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les magistrats (a) raison de leur conduite, excepté aux censeurs (b).

Deux choses sont pernicieuses dans l'aristocratie: la pauvreté extrême des nobles, et leurs richesses exorbitantes. Pour prévenir leur pauvreté, il faut surtout les obliger de bonne heure à payer leurs dettes. Pour modérer leurs richesses, il faut des dispositions sages et insensibles; non pas des confiscations, des lois agraires, des abolitions de dettes, qui font des maux infinis (1).

Les lois doivent ôter le droit d'aînesse entre les nobles (c), afin que, par le partage continuel des successions, les fortunes se remettent toujours dans l'égalité.

Il ne faut point de substitutions, de retraits lignagers, de majorats d'adoptions. Tous les moyens inventés pour perpétuer la grandeur des familles dans les états monarchiques (2) ne

(a) Voyez Tite-Live, liv. XLIX. Un censeur ne pouvait pas même être troublé par un censeur : chacun faisait sa note sans prendre l'avis de son collégue; et quaud on fit autrement, la censure fut pour ainsi dire renversée.

(b) A Athènes, les LOGISTES, qui faisaient rendre compte à tous les magistrats, ne rendaient point compte eux-mêmes.

(1) Montesquieu a bien raison. Qu'on juge de la sagesse des législateurs grecs et romains qui employaient ces moyens-là. (c) Cela est ainsi établi à Venise. Amelot de la Houssaye, pages 30 et 31.

(2) Pourquoi des lois absurdes et contraires au droit naturel conviennent-elles aux monarchies?

sauraient être d'usage dans l'aristocratie (a). Quand les lois ont égalisé les familles il leur reste à maintenir l'union entre elles. Les différens des nobles doivent être promptement décidés; sans cela les contestations entre les personnes deviennent des contestations entre les familles. Des arbitres peuvent terminer les procès, ou les empêcher de naître.

Enfin il ne faut point que les lois favorisent les distinctions que la vanité met entre les familles, sous prétexte qu'elles sont plus nobles ou plus anciennes; cela doit être mis au rang des petitesses des particuliers.

On n'a qu'à jeter les yeux sur Lacédémone, on verra comment les éphores surent mortifier les faiblesses des rois, celles des grands et celles du peuple (1).

CHAPITRE IX.

Comment les lois sont relatives à leur principe dans la
monarchie.

L'honneur étant le principe de ce gouvernement (2), les lois doivent s'y rapporter.

(a) Il semble que l'objet de quelques aristocraties soit moins maintenir l'état, que ce qu'elles appellent leur noblesse. (1) Il ne faudrait mortifier personne.

(2) Le vrai principe de ce gouvernement, s'il y en a un, est de servir le roi. Après cela, les préjugés placent l'honneur où ils peuvent.

ESPRIT DES LOIS. T. I.

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Il faut qu'elles y travaillent à soutenir cette noblesse (1), dont l'honneur est pour ainsi dire l'enfant et le père.

Il faut qu'elles la rendent héréditaire, non pas pour être le terme entre le pouvoir du prince et la faiblesse du peuple, mais le lien de tous les deux (2).

Les substitutions, qui conservent les biens dans les familles, seront très-utiles dans ce gouvernement, quoiqu'elles ne conviennent pas dans les

autres.

Le retrait lignager rendra aux familles nobles les terres que la prodigalité d'un parent aura alié

nées.

Les terres nobles auront des priviléges comme les personnes. On ne peut pas séparer la dignité du monarque de celle du royaume; on ne peut guère séparer non plus la dignité du noble de celle de son fief.

Toutes ces prérogatives seront particulières à la noblesse (3), et ne passeront point au peuple, si l'on ne veut choquer le principe du gouvernement, si lon ne veut diminuer la force de la noblesse et celle du peuple.

Les substitutions gênent le commerce; le retraiť

(1) Il n'y a de noblesse réelle que celle des places.

(2) C'est le lien avec lequel le monarque enchaîne le peuple. (3) Tous ces priviléges suivent des principes absurdes des fefs, et ne conservent même pas les biens dans les familles, et n'enfantent que des abus dans l'ordre social.

lignager fait une infinité de procès nécessaires ; et tous les fonds du royaume vendus sont au moins, en quelque façon, sans maître pendant un an. Des prérogatives attachées à des fiefs donnent un pouvoir très-à charge à ceux qui les souffrent. Ce sont des inconvéniens particuliers de la noblesse, qui disparaissent devant l'utilité générale qu'elle procure (1). Mais, quand on les communique au peuple, on choque inutilement tous les principes.

On peut, dans les monarchies, permettre de laisser la plus grande partie de ses biens à un seul de ses enfans (2); cette permission n'est même bonne que là.

Il faut que les lois favorisent tout le commerce (a) que la constitution de ce gouvernement peut donner, afin que les sujets puissent, sans périr, satisfaire aux besoins toujours renaissans du prince et de sa cour.

Il faut qu'elles mettent un certain ordre dans la manière de lever les tributs, afin qu'elle ne soit pas plus pesante que les charges mêmes.

(1) Oui, si les nobles étaient la nation.

(2) Pour rendre l'aîné un mauvais sujet, et les cadets des aventuriers.

(a) Elle ne le permet qu'au peuple. Voyez la loi troisième, au code DE COMM. ET MERCATORIBUS, qui est pleine de bon sens (*).

(*) Ce qui a plus de sens, c'est qu'un homme, quel qu'il soit, gagne sa vie comme bon lui semble.

La pesanteur des charges produit d'abord le travail; le travail, l'accablement; l'accablement, l'esprit de paresse.

CHAPITRE X.

De la promptitude de l'exécution dans la monarchie.

Le gouvernement monarchique a un grand avantage sur le républicain : les affaires étant menées par un senl, il y a plus de promptitude dans l'exécution. Mais, comme cette promptitude pourrait dégénérer en rapidité, les lois y mettront une certaine lenteur. Elles ne doivent pas seulement favoriser la nature de chaque constitution (1), mais encore remédier aux abus qui pourraient résulter de cette même nature.

Le cardinal de Richelieu (a) veut que l'on évite, dans les monarchies, les épines des compagnies, qui forment des difficultés sur tout. Quand cet homme n'aurait pas eu le despotisme dans le cœur, il l'aurait eu dans la tête.

Les corps qui ont le dépôt des lois n'obéissent jamais mieux que quand ils vont à pas tardifs, et qu'ils apportent, dans les affaires du prince,

(1) Il faut ajouter quand elle est bonne. C'est là ce qu'il fallait chercher,

(a) Testament politique.

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