Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE XV I.

D'un Etat Defpotique qui conquiert.

ORSQUE la conquête eft immenfe, elle fuppofe

[ocr errors]

le Defpotisme. Pour lors l'armée répandue dans les provinces ne fufit pas. Il faut qu'il y aît toûjours autour du Prince un Corps particuliérement affidé, toûjours prêt à fondre fur la partie de l'Empire qui pourroit s'ébranler. Cette milice doit contenir les autres, & faire trembler tous ceux à qui on a été obligé de laiffer quelqu'autorité dans l'Empire. Il y a autour de l'Empereur de la Chine un gros Corps de Tartares toûjours prêt pour le befoin. Chez le Mogol, chez les Turcs, au Japon, il y a un Corps à la folde du Prince, indépendament de ce qui eft entretenu du revenu des terres. Ces forces particulières tiennent en refpect les générales.

[ocr errors]

CHAPITRE XV II.

Continuation du même Sujet.

Ous avons dit que les Etats que le Monarque Defpotique conquiert, doivent être feudataires. Les Historiens s'épuifent en éloges fur la générofité

[blocks in formation]

LIVRE DIXIEME.

Ch. XVI.

& XVII.

DIXIEME.

ne

LIVRE des Conquérans qui ont rendu la couronne aux PrinChap. ces qu'ils avoient vaincus. Les Romains étoient donc XVII. bien généreux, qui faifoient partout des Rois pour avoir des inftrumens de fervitude *. Une action pareille eft un acte néceffaire. Si le Conquérant garde l'Etat conquis, les Gouverneurs qu'il enverra fçauront contenir les fujets, ni lui-même fes Gouverneurs. Il fera obligé de dégarnir de troupes fon ancien patrimoine pour garantir le nouveau. Tous les malheurs des deux Etats feront communs; la guerre civile de l'un fera la Guerre civile de l'autre. Que fi au contraire le Conquérant rend le trône au Prince légitime; il aura un Allié néceffaire, qui avec les forces qui lui feront propres, augmentera les fiennes. Nous venons de voir Schah Nadir conquérir les tréfors du Mogol & lui laiffer l'Indoustan.

*Ut haberent inftrumenta Servitutis & Reges.

LL

LIVRE ONZIEME.

DES LOIX

QUI FORMENT

LA LIBERTE POLITIQUE.

DANS SON RAPPORT

AVEC LA CONSTITUTION.

J'

CHAPITRE PREMIER.

Idée générale.

E diftingue les Loix qui forment la Liberté politi que dans fon rapport avec la Conftitution, d'avec celles qui la forment dans fon rapport avec le Citoyen. Les premières feront le fujet de ce Livre-ci; je traiterai des fecondes dans le Livre fuivant.

CHA

LIVRE ONZIEME.

Chap. II.

CHAPITRE II.

Diverfes fignifications données au mot
de LIBERTE.

L n'y a point de mot qui aît reçû plus de différen

Ites fignifications, ut qui aît frappe les efprits de

tant de manières, que celui de Liberté. Les uns l'ont pris pour la facilité de dépofer celui à qui ils avoient donné un pouvoir tyrannique; les autres pour la faculté d'élire celui à qui ils devoient obéir; d'autres pour le droit d'être armés, & de pouvoir exercer la violence; ceux-ci pour le privilège de n'être gouvernés que par un homme de leur Nation ou par leurs propres Loix t. Certain peuple a long-tems pris la Liberté pour l'usage de porter une longue barbe +i Ceux-ci ont attaché ce nom à une forme de Gouvernement, & en ont exclu les autres. Ceux qui avoient goûté du Gouvernement Républicain l'ont mise dans ce Gouvernement; ceux qui avoient joui du Gouvernement Monarchique l'ont placée dans la Monarchie *: Enfin chacun a appellé Liberté le Gouvernement qui étoit conforme à fes coûtumes ou à fes inclinations;

&

+ »Jai, dit Ciceron, copié l'Edit de Scévola qui permet aux Grecs de termi»ner entr'eux leurs différends felon leurs Loix; ce qui fait qu'ils fe regardent comme des Peuples libres.

+ Les Mofcovites ne pouvoient fouffrir que le Czar Pierre la leur fit couper. Les Capadociens refufèrent l'Etat Républicain que leur offrirent les Romains.

ONZIEME

& comme dans une République on n'a pas toujours LIVRE devant les yeux & d'une manière fi préfente les inf- Ch. 111. trumens des maux dont on fe plaint, & que même les Loix paroiffent y parler plus, & les executeurs de la Loi y parler moins, on la place ordinairement dans les Républiques, & on l'a exclue des Monarchies. Enfin comme dans les Démocraties le peuple paroît àpeu-près faire ce qu'il veut, on a mis la Liberté dans ces fortes de Gouvernemens, & on a confondu le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple.

[ocr errors]

CHAPITRE III.

Ce que c'est que la LIBERTE.

eft vrai que dans les Démocraties le peuple paroît faire ce qu'il veut; mais la Liberté politique ne confifte point à faire ce que l'on veut. Dans un Etat, c'eft-à-dire, dans une Société où il y a des Loix, la liberté ne peut confifter qu'à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, & à n'être point contraint de faire ce que l'on ne doit pas vouloir.

Il faut fe mettre dans l'efprit ce que c'eft que l'Indépendance & ce que c'eft que la Liberté. La Liberté eft le droit de faire tout ce que les Loix permettent; & fi un Citoyen pouvoit faire ce qu'elles défendent, il n'auroit plus de Liberté, parce que les autres auroient tout-de-même ce pouvoir.

Tome I.

Hh

CHA

« PreviousContinue »