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temps incertain; il va consacrer un lieu à ses exer

cices (1).

:

Ces bienfaits, messieurs, sont pour vous un nouvel engagement; c'est le motif d'une émulation nouvelle on doit toujours aller à la fin à proportion des moyens. Ce seroit peu pour nous d'apprendre aujourd'hui au public que nous avons reçu des graces, si nous ne pouvons lui apprendre en même temps que nous voulons les mériter.

Cette année a été une des plus critiques que l'académie ait encore eues à soutenir; car, outre la perte de cet académicien qui n'a point laissé dans nos cœurs de différence entre le souvenir et les regrets, elle a vu l'absence presque universelle de ses membres, et ses assemblées plus nombreuses dans la capitale du royaume que dans le lieu de sa rési

dence.

Cette absence nous porte aujourd'hui à une place que nous ne pouvons remplir comme nous le devrions. Quand nos occupations nous auroient laissé tout le temps nécessaire, le public y auroit toujours perdu; il auroit reconnu cette différence que nous sentons plus que lui-même : il y a des gens dont il est souvent dangereux de faire les fonctions; on se trouve trop engagé lorsqu'il faut tenir tout ce que leur réputation a promis.

Vous ferez part au public dans cette séance de quelques uns de vos ouvrages, et du jugement que vous avez rendu sur une des matières les plus obs(1)..

...... Moresque viris et mœnia ponet.
(VIRG. Æneid., lib. I, v. 164.)

cures de la physique. Vous avez donné un prix longtemps disputé: nos auteurs sembloient vous le demander avec justice. Votre incertitude vous a fait plaisir: vous auriez été bien fâchés d'avoir à porter un jugement plus sûr; et, bien différents des autres juges toujours alarmés dans les affaires problématiques, vous trouviez de la satisfaction dans le péril même de vous tromper.

Nous allons en peu de mots donner une idée des dissertations qui nous ont été envoyées, même de celles qui ne sont point entrées en concours; et si elles ne peuvent pas plaire par elles-mêmes, peutêtre plairont-elles par leur diversité.

Un de ces auteurs, péripatéticien sans le savoir, a cru trouver la cause de la pesanteur dans l'absence même de l'étendue. Les corps, selon lui, sont déterminés à s'approcher du centre commun, à cause de la continuité qui ne souffre point d'intervalle. Mais qui ne voit que ce principe intérieur de pesanteur qu'on admet ici ne sauroit suivre de l'étendue considérée comme telle, et qu'il faut nécessairement avoir recours à une cause étrangère?

Un chimiste ou un rose-croix, croyant trouver dans son mercure tous les principes des qualités des corps, les odeurs, les saveurs, et autres, y a vu jusqu'à la pesanteur. Ce que je dis ici compose toute sa dissertation, à l'obscurité près.

Dans le troisième ouvrage, l'auteur, qui affecte l'ordre d'un géomètre, ne l'est point. Après avoir posé pour principe la réaction des tourbillons, il abandonne aussitôt cette idée pour suivre absolu

ment le système de Descartes. Ce n'est que ce même système rendu moins probable qu'il ne l'étoit déjà. Il passe les grandes objections que M. Huygens a proposées, et s'amuse à des choses inutiles et étrangères à son sujet. On voit bien que c'est un homme qui a manqué le chemin, qui erre, et porte ses pas vers le premier objet qui se présente.

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La quatrième dissertation est entrée en concours. L'auteur pose pour principe qué tout mouvement centrifuge qui ne peut éloigner son mobile du centre par l'opposition d'un obstacle se rabat sur lui-même, et se change en mouvement centripéte. Il se fait ensuite la célèbre objection, « D'où vient que les corps << pesants tendent vers le centre de la terre, et non pas vers les points de l'axe correspondants » ? et il y répond en grand physicien. On sait que la force centrifuge est toujours égale au carré de la vitesse divisé par le diamètre de la circulation; et comme le diamètre du cercle de la matière qui circule vers le tropique est plus petit que celui de la matière qui circule vers l'équateur, il s'ensuit que sa force centrifuge est plus grande : mais cette force, ne pouvant avoir tout son effet du côté où elle est directement déterminée, porte son mouvement du côté où elle ne trouve pas tant de résistance, et oblige les corps de céder vers le centre. Quant au fond du système, if est difficile de concevoir que la force centrifuge, se réfléchissant en force centripéte, puisse produire pesanteur: il semble au contraire que, les corps étant poussés et repoussés par une égale force, l'action devient nulle; principe qui peut seulement

la

servir à expliquer la cause de l'équilibre universel des tourbillons.

Il faut l'avouer cependant, on trouve dans cet ouvrage la main d'un grand maître : on peut le comparer aux ébauches de ces peintres fameux, qui, tout imparfaites qu'elles sont, ne laissent

tirer les

l'art.

pas d'at

yeux et le respect de ceux qui connoissent

La dissertation suivante est simple, nette, et ingénieuse. L'auteur remarque que les rayons de la matière éthérée tendent toujours à se mouvoir en ligne droite; et comme cette matière ne peut passer les bornes du tourbillon où elle est enfermée, elle ne cesse de faire effort pour se répandre dans les espaces intérieurs occupés par une matière étrangère, comme la terre et les planétes. Si une planéte venoit à être anéantie, la matière qui l'environne se répandroit dans ce nouvel espace; elle fait donc effort pour se dilater de la circonférence au centre, et, par conséquent, doit en ce sens pousser les corps durs qu'elle rencontre.

Le grand défaut de cet ouvrage est que les choses y sont traitées très superficiellement. On n'y trouve point cette force de génie qui saisit tout un sujet, ni, si j'ose me servir de cette expression, cette perspicacité géométrique qui le pénétre: on y voit au contraire quelque chose de lâche, et, si j'ose le dire, d'efféminé; ce sont de jolis traits, mais ce n'est pas cette grave majesté de la nature.

Nous arrivons à la dissertation qui a remporté le prix. Elle a obtenu les suffrages, non pas par la

nouveauté du système, mais par

le nouveau degré

de probabilité qu'elle y ajoute; par la solidité des raisonnements, par les objections, par les réponses de l'auteur à MM. Saurin et Huygens, enfin par tout l'ensemble qui fait un système complet. L'auteur (1), maître de sa matière, en a connu le fort et le foible, et a été en état de profiter des lumières des grands génies de notre siècle. La lecture qu'on en va faire nous dispense d'en dire davantage.

DISCOURS

SUR

LA CAUSE DE LA TRANSPARENCE DES CORPS,

PRONONCÉ LE 25 AOUT 1720.

L'académie proposa l'année dernière un second prix sur la transparence. Cette matière, liée avec le système de la lumière, a paru sans doute trop étendue, et a rebuté les auteurs.

Privés des secours étrangers, il faut que le public y perde le moins possible, mais il y perdra toujours; et, dans la nécessité où nous sommes de traiter ce sujet, convaincus de notre peu de suffisance, nous aimons encore mieux nous excuser sur peu de temps que nos occupations nous ont laissé. Il semble d'abord qu'Aristote savoit bien ce que (1) M. Bouillet, médecin à Beziers.

le

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