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LIVRE

QUINZIE

XVIII.

dans l'Etat civil que dans l'Etat politique; parce que dans le Gouvernement même populaire, la Puiffance ME. ne doit point tomber entre les mains du bas-peuple. Chap. A Rome où il y avoit tant d'affranchis, les Loix politiques furent admirables à leur égard. On leur donna peu & on ne les exclut prefque de rien; ils curent bien quelque part à la Légiflation, mais ils n'influoient prefque point dans les réfolutions qu'on pouvoit prendre. Ils pouvoient avoir part aux charges & au facerdoce (a) même, mais ce privilège étoit en quelque façon rendu vain par les defavantages qu'ils avoient dans les elections. Ils avoient droit d'entrer dans la milice; mais pour être Soldat il faloit un certain cens. Rien n'empêchoit les affranchis (b) de s'u nir par mariage avec les familles ingénues; mais il ne leur étoit pas permis de s'allier avec celles des Sénateurs. Enfin leurs enfans étoient ingénus, quoi qu'ils ne le fuffent pas eux-mêmes.

(a) Taci

te, Annal.

Liv. 3.

(b) Harangute dans

gue d'Au

Dion, Liv.

56

A

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Des Affranchis & des Eunuques.

INSI dans le Gouvernement de plufieurs, il eft fouvent utile que la condition des affranchis foit peu au-deffous de celle des Ingénus, & que les Loix travaillent à leur ôter le dégoût de leur condi

QUINZIE

ME.

XVIII.

LIVRE tion. Mais dans le Gouvernement d'un feul, lorfque le luxe & le pouvoir arbitraire règnent, on n'a rien à Chap. faire à cet égard; les affranchis fe trouvent prefque toûjours au-deffus des hommes libres. Ils dominent à la Cour du Prince & dans les palais des Grands; & comme ils ont étudié les foibleffes de leur maître & non pas fes vertus, ils le font régner, non pas far fes vertus, mais par fes foibleffes. Tels étoient à Rome les affranchis du tems des Empereurs.

3. P. 91.

Lorfque les principaux efclaves font eunuques, quelque privilège qu'on leur accorde, on ne peut guère les regarder comme des affranchis. Car comme ils ne peuvent avoir de famille, ils font par leur nature attachés à une famille; & ce n'eft que par une espèce de fiction qu'on peut les confidérer comme citoyens.

Cependant il y a des païs où on leur donne toutes (a) Tom. les Magiftratures: "Au + Tonquin, dit Dampierre (1), «tous les Mandarins civils & militaires font eunuques.» Ils n'ont point de familles, & quoiqu'ils foient naturellement avares, le maître ou le Prince profitent à la fin de leur avarice même.

(b) Tom.

3. p. 94.

Le même (1) Dampierre nous dit que dans ce païs les eunuques ne peuvent se paffer de femmes & qu'ils La Loi qui leur permet le mariage, ne

fe marient.

peut

† C'étoit autrefois de même à la Chine. Les deux Arabes Mahometans qui y voyagèrent au 9me. Siècle difent, l'Eunuque, quand ils veulent parler du Gouverneur d'une Ville.

QUINZIE

peut être fondée, d'un côté que fur la confidération LIVRE que l'on y a pour de pareilles gens, & de l'autre fur ME. le mépris qu'on y a pour les femmes.

Ainfi l'on confie à ces gens-là les Magiftratures, parce qu'ils n'ont point de famille ; & d'un autre côté on leur permet de fe marier, parce qu'ils ont les Magiftratures.

C'eft pour lors que les fens qui reftent, veulent obfinément fuppléer à ceux que l'on a perdus; & que les entreprises du defefpoir font une espèce de jouiffance. Ainfi dans Milton cet Efprit à qui il ne refte que des defirs, pénétré de fa dégradation, veut faire ufage de fon impuissance même.

On voit dans l'Hiftoire de la Chine un grand nombre de Loix pour ôter aux Eunuques tous les emplois civils & militaires; mais ils reviennent toujours. Il femble que les Eunuques en Orient Toient un mal néceffaire.

Chap.

XVIII

·Tom. I.

Fft

LI

LIVRE SEIZIE ME.

COMMENT

LES LOIX

DE L'ESCLAVAGE DOMESTIQUE

ONT DU RAPPORT

AVEC

LA NATURE DU CLIMAT.

CHAPITRE PREMIER. De la Servitude Domestique.

L

Es efclaves font plûtôt établis pour la famille qu'ils ne font dans la famille. Ainfi je diftinguerai leur fervitude de celle où font les femmes dans

quelques païs, & que j'appellerai proprement la fervitude domeftique.

CHA

CHAPITRE II.

Que dans les païs du Midi il
du Midi il y a dans les
deux fexes une inégalité naturelle.

L

Es femmes font + nubiles dans les climats chauds à huit, neuf & dix ans; ainfi l'Enfance & le Mariage y vont presque toûjours ensemble. Elles font vielles à vingt; la Raifon ne fe trouve donc jamais chez elle avec la beauté. Quand la beauté demande l'empire, la Raison le fait refufer; quand la Raison pourroit l'obtenir, la beauté n'eft plus. Les femmes doivent être dans la dépendance; car la Raison ne peut leur procurer dans leur vieilleffe un empire que la beauté ne leur avoit pas donné dans la jeunesse même. Il est donc très fimple qu'un homme, lorsque quelque Loi ne s'y oppose pas, quitte fa femme pour en prendre une autre, & que la polygamie s'introduise.

Dans les païs tempérés, où les agrémens des femmes fe confervent mieux, où elles font plus tard nubiles, & où elles ont des enfans dans un âge plus avancé, la vieilleffe de leur mari fuit en quelque faFff 2

çon

† Mahomet épousa Cadhisja à cinq ans, coucha avec elle à huit. Dans les Pais chauds d'Arabie & des Indes, les filles y font nubiles à huit ans, & accouchent l'année d'après. Prideaux, Vie de Mahomet. On voit des femmes dans les Royaumes d'Alger enfanter à neuf, dix & onze ans. Logier de Talis, Hift. du Royaume d'Alger pag. 61,

LIVRE SEIZIE

ME.

Chap. II.

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