte [+++] furent plus preffantes: il impofa [SSS] des peines nouvelles à ceux qui n'étoient point mariés, & augmenta les récompenfes de ceux qui l'étoient, & de ceux qui avoient des enfans. Tacite appelle ces loix Juliennes (*); il y a apparence qu'on y avoit fondu les anciens réglemens faits par le fénat, le peuple & les cenfeurs.

La loi d'Augufte trouva mille obftacles; & trente-quatre ans [t] après qu'elle eut été faite, les chevaliers Romains lui en demanderent la révocation. 11 fit mettre d'un côté ceux qui étoient mariés, & de l'autre ceux qui ne l'étoient pas ces derniers parurent en plus grand nombre; ce qui étonna les citoyens & les confondit. Augufte, avec la gravité des anciens cenfeurs, leur parla ainfi [4].

» Pendant que les maladies & les guerres nous enlevent tant de citoyens, que deviendra la ville, fi on ne contracte

(+++) Dion, Liv. LIV.
[$$$] L'an 736 de Rome.

(*) Julias rogationes, annal. Liv. III.

(†) L'an 762 de Rome, Dion, Liv. LVI.

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(4) J'ai abrégé cette harangue, qui eft d'une longueur accablante: elle eft rapportée dans Dion, Liv. LVI.

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» plus de mariages? La cité ne confifte point dans les maifons, les portiques, » les places publiques: ce font les hom» mes qui font la cité. Vous ne verrez point, comme dans les fables, fortir des » hommes de deffous la terre, pour pren"dre foin de vos affaires. Ce n'est point » pour vivre feuls que vous reftez dans » le célibat chacun de vous a des com"pagnes de fa table & de fon lit, & vous » ne cherchez que la paix dans vos déré»glemens. Citerez-vous ici l'exemple des » vierges Veftales? Donc fi vous ne gar» diez pas les loix de la pudicité, il fau» droit vous punir comme elles. Vous » êtes également mauvais citoyens foit » que tout le monde imite votre exem»ple, foit que perfonne ne le fuive. Mon unique objet eft la perpétuité de la république. J'ai augmenté les peines de ceux » qui n'ont point obéi; & à l'égard des » récompenfes, elles font telles que je ne fache pas que la vertu en ait encore eu » de plus grandes : il y en a de moin» dres, qui portent mille gens à expofer » leur vie ; & celles-ci ne vous engage» roient pas à prendre une femine & à » nourrir des enfans«<?

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Il donna la loi qu'on nomma de fon nom Julia, & Pappia Poppaa du nom des confuls

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confuls (§) d'une partie de cette année-là. La grandeur du mal paroiffoit dans leur élection même: Dion (**) nous dit qu'ils n'étoient point mariés, & qu'ils n'avoient point d'enfans.

Cette loi d'Augufte fut proprement un code de loix & un corps fyftématique de tous les réglemens qu'on pouvoit faire fur ce fujet. On y refondit les loix Juliennes (tt), & on leur donna plus de force: elles ont tant de vues, elles influent fur tant de chofes qu'elles forment la plus belle partie des loix civiles des Romains.

On en trouve (44) les morceaux difperfés dans les précieux fragmens d'Ulpien, dans les loix du digefte tirées des auteurs qui ont écrit fur les loix Pappiennes, dans les hiftoriens & les autres auteurs qui les ont citées, dans le code Théodofien qui les a abrogées, dans les peres qui les ont cenfurées, fans doute avec un zele louable pour les chofes de l'autre vie, mais avec très-peu de connoiffance des affaires de celle-ci.

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($) Marcus Pappius Mutilus, & Q. Poppaus Sabinus. Dion, Liv, LVI.

(**) Dion, Liv. LVI.

(tt) Le titre 14 des fragmens d'Ulpien diftingue fort bien la loi Julienne de la Pappienne.

(+4) Jacques Godefroi en a fait une compilation.

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