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Moulla Firoz refusa à chacun d'eux de parcourir son livre. Cette circonstance leur avait inspiré des soupçons.

Dans le cours de ce conflit d'opinions, on découvrit un autre Abourahan, et comme sa teneur différait de celle de l'ouvrage qui se trouvait en la possession de Moulla Firoz, l'ensemble de cette affaire prit un grave aspect. Dès ce moment les journaux indigènes devinrent les organes des différens partis, et se firent à ce sujet une guerre de plume avec autant de virulence qu'en eurent jamais les débats des Whigs et des Torys; mais las, en apparence, de controverse, ils en appellent au gouvernement pour terminer, comme arbitre, cette affaire. Quelle que soit la décision à intervenir à cet égard, nous ne pouvons nous empêcher de dire que l'on peut faire remonter à nombre de siècles l'origine et les progrès du Kubbeesa, et que cette opinion est appuyée du témoignage unanime des auteurs qui ont écrit dans les langues persane et arabe. (Iris; 17 juill. 1827.- Sydney Gazette ; 24 avril 1828.)

53. AUTOBIOGRAPHICAL MEMOIRS OF TIMOUR. -Mémoires biographiques de Timour, écrits de sa main. In-4° de 180 p. Londres, 1830; Murray, Parbury, etc.

Nous devons déjà à l'excellente institution du comité des traductions orientales beaucoup de publications précieuses. Nous lui avons de nouvelles obligations pour un ouvrage très-curieux et très-intéressant, le Mulfuzát Timúry, ou Mémoires du Grand-Mogol, empereur Timour (ou Tamerlan), composés originairement, ou dictés par lui-même en jagalayturc, traduits en persan par Aby Taleb Hussyny, et en anglais par le major Charles Stewart, dont la réputation, comme orientaliste, est établic depuis long-temps par ses nombreux ouvrages.

Les Institutes de Timour ont été publiées depuis plusieurs années par Davy et White. Quant à ce qui a rapport à l'authenticité des mémoires, le major Davy s'en rend garant, dans une lettre au D. White (1779), mais en lui exprimant la difficulté extrême de se les procurer. « Shah Aulum, dit-il, le moghul actuel, possède un très-bel exemplaire de l'Histoire et des Institutes de Timour, pour lequel il a une si grande vénération et qu'il conserve si précieusement, que quoiqu'il m'eût

permis de me servir de tous ses livres, il avait positivement excepté celui-ci, comme étant un ouvrage si rare et si précieux qu'il ne pouvait le confier à qui que ce fût. » Néanmoins le col. Stewart obtint deux copies de ce volume impérial, qui contenaient un abrégé de la vie de Timour lui-même depuis sa naissance (A. D. 1336), comprenant les 41 premières années de sa vie, et qui nous remettaient en mémoire de nombreux passages d'une autre publication très-amusante, les Mémoires biographiques de Jehanguir, écrits de sa main, sortis récemment des presses du comité des traductions orientales. Les deux grands despotes de l'Orient montrent la même ambition et le même amour des conquêtes, le même zèle affecté pour la religion et la même superstition. Cependant, Timour, qui consultait souvent les astrologues et qui était favorisé de beaucoup de songes, de présages et de visions, qui l'encourageaient dans ses desseins favoris, dit: « Une circonstance extraordinaire est celle-ci. Toutes les fois que j'entreprenais quelque chose, je ne m'inquiétais pas si je devais la regarder comme heureuse ou malheureuse; mais plaçant ma confiance en Dieu, je la commençais; et cependant les astrologues assuraient toujours que, n'importe tout ce que j'avais pu entreprendre, l'heure avait été propice pour le résultat. « Lorsqu'il éprouvait le désir de conquérir une province éloignée, il se déterminait à une guerre sainte contre les infidèles; en 1367, dit-il, j'entrai dans ma 33° année, et mon humeur ne pouvant supporter le repos, j'avais de fortes tentations d'envahir les pays voisins. » Il fut extrêmement affecté un jour d'avoir accidentellement marché sur une fourmi, Cependant il ordonna qu'on versât du plomb fondu dans le gosier de ceux qui s'adonneraient au vin; et il nous dit lui-même; « Quand je fis la conquète de la province de Fars, le peuple de Shiraz prit le parti de Shah Mansur, et ayant joint mon gouverneur, il le fit périr. Je fis par représailles massacrer tous les habitans, etc. Nous ne citerons qu'une seule des nombreuses visions, songes et autres circonstances extraordinaires qui lui avaient toujours été les plus favorables, et qui servaient à encourager Timour (ou plutôt ses troupes) dans les occasions d'importance, « A l'époque où je m'emparai de Fars, Shah Mansur vint m'attaquer à l'improviste avec 5,000 chevaux. Je demandai une lance, mais personne de ma suite

