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tions humaines, a dû en parler, parce qu'elles entroient néceffairement dans fon plan. Il n'a point été les chercher, mais elles font venues le chercher. Et quant à la religion chrétienne, il n'en a parlé que par occafion; parce que, par fa nature, ne pouvant être modifiée mitigée, corrigée, elle n'entroit point dans le plan qu'il s'étoit propofé.

Qu'a t-on fait pour donner une ample carriere aux déclamations, & ouvrir la porte la plus large aux invectives? On a confidéré l'auteur comme fi, à l'exemple de M. Abbadie, il avoit voulu faire un traité fur la religion chrétienne : on l'a attaqué comme fi fes deux livres fur la religion étoient deux traités de théologie chrétienne : on l'a repris comme fi, parlant d'une religion quelconque, qui n'eft pas la chrétienne, il avoit eu à l'examiner felon les principes & les dogmes de la religion chrétienne : OR l'a jugé comme s'il s'étoit chargé, dans fes deux livres, d'établir pour les chrétiens, & de prêcher aux mahométans & aux idolâtres, les dogmes de la religion chrétienne. Toutes les fois qu'il a parlé de la religion en général,toutes les fois qu'il a employé le mot de religion,

on a dit : C'est la religion chrétienne. Toutes les fois qu'il a comparé les pratiques religieufes de quelques nations quelconques, & qu'il a dit qu'elles étoient plus conformes au gouvernement politique de ce pays, que telle autre pratique, on a dit: Vous les approuvez donc, & abandonnez la foi chrétienne. Lorsqu'il a parlé de quelque peuple qui n'a point embraffé le chriftianifme, ou qui a précédé la venue de Jefus-Chrift, on lui a dit : Vous ne reconnoiffez donc pas la morale chrétienne? Quand il a examiné, en écrivain politique, quelque pratique que ce foit, on lui a dit: C'étoit tel dogme de théologie chrétienne que vous deviez mettre-là. Vous dites que vous êtes jurifconfulte; & je vous ferai théologien malgré vous. Vous nous donnez d'ailleurs de très-belles chofes fur la religion chrétienne; mais c'est pour vous cacher que vous les dites: car je connois votre cœur, & je lis dans vos penfées. Il eft vrai que je n'entends point votre livre; il n'importe pas que j'aye démêlé bien ou mal l'objet dans lequel il a été écrit: mais je connois au fond toutes vos penfées. Je ne fais pas un

mot de ce que vous dites; mais j'entends très-bien ce que vous ne dites pas. Entrons à préfent en matiere,

DES CONSEILS

L'A

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'AUTEUR, dans le livre fur la religion, a combattu l'erreur de Bayle. Voici fes paroles (a): Monfieur Bayle, après avoir infulté toutes les religions, flétrit la religion chrétienne. Il ofe avancer que de véritables chrétiens ne formeroient pas un état qui pût fubfifter. Pourquoi non? Ce feroient des citoyens infiniment éclairés fur leurs devoirs, & qui auroient un très-grand zele pour les remplir. Ils fentiroient très-bien les droits de la défenfe naturelle. Plus ils croiroient devoir à la religion, plus ils penferoient devoir à la patrie. Les principes du chriftianifme, bien gravés dans leur cœur, feroient infiniment plus forts que ce faux honneur des monarchies, ces vertus humaines des républiques, & cette crainte fervile des états defpotiques.

(a) Livre XXIV, chap. VI.

Il est étonnant que ce grand homme n'ait pas fu diftinguer les ordres pour l'établiffement du chriftianifme, d'avec le chriftianifme même; & qu'on puiffe lui imputer d'avoir méconnu l'efprit de fa propre religion, Lorfque le législateur, au lieu de donner des lois, a donné des confeils; c'eft qu'il a vu que fes confeils, s'ils étoient ordonnés tomme des lois, feroient contraires à l'esprit de fes lois. Qu'a-t-on fait pour ôter à l'auteur la gloire d'avoir combattu ainfi l'erreur de Bayle? On prend le chapitre fuivant (a), qui n'a rien à faire avec Bayle: Les lois humaines, y eft-il dit, faites pour parler à l'efprit, doivent donner des préceptes, & point de confeils; la religion, faite pour parler au cœur, doit donner beaucoup de confeils, & peu de préceptes. Et de-là on conclut que l'auteur regarde tous les préceptes de l'évangile comme des confeils. Il pourroit dire auffi que celui qui fait cette critique, regarde lui-même tous les conseils de l'évangile comme des préceptes; mais ce n'est pas fa maniere de raifonner, & encore moins fa maniere d'agir. Allons au fait il faut un peu alonger ce que l'auteur a raccourci. M. Bayle avoit (a) C'eft le chap, v11 du liv. XXIV.

foutenu qu'une fociété de chrétiens ne pourroit pas fubfifter: & il alléguoit pour cela l'ordre de l'évangile, de préfenter l'autre joue, quand on reçoit un foufflet; de quitter le monde; de fe retirer dans les déferts, &c. L'auteur a dit que Bayle prenoit pour des préceptes ce qui n'étoit que des confeils, pour des regles générales ce qui n'étoit que des regles particulieres: en cela, l'auteur a défendu la religion. Qu'arrive. t-il? On pofe, pour premier article de fa croyance, que tous les livres de l'évangile ne contiennent que des confeils.

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