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Dans les lieux où croit le riz, il faut de grands travaux pour ménager les eaux : beaucoup de gens y peuvent donc être occupés. Il y a plus: Il faut moins de terre pour fournir à la fubfiftance d'une famille que dans ceux qui produifent d'autres grains: enfin, la terre qui eft employée ailleurs à la nourriture des animaux, y fert immédiatement à la fubfiftance des hommes; le travail que font ailleurs les animaux, eft fait là par les hommes; & la culture des terres devient pour les hommes une immenfe manufacture.

CHAPITRE X V.

Du nombre des habitans par rapport aux

arts.

ORSQU'IL y a une loi agraire, & que Lles terres font également partagées, le pays peut être très-peuplé, quoiqu'il y ait peu d'arts, parce que chaque citoyen trouve dans le travail de fa terre précifément de quoi fe nourrir, & que tous les citoyens enfemble confomment tous les fruits du pays; cela étoit ainfi dans quelques anciennes républiques.

Mais dans nos états d'aujourd'hui, les fonds de terre font inégalement diftribués; ils produifent plus de fruits que ceux qui les cultivent n'en peuvent confommer; & fi l'on y néglige les arts & qu'on ne s'attache qu'à l'agriculture, le pays ne peut être peuplé. Ceux qui cultivent ou font cultiver, ayant des fruits de refte, rien ne les engage à travailler l'année d'enfuite: les fruits ne feroient point confommés par gens oififs, car les gens oififs n'auroient pas de quoi les acheter. Il faut donc que les arts s'établiffent, pour que les fruits foient confommés par les laboureurs & les artifans. En un mot, ces états ont befoin que beaucoup de gens cultivent au-delà de ce qui leur eft néceffaire pour cela, il faut leur donner envie d'avoir le fuperflu; mais il n'y a que les artifans qui le donnent.

les

Ces machines, dont l'objet est d'abréger l'art, ne font pas toujours utiles. Si un ouvrage eft à un prix médiocre, & qui convienne également à celui qui l'achete & à l'ouvrier qui l'a fait, les machines qui en fimplifieroient la manufacture, c'est-à-dire qui diminueroient le nombre des ouvriers, feroient pernicieuses (b); & fi les moulins à

eau

(6) Il faut diftinguer entre ce qui fe fait pour le pays même & ce qui fe fait pour l'étranger.

Од

eau n'étoient pas par-tout établis, je ne les croirois pas auffi utiles qu'on le dit : parce qu'ils ont fait repofer une infinité de bras; qu'ils ont privé bien des gens de l'ufage des eaux, & ont fait perdre la fécondité à beaucoup de terres.

CHAPITRE

XV I.

Des vues du législateur fur la propagation de l'efpece.

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Es réglemens fur le nombre des citoyens dépendent beaucoup des circonftances. Il des y a où la nature a pays tout fait, le légiflateur n'y a donc rien à faire. A quoi bon engager par des loix à la propagation, lorfque la fécondité du climat donne affez de peuple? Quelquefois le climat eft plus favorable que le terrein; le peuple s'y multiplie, & les famines le détruifent: c'eft le cas où fe trouve la Chine; aufli un pere y vend il ses filles, & expofe fes enfans. Les mêmes caufes operent au Tonquin (*) les mêmes effets;

&

On ne peut trop fimplifier lorsqu'il s'agit de chofes qu'on doit débiter chez les autres nations qui trouvent ou qui pourroient trouver les mêmes manufactures chez nos voifins. (R. d'un A.)

(*) Voyages de Dampierre: tom. II, p. 41.

& il ne faut pas, comme les voyageurs Arabes dont Renaudot nous à donné la relation, aller chercher l'opinion (†) de la métempfycofe pour cela.

Les mêmes raisons font que, dans l'Isle Formofe (4), la religion ne permet pas aux femmes de mettre des enfans au monde qu'elles n'aient trente-cinq ans : avant cet âge, la prêtreffe leur foule le ventre, & les fait avorter.

CHAPITRE XV I I.

De la Grece, & du nombre de fes habitans.

Cques dans de certains pays d'orient

Er effet, qui tient à des caufes phyfi

la nature du gouvernement le produifit dans la Grece. Les Grecs étoient une grande nation, compofée de villes qui avoient chacune leur gouvernement & leurs loix. Elles n'étoient pas plus conquérantes que celles de Suiffe, de Hollande & d'Allemagne ne le font aujourd'hui : dans chaque république, le légiflateur avoit

(†) Pag. 167.

eu

(4) Voyez le recueil des voyages qui ont fervi à l'établiffement de la compagnie des Indes, tom. V. part. I, p. 182 & 188.

eu pour objet le bonheur des citoyens au dedans, & une puiffance au dehors qui ne fût pas inférieure à celle des villes voifines (*). Avec un petit territoire & une grande félicité, il étoit facile que le nombre des citoyens augmentât, & leur devint à charge: auffi firent-ils fans cesse des (†) colonies; ils fe vendirent pour la guerre, comme les Suiffes font aujourd'hui: rien ne fut négligé de ce qui pouvoit empêcher la trop grande multiplication

des enfans.

Il y avoit chez eux des républiques dont la constitution étoit finguliere. Des peuples foumis étoient obligés de fournir la fubfiftance aux citoyens les Lacédémoniens étoient nourris par les llotes; les Crétois, par les Périéciens; les Theffaliens, par les Péneftres. Il ne devoit y avoir qu'un certain nombre d'hommes libres, pour que les efclaves fuffent en état de leur fournir la fubfiftance. Nous difons aujourd'hui qu'il faut borner le nombre des troupes réglées; or Lacédémone étoit une armée entretenue par des payfans

(*) Par la valeur, la difcipline, & les exercices militaires.

(†) Les Gaulois, qui étoient dans le même cas, firent de même.

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