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sortoient de l'enfance (1); ils étoient une partie de la famille, ils en devenoient une « de la république.

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« Les aigles (2), disoit le roi des Ostro<< goths, cessent de donner la nourriture à << leurs petits sitôt que leurs plumes et leurs ongles sont formés ; ceux-ci n'ont plus besoin du secours d'autrui quand ils vont eux• mêmes chercher une proie. Il seroit indigne « que nos jeunes gens qui sont dans nos armées fussent censés être dans un âge trop « foible pour régir leur bien et pour régler la « conduite de leur vie. C'est la vertu qui fait << la majorité chez les Goths. »

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Childebert II avoit quinze (3) ans lorsque Gontran son oncle le déclara majeur et capable de gouverner par lui-même. On voit, dans la loi des Ripuaires, cet âge de quinze ans, la capacité de porter les armes, et la majorité, marcher ensemble. «< Si un Ripuaire << est mort ou a été tué, y est-il dit (4), et qu'il << ait laissé un fils, il ne pourra poursuivre «< ni être poursuivi en jugement qu'il n'ait

(1) Hæc apud illos toga, hic primus juventæ honos: ante hoc domûs pars videntur, mox reipublicæ. (2) Théodoric, dans Cassiodore, liv. I, lettre 38. (3) Il avoit à peine cinq ans, dit Grégoire de Tours, liv. V, chap. I, lorsqu'il succéda à son pere, en l'an 575; c'est-à-dire qu'il avoit cinq ans. Gontran le déclara majeur en l'an 585: il avoit donc quinze ans. — (4) Tit. LXXXI.

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quinze ans complets; pour lors il répondra « lui-même, ou choisira un champion. » Il falloit que l'esprit fût assez formé pour se défendre dans le jugement, et que le corps le fût assez pour se défendre dans le combat. Chez les Bourguignons (1), qui avoient aussi l'usage du combat dans les actions judiciaires, la majorité étoit encore à quinze ans.

Agathias nous dit que les armes des Francs étoient légères : ils pouvoient donc être majeurs à quinze ans. Dans la suite, les armes devinrent pesantes, et elles l'étoient déja beaucoup du temps de Charlemagne, comme il paroît par nos capitulaires et par nos romans. Ceux qui (2) avoient des fiefs, et qui par conséquent devoient faire le service militaire, ne furent plus majeurs qu'à vingt-un Mans (3).

CHAPITRE XXVII.

Continuation du même sujet.

On a vu que chez les Germains on n'alloit point à l'assemblée avant la majorité; on étoit partie de la famille, et non pas de la république. Cela fit que les enfants de Clodomir,

(1) Tit. LXXXVII. - (2) Il n'y eut point de chauge ment pour les roturiers.- (3) Saint Louis ne fut majeur qu'à cet âge. Cela changea par un édit de Charles V de l'an 1374.

roi d'Orléans et conquérant de la Bourgogne, ne furent point déclarés rois, parceque, dans l'âge tendre où ils étoient, ils ne pouvoient pas être présentés à l'assemblée. Ils n'étoient pas rois encore, mais ils devoient l'être lorsqu'ils seroient capables de porter les armes; et cependant Clotilde leur aïeule gouvernoit l'état (1). Leurs oncles Clotaire et Childebert les égorgerent et partagerent leur royaume. Cet exemple fut cause que dans la suite les princes pupilles furent déclarés rois, d'abord après la mort de leurs peres. Ainsi le duc Gondovalde sauva Childebert II de la cruauté de Chilpéric, et le fit déclarer roi (2) à l'âge de cinq ans.

Mais, dans ce changement même, on suivit le premier esprit de la nation, de sorte que les actes ne se passoient pas même au nom des rois pupilles. Aussi y eut-il chez les Francs une double administration, l'une qui regardoit la personne du roi pupille, et l'autre qui regardoit le royaume; et, dans les fiefs, il y eut une différence entre la tutele et la baillie,

(1) Il paroft par Grégoire de Tours, 1. III, qu'elle choisit deux hommes de Bourgogne, qui étoit une conquête de Clodomir, pour les élever au siege de Tours, qui étoit aussi du royaume de Clodomir. - (2) Grégoire de Tours, liv. V, chap. 1. Vix lustro ætatis uno jam peracto, qui die dominicæ natalis, regnare cœpit.

CHAPITRE XXVIII.

De l'adoption chez les Germains.

COMME

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OM ME chez les Germains on devenoit majeur en recevant les armes, on étoit adopté par le même signe. Ainsi Gontran voulant déclarer majeur son neveu Childebert, et de plus l'adopter, il lui dit : « J'ai mis (1) ce ja<< velot dans tes mains comme un signe que je t'ai donné mon royaume. » Et se tournant vers l'assemblée : « Vous voyez que mon fils << Childebert est devenu un homme, obéis<< sez-lui. » Théodoric, roi des Ostrogots, voulant adopter le roi des Hérules, lui écrivit (2): « C'est une belle chose parmi nous de « pouvoir être adopté par les armes; car les <«< hommes courageux sont les seuls qui mé«ritent de devenir nos enfants. Il y a une telle force dans cet acte, que celui qui en « est l'objet aimera toujours mieux mourir « que de souffrir quelque chose de honteux. Ainsi, par la coutume des nations et parce« que vous êtes un homme, nous vous adop<< tons par ces boucliers, ces épées, ces che<< vaux, que nous vous envoyons. »

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(1) Voyez Grégoire de Tours, 1, VII, ch. XXIII. (2) Dans Cassiodore, liv. IV, lettre 2,

CHAPITRE XXIX.

Esprit sanguinaires des rois francs.

CLOVIS navoit pas été le seul des princes chez les Francs qui eût entrepris des expéditions dans les Gaules; plusieurs de ses parents y avoient mené des tribus particulieres; et comme il y eut de plus grands succès, et qu'il put donner des établissements considérables à ceux qui l'avoient suivi, les Francs accoururent à lui de toutes les tribus, et les autres chefs se trouverent trop foibles pour Jui résister. Il forma le dessein d'exterminer toute sa maison, et il y réussit (1). Il craignait, dit Grégoire de Tours (2), que les Francs ne prissent un autre chef. Ses enfants et ses successeurs suivirent cette pratique autant qu'ils purent on vit sans cesse le frere, l'oncle, le neveu, que dis-je! le fils, le pere, conspirer contre toute sa famille. La loi séparoit sans cesse la monarchie; la crainte, l'ambition, et la cruauté, vouloient la réunir.

(1) Grégoire de Tours, liv. II.

(2) Ibid.

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