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L'esclavage est d'ailleurs aussi opposé au 'droit civil qu'au droit naturel. Quelle loi civile pourroit empêcher un esclave de fuir, lui qui n'est point dans la société, et que par conséquent aucunes loix civiles ne concernent? Il ne peut être retenu que par une loi de famille; c'est-à-dire, par la loi du maître.

CHAPITRE II I.

'Autre origine du droit de l'esclavage. J'AIMEROIS autant dire que le droit de l'esclavage vient du mépris qu'une nation conçoit pour une autre, fondé sur la différence des

coutumes.

Lopes de Gamar (*) dit « que les Espagnols » trouvèrent, près de Sainte-Marthe, des pa»niers où les habitans avoient des denrées; » c'étoient des cancres, des limaçons, des » cigales, des sauterelles. Les vainqueurs en » firent un crime aux vaincus ». L'auteur avoue que c'est là-dessus qu'on fonda le droit qui rendoit les Américains esclaves des Espagnols; outre qu'ils fumoient du tabac, et qu'ils ne se faisoient pas la barbe à l'Espagnole.

Les connoissances rendent les hommes doux; la raison porte à l'humanité: il n'y a que les préjugés qui y fassent renoncer.

(*) Biblioth. ang. tome XII, part. II, art. 3.

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CHAPITRE IV.

Autre origine du droit de l'esclavage. J'AIMEROIS autant dire que la religion donne à ceux qui la professent un droit de réduire en servitude ceux qui ne la professent pas, pour travailler plus aisément à sa propagation.

Ce fut cette manière de penser qui encouragea les destructeurs de l'Amérique dans leurs crimes (1). C'est sur cette idée qu'ils fondèrent le droit de rendre tant de peuples esclaves; car ces brigands, qui vouloient absolument être brigands et chrétiens, étoient très-dévôts.

Louis XIII (2) se fit une peine extrême de la loi qui rendoit esclaves les Nègres de ses colonies; mais quand on lui eut bien mis dans l'esprit que c'étoit la voie la plus sûre pour les convertir, il y consentit.

(1) Voyez l'histoire de la conquête du Mexique, par Solis ; et celle du Pérou, par Garcilasso de la Vega.

(2) Le P. Labat, nouveau voyage aux isles de l'Amérique, tome IV, page 114, an. 1722, in-12.

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CHAPITRE V.

De l'esclavage des Nègres.

Si j'avois à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les Nègres esclaves, voici ce que je dirois:

Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique', ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique, pour s'en servir à défricher tant de terres.

Le sucre seroit trop cher, si l'on ne faisoit travailler la plante qui le produit par des esclaves.

Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête; et ils ont le nez si écrasé, qu'il est presque impossible de les plaindre.

On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très-sage, ait mis une ame, surtout une ame bonne, dans un corps noir.

Il est si naturel de penser que c'est la couleur qui constitue l'essence de l'humanité , que les peuples d'Asie qui font des eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu'ils ont avec nous d'une façon plus marquée.

On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Egyptiens, les meilleurs philosophes du monde, étoient d'une si grande conséquence, qu'ils faisoient mourir

tous les hommes roux qui leur tomboient entre les mains.

Une preuve que les Nègres n'ont pas le sens commun, c'est qu'ils font plus de cas d'un collier de verre, que de l'or, qui, chez des nations policées, est d'une si grande conséquence.

Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes; parce que, si nous les supposions des hommes, on commenceroit à croire que nous ne sommes pas nousmêmes chrétiens.

De petits esprits exagèrent trop l'injustice que l'on fait aux Africains. Car, si elle étoit telle qu'ils le disent, ne seroit-il pas venu dans la tête des princes d'Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d'en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié ?

CHAPITRE VI.

Véritable origine du droit de l'esclavage.

Il est temps de chercher la vraie origine du

droit de l'esclavage. Il doit être fondé sur la nature des choses: voyons s'il y a des cas où il en dérive.

Dans tout gouvernement despotique, on a une grande facilité à se vendre ; l'esclavage politique

politique y anéantit en quelque façon la liberté civile.

M. Perry (1) dit que les Moscovites se vendent très-aisément. J'en sais bien la raison, c'est que leur liberté ne vaut rien.

A Achin tout le monde cherche à se vendre. Quelques-uns des principaux seigneurs (2) n'ont pas moins de mille esclaves, qui sont des principaux marchands, qui ont aussi beaucoup d'esclaves sous eux; et ceux-ci beaucoup d'autres: on en hérite, et on les fait trafiquer. Dans ces états, les hommes libres, trop foibles contre le gouvernement, cherchent à devenir les esclaves de ceux qui tyrannisent le gouvernement.

C'est-là l'origine juste et conforme à la raison, de ce droit d'esclavage très-doux que l'on trouve dans quelques pays; et il doit être doux, parce qu'il est fondé sur le choix libre qu'un homme, pour son utilité, se fait d'un maître; ce qui forme une convention réciproque entre les deux parties.

(1) Etat présent de la Grande Russie, par Jean Perry. Paris, 1717, in-12.

(2) Nouveau voyage autour du monde, par Guil laume Dampierre, tome III. Amsterdam, 1711,

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