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Louis XIII (1) se fit une peine extrême de la loi qui rendoit esclaves les Negres de ses colonies; mais quand on lui eut bien mis dans l'esprit que c'étoit la voie la plus sûre pour les convertir, il y consentit.

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CHAPITRE V.

De l'esclavage des Negres.

I j'avois à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les Negres esclaves, voici ce que je dirois :

Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique pour s'en servir à défricher tant de terres.

Le sucre seroit trop cher si l'on ne faisoit travailler la plante qui le produit par des csclaves.

Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête; et ils ont le nez si écrasé, qu'il est presque impossible de les plaindre.

On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une ame, surtout une ame bonne, dans un corps tout noir.

Il est si naturel de penser que c'est la couleur qui constitue l'essence de l'humanité, que les peuples d'Asie qui font des eunuques pri

(1) Le P. Labat, nouveau Voyage aux isles de l'Amérique, tome IV, p. 114, an 1722, in-12.

vent toujours les noirs du rapport qu'ils ont avec nous d'une façon plus marquée.

On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Egyptiens, les meilleurs philosophes du monde, étoient d'une si grande conséquence, qu'ils faisoient mourir tous les hommes roux qui leur tomboient entre les mains.

Une preuve que les Negres n'ont pas le sens commun, c'est qu'ils font plus de cas d'un collier de verre que de l'or, qui, chez des nations policées, est d'une si grande conséquence.

Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes; parceque, nous les supposions des hommes, on commenceroit à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.

De petits esprits exagerent trop l'injustice que l'on fait aux Africains; car, si elle étoit telle qu'ils le disent, ne seroit-il pas venu dans la tête des princes d'Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d'en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié?

CHAPITRE VI.

Véritable origine du droit de l'esclavage.

Il est temps de chercher la vraie origine du droit de l'esclavage. Il doit être fondé sur la nature des choses: voyons s'il y a des cas où il en dérive.

Dans tout gouvernement despotique on a une grande facilité à se vendre; l'esclavage politique y anéantit en quelque façon la liberté civile.

M. Perry (1) dit que les Moscovites se vendent très aisément. J'en sais bien la raison, leur liberté ne vaut rien.

c'est

que

A Achin, tout le monde cherche à se vendre. Quelques uns des principaux seigneurs (2) n'ont pas moins de mille esclaves, qui sont des principaux marchands, qui ont aussi beaucoup d'esclaves sous eux ; et ceux-ci beaucoup d'autres: on en hérite, et on les fait trafiquer. Dans ces états les hommes libres, trop foibles contre le gouvernement, cherchent à devenir les esclaves de ceux qui tyrannisent le gouver

nement.

C'est là l'origine juste et conforme à la raison de ce droit d'esclavage très doux que l'on trouve dans quelques pays; et il doit être doux, parcequ'il est fondé sur le choix libre qu'un homme, pour son utilité, se fait d'un maître; ce qui forme une convention réciproque entre les deux parties.

(1) Etat présent de la Grande Russie, par Jean Perry, Paris, 1717, in-12. (2) Nouveau Voyage autour du monde, par Guillaume Dampierre, tome III, Amsterdam, 1711.

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CHAPITRE VII.

Autre origine du droit de l'esclavage.

VOICI CI une autre origine du droit de l'esclavage, et même de cet esclavage cruel que l'on voit parmi les hommes.

Il y a des pays où la chaleur énerve le corps et affoiblit si fort le courage, que les homines ne sont portés à un devoir pénible que par la crainte du châtiment : l'esclavage y choque donc moins la raison; et le maître y étant aussi lâche à l'égard de son prince que son esclave l'est à son égard, l'esclavage civil y est encore accompagné de l'esclavage politique.

Aristote (1) veut dire qu'il y a des esclaves par nature; et ce qu'il dit ne le prouve guere. Je crois que, s'il y en a de tels, ce sont ceux dont je viens de parler.

Mais, comme tous les hommes naissent égaux, il faut dire que l'esclavage est contre la nature, quoique dans certains pays il soit fondé sur une raison naturelle; et il faut bien distinguer ces pays d'avec ceux où les raisons naturelles mêmes le rejettent, comme les pays d'Europe où il a été si heureusement aboli. Plutarque nous dit, dans la vie de Numa, que du temps de Saturne il n'y avoit ni maître ni esclave. Dans nos climats, le christianisme a ramené cet âge.

(1) Polit. liv. I, chap. I.

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CHAPITRE VIII.

Inutilité de l'esclavage parmi nous.

Il faut donc borner la servitude naturelle à de certains pays particuliers de la terre. Dans tous les autres, il me semble que, quelque pénibles que soient les travaux que la société y exige, on peut tout faire avec des hommes libres.

Ce qui me fait penser ainsi, c'est qu'avant que le christianisme eût aboli en Europe la ervitude civile, on regardoit les travaux des mines comme si pénibles, qu'on croyoit qu'ils ne pouvoient être faits que par des esclaves ou par des criminels. Mais on sait qu'aujourd'hui les hommes qui y sont employés (1) vivent heureux. On a, par de petits privileges, encouragé cette profession; on a joint à l'augmentation du travail celle du gain; et on est parvenu à leur faire aimer leur condition plus que toute autre qu'ils eussent pu prendre.

Il n'y a point de travail si pénible qu'on ne puisse proportionner à la force de celui qui le fait, pourvu que ce soit la raison et non pas l'avarice qui le regle. On peut, par la commodité des machines que l'art invente ou applique, suppléer au travail forcé qu'ailleurs on

(1) On peut se faire instruire de ce qui se passe à cet égard dans les mines de Hartz dans la basse Allemagne, et dans celles de Hongrie.

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