ne se trouvait là. Soudain je vis à mes côtés un lancier sous la forme et dans les habits d'un Arabe, qui me mit une lance à la main, en me disant: O Dieu! protège Timour! Au même instant, Shah Mansur tomba de son cheva!, et mon fils, Shah Kukh, courut sur lui et le blessa. Quand je demandai ce qu'était devenu l'Arabe, on ne sut où le trouver; mais je soumis la province de Fars. » ( London literary Gazette; août 1830, p. 510).

54. DE LA COLONISATION DE L'ANCIENNE GRÈCE; par Henri SCHNITZLER. ( Tom. I de l'Histoire de la littérature grecque de M. Scholl.)

en

L'ancienne érudition, les livres des classes, les poètes nous montrent la Grèce peuplée par des colonies d'Égypte et dePhénicie. Cécrops vient dans l'Attique, 1580 ans avant notre ère; après ce fondateur, c'est Danaïs qui abandonne l'Égypte pour bâtir Argos; enfin, le Phénicien Cadmus accourt en Béotie, et Thèbes est son ouvrage. C'est à peine si, dans les temps passés, une voix s'est élevée pour énoncer timidement quelques doutes. Mais l'Allemagne a été éclairée de lumières nouvelles : au lieu de la foi aveugle en la lettre écrite et transmise, la discussion a façonné les esprits à la eritique, et les travaux de MM. Heeren, Boeck, Creutzer, Otfried Müller et Welker ont donné l'impulsion à un nouveau genre de recherches. On a divisé souches les antiques Hellènes, on leur a demandé compte de leur origine, de leurs croyances populaires, de leurs mystères, de leur caractère national; on a pesé et comparé les vieilles traditions, et de tout cela il est résulté qu'on pourrait bien être dans l'erreur sur plusieurs faits de convention, et, par exemple, qu'il y a lieu de croire à une population indigène, autochtone, plutôt qu'à des émigrations venues de loin; qu'enfin, s'il y a colonisation, elle viendrait sans doute de Thrace et non de Phénicie ni d'Égypte. Le petit écrit que nous annonçons est comme le résumé de tout cela; il a le mérite d'être clair, judicieux, concis; et malgré sa brièveté, il ajoute des considérations neuves à celles que l'on connaissait déjà. D'abord c'est Cécrops qu'on nous montre indigène, d'après les auteurs les plus anciens; on se prévaut de l'horreur de l'Égyptien pour la mer; puis de ce que Sais n'existait pas de son temps, et s'il est étranger on le rattacherait plutôt aux Sat de Thrace; ce qui expliquerait les rapports de culte entre les deux contrées. Pour Danatis, quelle

