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appeloit un bourg, les comtes avoient encore fous eux des officiers qu'on appeloit centeniers, qui menoient les hommes libres du bourg (a), ou leurs centaines, à la guerre.

Cette divifion par centaines eft poftérieure à l'établiffement des Francs dans les Gaules. Elle fut faite par Clothaire & Childebert, dans la vue d'obliger chaque diftrict à répondre des vols qui s'y feroient: on voit cela dans les décrets de ces princes (b). Une pareille police s'observe encore aujourd'hui en Angleterre.

Čomme les comtes menoient les hommes libres à la guerre, les leudes y menoient auffi leurs vaffaux ou arrierevaffaux; & les évêques, abbés, ou leurs avoués (c), y menoient les leurs (d).

Les évêques étoient affez embarraffés: ils ne convenoient (e) pas bien euxmêmes de leurs faits. Ils demanderent

(a) On les appeloit compagenfes.

(b) Donnés vers l'an 595, art. 1. Voyez les Capitulaires, édition de Baluze, pag. zo. Ces réglemens furent faits fans doute de concert.

(c) Advocati.

(d) Capitulaire de Charlemagne, de l'an 812, art. 1 & 5, édition de Baluze, tom. I, p. 490.

(e) Voyez le capitulaire de l'an 803, donné à Worms, édit. de Baluze, pag. 408 & 410,

à Charlemagne de ne plus les obliger d'aller à la guerre; & quand ils l'eurent obtenu, ils fe plaignirent de ce qu'on leur faifoit perdre la confidération publique: & ce prince fut obligé de juftifier là-deffus fes intentions. Quoi qu'il en foit, dans les temps où ils n'allerent plus à la guerre, je ne vois pas que leurs vaffaux y ayent été menés par les comtes; on voit au contraire (a) que les rois ou les évêques choififfoient un des fidelles pour les y conduire.

Dans un capitulaire (b) de Louis le Débonnaire, le roi diftingue trois fortes de vaffaux, ceux du roi, ceux des évêques, ceux du comte. Les vaffaux (c). d'un leude ou feigneur n'étoient menés à la guerre par le comte, que lorfque quelque emploi dans la maifon du roi

(a) Capitulaire de Worms, de l'an 803, édition de Baluze, p. 409; & le concile de l'an S45, fous Charles le Chauve, in verno palatio, édition de Baluze, tom. II, P. 17, art. 8.

(b) Capitulare quintum anni 819, art. 27, édit, de Baluze, p. 618.

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(c) De vafis dominicis qui adhuc intrà casam ferviunt, & tamen beneficia habere nofcuntur, ftatutum eft ut quicumque ex eis cum domino imperatore domi remanferint, vaffallos fuos cafatos fecum non retineant; fed cum comite, cujus pagenfes funt, ire permittant. Capitulaire II, de l'an 812, art. 7, édit, de Baluze, tom. I, pag. 494.

empêchoit ces leudes de les mener eux

mêmes.

Mais qui eft-ce qui menoit les leudes à la guerre? On ne peut douter que ce ne fût le roi, qui étoit toujours à la tête de fes fidelles. C'eft pour cela que dans les capitulaires on voit toujours une oppofition entre les vaffaux (a) du roi & ceux des évêques. Nos rois, courageux, fiers & magnanimes, n'étoient point dans l'armée pour fe mettre à la tête de cette milice eccléfiaftique; ce n'étoit point ces gens-là qu'ils choififfoient pour vaincre ou mourir avec

eux.

Mais ces leudes menoient de même leurs vaffaux & arriere-vaffaux; & cela, paroît bien par ce capitulaire (b) où, Charlemagne ordonne que tout homme. libre, qui aura quatre manoirs, foit dans fa propriété, foit dans le bénéfice de quelqu'un, aille contre l'ennemi ou fuive fon feigneur. Il eft visible

(a) Capitulaire I, de l'an 812, art. 5 de hominibus noftris, & epifcoporum & abbatum qui vel beneficia, vel talia propria habent, &c. édition de Baluze, tom. I, pag. 490.

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(b) De l'an 812, ch. 1 édit. de Baluze, p. 490. Ut omnis homo liber qui quatuor manfos veftitos de proprio fuo, five de alicujus beneficio, habet, ipfe fe præparet, & ipje in hoftem pergat, five cum feniore fuo.

que Charlemagne veut dire que celui qui n'avoit qu'une terre en propre entroit dans la milice du comte, & que celui qui tenoit un bénéfice du feigneur partoit avec lui.

Cependant M. l'abbé Dubos (a) prétend que, quand il eft parlé, dans les capitulaires, des hommes qui dépendoient d'un feigneur particulier, il n'eft queftion que des ferfs; & il fe fonde fur la loi des Wifigoths & la pratique de ce peuple. Il vaudroit mieux fe fonder fur les capitulaires mêmes. Celui que je viens de citer, dit formellement le contraire. Le traité entre Charles le Chauve & fes freres, parle de même des hommes libres qui peuvent prendre à leur choix un feigneur ou le roi; & cette difpofition eft conforme à beaucoup d'autres.

On peut donc dire qu'il y avoit trois fortes de milices; celle des leudes ou fidelles du roi, qui avoient eux-mêmes fous leur dépendance d'autres fidelles; celle des évêques ou autres eccléfiaftiques, & de leurs vaffaux; & enfin celle du comte, qui menoit les hommes

libres.

(a) Tome III, liv. VI, ch. Iv, p. 299. Etablissement de la monarchie Françoise.

Je ne dis point que les vaffaux ne puffent être foumis au comte, comme ceux qui ont un commandement particulier dépendent de celui qui a un commandement plus général.

On voit même que le comte & les envoyés du roi pouvoient leur faire payer le ban, c'est-à-dire une amende, lorfqu'ils n'avoient pas rempli les engagemens de leur fief.

De même, fi les vaffaux (a) du roi faifoient des rapines, ils étoient foumis à la correction du comte, s'ils n'aimoient mieux fe foumettre à celle du roi.

(a) Capitulaire de l'an SS2, art. 11, apud Vernis palatium, édit. de Baluze, tom. II, pag. 17.

CHAPITRE XVIII.
Du double fervice.

C'ET

'ÉTOIT un principe fondamental de la monarchie, que ceux qui éto.ent fous la puiffance militaire de quelqu'un, étoient auffi fous fa juridiction civile: auffi le capitulaire (a) de Louis le Débonnaire, de l'an 815, fait-il marcher d'un pas égal la puiffance mili

(a) Art. 1 & 2 ; & le concile in Verno palatio, de l'an 845, art. 8, édit. de Baluze, tom, II, pag. 17.

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