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Turnus portait encor suspendus à son flanc.
Dès qu'il a contemplé cet horrible trophée,
Terrible, furieux, d'une voix étouffée :

<< Eh quoi! tu jouirais d'un triomphe inhumain!
<< Meurs! Pallas immolé se venge par ma main. »
Sur le pâle Turnus, à ces mots, il s'incline,

En plongeant son épée au fond de sa poitrine; Soudain un froid mortel glisse dans tout son corps, Et son ame en courroux s'enfuit aux sombres bords.

FIN DE L'ÉNÉIDE.

NOTES

DU LIVRE DOUZIÈME.

NOTE 1.

Neque enim Turno mora libera mortis..

Turnus doit voir la mort sans changer de visage.

Ce vers est cité par Servius comme un des passages obscurs de l'Eneide,qui présentent aux commentateurs des difficultés insolubles. Il me semble pourtant que le poète exprime là une pensée d'une naïveté presque triviale; il fait dire tout simplement à Turnus qu'il n'est pas libre de retarder sa mort, c'est-à-dire qu'il doit l'affronter hardiment, et comme nous l'avons traduit, la voir sans changer de visage. Il est impossible, même

avec la manie du commentaire, de donner à cette préten

due énigme une explication plus naturelle.

NOTE 2.

Hæc ubi dicta dedit, rapidus in tecta recessit.
Soudain il se retire au fond de son palais.

Voilà Turnus qui s'apprête à voler aux combats; il demande ses chevaux, il prend son épée, sa cuirasse et son bouclier; il s'arme de sa terrible lance; la flamme est dans ses regards, sa poitrine est agitée, sa voix est menaçante; on croit voir un taureau qui mugit, frappe du pied la terre et les airs de sa corne. D'un autre côté, c'est Énée qui se montre revêtu de ses armes divines; il s'avance plein d'ardeur, et rassure les craintes de son fils et des chefs troyens. Ne dirait-on pas, à voir ces terribles dispositions, que ces deux héros sont au moment d'en venir aux mains, et que la lice va s'ouvrir pour leur duel à mort? eh bien ! non; ces héros ne font, pour ainsi dire, qu'un essai de leurs armes, ou une répétition de leurs rôles; il n'y aura pas de combat pour cette journée; après cette sorte de parade, ils se désarmeront tranquillement l'un et l'autre, rentreront dans leur palais ou dans leur tente, et dormiront probablement jusqu'à l'aurore du lendemain, jour fixé pour leur combat définitif :

Postera vix summos spargebat lumine montes
Orta dies.

Il est vraiment fâcheux que de pareilles inadvertances se rencontrent assez souvent dans l'Enéide; le respect que nous professons pour cette œuvre admirable ne doit pas nous imposer une cécité complète pour ses défauts; et nous sommes ici de l'avis de Heyne, qui pense avec raison que Virgile n'aurait pas laissé subsister ce passage tel qu'il est, s'il eût pu s'occuper de la révision de son épopée.

NOTE 3.

Exin, quae mediis ingenti adnixa columnæ,
Edibus adstabat, validam vi corripit hastam.
Puis, saisissant sa lance, au pied d'une colonne,
Il l'agite avec force.

Il est sans doute impossible de rendre chaque passage vers pour vers et mot pour mot; et l'on doit accorder au traducteur une sorte de pouvoir discrétionnaire, pour user sobrement de quelques retranchemens ou additions, sans lesquels il deviendrait inintelligible, étranglé, aride ou cotonneux; mais il est des bornes qu'on ne doit jamais franchir, sous peine de ne plus donner qu'une contrefaçon maladroite, au lieu d'une fidèle copie; le goût et la con

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