apparence qu'il soit venu fonder Argos? M. Schnitzler discute les récits faits à Hérodote par les Chemmites, il prouve combien peu cet historien avait à cet égard d'idées arrêtées. D’ailleurs 500 ans plus tard que l'événement, Homère ignore encore la Haute Égypte. Si, 1500 áns avant J.-C., Danaüs eût fait un trajet si long sur un vaisseau à cinq rangs de rames, comment les Grecs ont-ils été frappés d'étonnement, lorsque 200 ans plus tard on construisit le navire Argo? Comment la navigation était-elle encore dans l'enfance? Voici venir le tour du Thébain Cadmus. Point de vestige de caractère phénicien, ni dans la langue, ni dans le culte, ni dans les mœurs. Homère, Hésiode, Bacchylide, ni Phérécyde ne connaissent Cadmus. Ils ne parlent que de l'ancienne fable qui se rattache à Europe et à son père Agénor que l'on place quelquefois en Thrace. Ici des vues fort ingénieuses sur le Taureau, puis sur la Crète et le Minotaure. M. Schnitzler transcrit quelques passages des Minyens, d'Otfried Müller, et il établit que les poixaç venus avec Cadmus ne sont pas des Phénicieus, mais des gens de la race de Poivis, et qu'ils vinrent d'Érétrie avec des Géphyréens. Les noms des Cadméens sont tous grecs, et il y a lieu de croire que cette émigration est venue de Thrace par la Thessalie: or il y a dans le culte des Cabires de Samothrace un Cadmus ou Cadmillus. M. Ot. Müller nous dit que Cadmus est une divinité des Tyrrhéniens Pélasges, peuple identique avec les Cadméens. Cadmus n'est donc, ainsi que Welker l'a récemment démontré, qu'une personnification du culte des Cabires. Après avoir lu ce travail, on reconnaîtra, avec la note dont M. Schoell l'a fait précéder, qu'il prouve l'entière connaissance de l'état de la discussion, et peut-être aussi conservera-t-on beaucoup de défiance de l'hypothèse qui y est développée principalement d'après les idées de Kannegieser et de Müller. Cependant nous reproduirons ici la remarque finale de M. Schnitzler, c'est que pour établir ce système il n'est besoin de heurter de front aucun témoignage formel et antique. P. de GOLBÉRY.

55. Xaverii Caroli Eugenii LELIEVRE, Marmurcensis, (in Acad. Lovan. nuper juris rom. et hodierni doctoris) COMMENTATIO ANTIQUARIA DE LEGUM XII TABULARUM PATRIA, quæ ex sententia ordinis philos. et literat. ejusdem Academiæ præ

mium reportavit die XVII a Kal. novembris 1826-1827, 367 grand. in-4°. Louvain; Valenthout et Vandenzande. (Allgem. Literat. Zeitung, avril 1830. Supplém., p. 353.)

L'Académie de Louvain, classe de philosophie et de littérature, avait mis au concours la question suivante :

Dijudicetur nobilis illa Romanorum traditio leges XII tabularum ab Atheniensibus esse petitas, ità quidem, ut veterum eâ de re testimoniis examinatis et indole potissimum ipsarum legum explorata, statuatur utrum quæ illarum cum Atticis ac Doricis maxime legibus similitudo reperiatur, ex Romanorum illius ætatis ingenio ac moribus queat explicari, an peregrinæ carum origini sit tribuenda.

L'auteur de la dissertation que nous annonçons, a remporté le prix. Il s'est attaché à prouver que la loi des XII Tables ne dérive point du droit grec, comme le veut la tradition.

La dissertation est divisée en 8 chapitres. Dans le premier, l'auteur cite tous les passages des auteurs anciens qui ont trait à cette tradition. Puis il démontre que les récits de Tite-Live et de Denis d'Halicarnasse, qui font descendre la loi des XII Tables des lois attiques, ne méritent aucune confiance, parce que la comparaison entre les deux législations amènerait des résultats différens et en contradiction avec le caractère des deux peuples. C'est ce que l'auteur prouve d'une manière encore plus spéciale dans le chapitre 2. Il y apprécie les contradictions des anciens auteurs relativement à cette tradition, et en fait ressortir la fausseté par la remarque que la loi des XII Tables est extrêmement opposée dans son contenu aux institutions de Périclès, qui étaient alors en vigueur chez les Athéniens. L'auteur démontre que les lois de Solon diffèrent totalement des lois des XII Tables, que la civilisation athénienne n'avait aucun rapport, dans ce temps, avec celle de Rome; que l'esprit de la loi des XII Tables est diamétralement opposé à celui du droit attique, et que celles des lois de Solon qui auraient dû convenir aux Romains, étaient en vigueur chez eux long-temps auparavant. A cette occasion l'auteur réfute l'opinion de Crampe, qui prétend que du moins les lois relatives aux choses sacrées (leges ad sacras res pertinentes) avaient été empruntées aux Athéniens, et pour cela il lui suffit d'indiquer la différence entre la

G. TOME XVI. - SEPTEMBRE 1830.

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