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LIVRE ONZIEME.

Une Monarchie peut plus aifément communiquer fon Gouvernement, Chap. , parce que les Officiers qu'elle enXIX. voye ont, les uns la puiffance executrice - civile, & les autres la puiffance executrice - militaire; ce qui n'entraîne pas après foi le Defpotifme.

C'étoit un privilège d'une grande conféquence pour un Citoyen Romain, de ne pouvoir être jugé que par le peuple. Sans cela il auroit été foumis dans les Provinces au pouvoir arbitraire d'un Proconful ou d'un Proprêteur. La Ville ne fentoit point la tyrannie qui ne s'exerçoit que fur les nations affujetties.

Ainfi dans le monde Romain, comme à Lacédémone, ceux qui étoient libres étoient extrêmement libres, & ceux qui étoient efclaves étoient extrêmement efclaves.

Pendant que les citoyens payoient des tributs, ils étoient levés avec une équité très grande. On fuivoit F'établissement de Servius - Tullius, qui avoit diftribué tous les citoyens en fix claffes felon l'ordre de leurs richeffes, & fixé la part de l'impôt à proportion de celle que chacun avoit dans le Gouvernement. I arrivoit de-là qu'on fouffroit la grandeur du tribut à-caufe de la grandeur du crédit, & que l'on fe confoloit de la petiteffe du crédit par la petiteffe du tribut.

Il y avoit encore une chofe admirable, c'eft que la divifion de Servius- Tullius par claffes étant, pour

ainfi-dire, le principe fondamental de la Conftitution, il arrivoit que l'équité dans la levée des tributs tenoit au principe fondamental du Gouvernement, & ne pouvoit être ôtée qu'avec lui.

Mais pendant que la ville payoit les tributs fans peine ou n'en payoit point du-tout +, les Provinces étoient defolées par les Chevaliers qui étoient les Traîtans de la République. Nous avons parlé de leurs vexations, & toute l'hiftoire en eft pleine.

«Toute l'Afie m'attend comme fon libérateur, difoit «Mithridate (a); tant ont excité de haine contre les Ro«mains les rapines des Proconfuls (b), les executions «des gens d'affaires & les calomnies des jugemens *».

LIVRE ONZIEME.

Chap. XIX.

(a) Har rée de

rangue ti

Trogue Pompée, rapportée

Liv. 38.

(b) Voy.

les Orai

Voilà ce qui fit que la force des Provinces n'ajouta par Juftin rien à la force de la République, & ne fit au-contraire que l'affoiblir. Voilà ce qui fit que les Provinces regardérent la perte de la liberté de Rome com- tre Verrés me l'époque de l'établiffement de la- leur.

Après la conquête de la Macédoine les tributs ceffèrent à Rome.
On fait quel fut le tribunal de Varus qui fit révolter les Germains.›

fons con

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LIVRE ONZIEME.

Ch. XX.

J'

CHAPITRE XX.

Fin de ce Livre.

E voudrois rechercher dans tous les Gouvernemens modérés que nous connoiffons quelle eft la diftri

bution des trois pouvoirs, & calculer par-là les degrés de liberté dont chacun d'eux peut jouïr. Mais il ne faut pas toujours tellement épuiser un fujet qu'on ne laiffe rien à faire au Lecteur. Il ne s'agit pas de faire lire, mais de faire penfer.

LIVRE DOUZIEME

DES LOIX

QUI FORMENT

LA LIBERTE POLITIQUE

DANS SON RAPPORT

AVEC LE CITO Y E N.

CHAPITRE PREMIER.

CE

Idée de ce Livre.

E n'eft pas affez d'avoir traité de la Liberté politique dans fon rapport avec la Conftitution; il faut la faire voir dans le rapport qu'elle a avec le Citoyen.

J'ai dit que dans le premier cas elle eft formée par une certaine diftribution des trois pouvoirs: mais dans le fecond il faut la confidérer foûs une autre idée. Elle confifte dans la fureté, ou dans l'opinion que l'on a de fa fureté.

Il pourra arriver que la Conftitution fera libre & que le Citoyen ne le fera point. Le Citoyen pourra être

DOUZIE

ME.

LIVRE libre & la Conftitution ne l'être pas. Dans ces cas, la Conftitution fera libre de droit & non de fait, le Citoyen fera libre de fait & non pas de droit.

Chap. IL

Il n'y a que la difpofition des Loix, & même des Loix fondamentales, qui forme la Liberté dans fon rapport avec la Conftitution. Mais dans le rapport avec le Citoyen; des mœurs, des manières, des exemples reçus peuvent la faire naître, & de certaines Loix civiles la favorifer, comme nous allons voir dans ce Livre - ci.

De-plus, dans la plupart des Etats, la Liberté étant plus gênée, choquée ou abbattue, que leur Conftitution ne le demande, il eft bon de parler des Loix particulières qui dans chaque Constitution peuvent aider ou choquer le principe de la Liberté dont chacun d'eux peut être susceptible.

L

CHAPITRE II.

De la LIBERTE du CITOYEN.

A LIBERTE' philofophique confifte dans l'exercice de fa volonté, ou du-moins (s'il faut parler dans tous les Systêmes) dans l'opinion où l'on eft que l'on exerce fa volonté. La Liberté politique confifte dans la fureté, ou du-moins dans l'opinion que l'on a de fa fureté.

Cette fureté n'eft jamais plus attaquée que dans les

accu

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