Page images
PDF
EPUB

SIXIME.

que les gens riches éluderoient la punition. Mais les LIVRE gens riches ne craignent-ils pas de perdre leurs biens? Ch.XIX. les peines pécuniaires ne peuvent-elles pas fe proportioner aux fortunes? & enfin ne peut-on pas joindre l'infamie à ces peines?

Un bon Législateur prend un jufte milieu; il n'ordonne pas toujours des peines pécuniaires, il n'inflige pas toujours des peines corporelles.

L'

CHAPITRE XIX.

De la Loi du TALION.

*

ES Etats defpotiques qui aiment les Loix fimples, usent beaucoup de la Loi du Talion Les Etats modérés la reçoivent quelquefois; mais il y a cette différence, que les prémiers la font exercer rigoureufement, & que les autres lui donnent prefque toûjours des tempérammens.

La Loi des douze Tables en admettoit deux; elle ne condamnoit au Talion que lorsqu'on n'avoit pu appaifer celui qui fe plaignoit +. On pouvoit après la condamnation payer les dommages & intérêts (b), (b) ibid. & la peine corporelle fe convertiffoit en peine pécuniaire ().

(c) Voy.

auffi la

Loi des

Elle est établie dans l'Alcoran, Voy. le Chapitre de la Vache. (+) Si membrum rupit ni cum eo pacit, talio efto. Aulu gele. Liv. 20. Ch. I. Wifigoths

T 2

Liv. 6. tit. 4. $.3.& 5.

CHA

LIVRE SIXIEME. Ch. XX.

XXI.

(a) Voy. Garcillaffo, Hift.

des Guerres civiles des Efpagnols.

CHAPITRE X X.

De la punition des PERES pour leurs ENFANS.

Ο

N punit à la Chine les peres pour les fautes de leurs enfans. C'étoit l'ufage du Perou (a). Ceci eft encore tiré des idées Defpotiques.

On a beau dire qu'on punit à la Chine le pere pour n'avoir pas fait ufage de ce pouvoir paternel que la Nature a établi & que les Loix mêmes y ont augmenté. Cela fuppofe toûjours qu'il n'y a point d'honneur chez les Chinois. Parmi nous les peres dont les enfans font condamnés au fupplice, & les enfans + dont les peres ont fubi le même fort, font auffi punis par la honte, qu'ils le feroient à la Chine par la perte de la vie.

LA

CHAPITRE XXI.

De la CLEMENCE du PRINCE.

A Clémence eft la qualité diftinctive des Monarques.. Dans la République où l'on a pour principe la Vertu, elle eft moins néceffaire. Dans l'Etat Defpo

tique

Au lieu de les punir, difoit Platon, il faut les louer de ne pas ressembler à leur pere. Liv. 9. des Loix.

SIXIEME.
Ch.XXI,

tique où régne la crainte, elle eft moins en ufage, LIVRE parce qu'il faut contenir les Grands de l'Etat par des exemples de févérité. Dans les Monarchies où l'on eft gouverné par l'honneur, qui fouvent exige ce que la Loi défend, elle eft plus néceffaire. La difgrace y est un équivalent à la peine; les formalités meme des jugemens y font des punitions. C'eft-là que la honte vient de tous côtés pour former des genres particuliers de peine.

Les Grands y font fi fort punis par la difgrace, Far la perte fouvent imaginaire de leur fortune, de leur crédit, de leurs habitudes, de leurs plaifirs, que la rigueur à leur égard eft inutile; elle ne peut fervir qu'à ôter aux fujets l'amour qu'ils ont pour la perfonne du Prince, & le refpect qu'ils doivent avoir pour les places.

Comme l'inftabilité des Grands eft de la nature du Gouvernement Defpotique, leur fureté entre dans la nature de la Monarchie..

Les Monarques ont tant à gagner par la clémence, elle eft fuivie de tant d'amour, ils en tirent tant de gloire, que c'eft prefque toûjours un bonheur pour eux d'avoir occafion de l'exercer; & on le peut prefque toujours dans nos contrées.

On leur difputera peut-être quelque branche de l'Autorité, prefque jamais l'Autorité entière; & fi quelquefois ils combattent pour la couronne, ils ne combattent point pour la vie.

T 3

Mais,

LIVRE

SIXIEME.

Mais, dira-t-on, quand faut-il punir? quand fautCh.XXI. il pardonner? G'eft une chofe qui fe fait mieux fentir qu'elle ne peut fe prefcrire. Quand la clémence a des dangers, ces dangers font très vifibles; on la diftingue aifément de cette foibleffe qui mène le Prince au mépris & à l'impuiffance meme de punir.

(a) Evagre, Hift.

de Suidas

L'Empereur Maurice (2) prit la réfolution de ne (b) fragm. Verfer jamais le fang de fes fujets. Anafiafe (b) ne dans Conf- puniffoit point les crimes. Izaac l'Ange jura que de tant. For fon régne il ne feroit mourir perfonne. Ces Empereurs Grecs avoient oublié que ce n'étoit pas en vain qu'ils portoient l'épée.

phyrog.

LIVRE SEPTIEM E.

CONSEQUENCES

DES

DIFFERENS PRINCIPES

DES TROIS GOUVERNEMENS,

PAR RAPPORT

AUX LOIX SOMPTUAIRES,

AU LUX E,

ET A LA CONDITION DES FEMMES.

L

CHAPITRE PREMIER..

Du LUXE.

E Luxe eft toûjours en proportion avec l'inégalité des fortunes. Si dans un Etat les richeffes font égaleinent partagées, il n'y aura point de luxe; car il n'eft fondé que fur les commodités qu'on fe donne par le travail des autres.

Pour que les richeffes reftent également partagées, il faut que la Loi ne donne à chacun que le néceffai

re

« PreviousContinue »