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enfants adultérins du mari ne sont pas à la femme ni à la charge de la femme.

CHAPITRE IX.

Que les choses qui doivent être réglées par les principes du droit civil peuvent rarement l'être par les principes des lois de la religion.

LES lois religieuses ont plus de sublimité; les lois civiles ont plus d'étendue.

Les lois de perfection, tirées de la religion, ont plus pour objet la bonté de l'homme qui les observe que celle de la société dans laquelle elles sont observées : les lois civiles au contraire ont plus pour objet la bonté morale des hommes en général que celle des individus.

Ainsi, quelque respectables que soient les idées qui naissent immédiatement de la religion, elles ne doivent pas toujours servir de principe aux lois civiles, parceque celles - ci en ont un autre, qui est le bien général de la société.

Les Romains firent des réglements pour conserver dans la république les mœurs des femmes: c'étoient des institutions politiques. Lorsque la monarchie s'établit, ils firent làdessus des lois civiles, et ils les firent sur les principes du gouvernement civil. Lorsque la religion chrétienne eut pris naissance, les lois nouvelles que l'on fit eurent moins de rapport à la bonté générale des mœurs qu'à la sainteté du mariage; on considéra moins l'union des

deux sexes dans l'état civil que dans un état spirituel.

D'abord, par la loi (1) romaine, un mari qui ramenoit sa femme dans sa maison après la condamnation d'adultere, fut puni comme complice de ses débauches. Justinien (2), dans un autre esprit, ordonna qu'il pourroit pendant deux ans l'aller reprendre dans le mo

nastere.

Lorsqu'une femme qui avoit son mari à la guerre n'entendoit plus parler de lui, elle pouvoit, dans les premiers temps, aisément se remarier, parcequ'elle avoit entre ses mains le pouvoir de faire divorce. La loi de Constantin (3) voulut qu'elle attendît quatre ans, après quoi elle pouvoit envoyer le libelle de divorce au chef; et si son mari revenoit, il ne pouvoit plus l'accuser d'adultere. Mais Justinien (4) établit que, quelque temps qui se fût écoulé depuis le départ du mari, elle ne pouvoit se remarier, à moins que, par la déposition et le serment du chef, elle ne prouvât la mort de son mari. Justinien avoit en vue l'indissolubilité du mariage; mais on peut dire qu'il l'avoit trop en vue. Il demandoit une preuve positive lorsqu'une preuve négative suffisoit; il exigeoit une chose très difficile, de rendre compte

(1) Leg. XI, §. ult. ff. ad leg. Jul. de adult.(2) Nov. CXXXIV, ch. X.—(3) Leg. VII, cod. de repudiis et judicio de moribus sublato.—(4) Auth. Quantiscumque, cod. de repud.

de la destinée d'un homme éloigné, et exposé à tant d'accidents; il présumoit un crime, c'est-à-dire la désertion du mari, lorsqu'il étoit si naturel de présumer sa mort. Il choquoit le bien public en laissant une femme sans mariage; il choquoit l'intérêt particulier en l'exposant à mille dangers.

La loi de Justinien (1), qui mit parmi les causes de divorce le consentement du mari et de la femme d'entrer dans le monastere, s'éloignoit entièrement des principes des lois civiles. Il est naturel que des causes de divorce tirent leur origine de certains empêchements qu'on ne devoit pas prévoir avant le mariage: mais ce desir de garder la chasteté pouvoit être prévu, puisqu'il est en nous. Cette loi favorise l'inconstance dans un état qui, de sa nature, est perpétuel; elle choque le principe fondamental du divorce, qui ne souffre la dissolution d'un mariage que dans l'espérance d'un autre; enfin, à suivre même les idées religieuses, elle ne fait que donner des victimes à Dieu sans sacrifice.

CHAPITRE X.

Dans quel cas il faut suivre la loi civile qui permet, et non pas la loi de la religion qui défend.

LORSQU'UNE religion qui défend la polygamie s'introduit dans un pays où elle est per

(1) Auth. Quod hodie, cod. de repud.

mise, on ne croit pas, à ne parler que politiquement, que la loi du pays doive souffrir qu'un homme qui a plusieurs femmes embrasse cette religion, à moins que le magistrat ou le mari ne les dédommagent en leur rendant de quelque maniere leur état civil: sans cela leur condition seroit déplorable; elles n'auroient fait qu'obéir aux lois, et elles se trouveroient privées des plus grands avantages de la société.

CHAPITRE XI.

Qu'il ne faut point régler les tribunaux humains par les maximes des tribunaux qui regardent l'autre vie.

Le tribunal de l'inquisition, formé par les

moines chrétiens sur l'idée du tribunal de la pénitence, est contraire à toute bonne police. Il a trouvé par-tout un soulèvement général; et il auroit cédé aux contradictions, si ceux qui vouloient l'établir n'avoient tiré avantage de ces contradictions mêmes.

faire

Ce tribunal est insupportable dans tous les gouvernements. Dans la monarchie, il ne peut que des délateurs et des traîtres; dans les républiques, il ne peut former que des malhonnêtes gens; dans l'état despotique, il est destructeur comme lui.

ESPR. DES LOIS. 4.

ΤΟ

CHAPITRE XII.

Continuation du même sujet.

C'EST un des abus de ce tribunal, que, de deux personnes qui sont accusées du même crime, celle qui nie est condamnée à la mort, et celle qui avoue évite le supplice. Ceci est tiré des idées monastiques, où celui qui nie paroît être dans l'impénitence et damné, et celui qui avoue semble être dans le repentir et sauvé. Mais une pareille distinction ne peut concerner les tribunaux humains : la justice humaine, qui ne voit que les actions, n'a qu'un pacte avec les hommes, qui est celui de l'innocence: la justice divine, qui voit les pensées, en a deux, celui de l'innocence et celui du repentir.

CHAPITRE XIII.

Dans quel cas il faut suivre, à l'égard des mariages, les lois de la religion; et dans quel cas il faut suivre les lois civiles.

Il est arrivé dans tous les pays et dans tous les temps que la religion s'est mêlée des mariages. Dès que de certaines choses ont été regardées comme impures ou illicites, et que cependant elles étoient nécessaires, il a bien fallu y appeler la religion pour les légitimer dans un cas, et les réprouver dans les autres.

D'un autre côté, les mariages étant de tou

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