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rapportent à ces loix d'Athènes, qui statuoient contre un particulier (1), pourvu qu'elles fussent faites par le suffrage de six mille citoyens. Ils se rapportent à ces loix qu'on faisoit à Rome contre des citoyens particuliers, et qu'on appel loit privilèges (2). Elles ne se faisoient que dans les grands états du peuple. Mais, de quelque manière que le peuple les donne, Cicéron veut qu'on les abolisse, parce que la force de la loi ne consiste qu'en ce qu'elle statue sur tout le monde (3). J'avoue pourtant que l'usage des. peuples les plus libres qui, aient jamais été sur la terre, me fait croire qu'il y a des cas où il faut mettre pour un moment un voile sur la liberté , comme l'on cache les statues des dieux.

appelle haut crime, avoit trouvé le moyen d'écarter les témoins, de sorte qu'il fût impossible de le faire condamner par la loi, on pourroit porter contre lui un bill particulier d'auainder; c'est-à-dire, faire une loi singu lière sur sa personne. On y procède comme pour tous les autres bills: il faut qu'il passe dans deux chambres, et que le roi y donne son consentement, sans quoi il n'y a point de bill, c'est-à-dire, de jugement. L'accusé peut faire parler ses avocats contre le bill; et on peut parler dans la chambre pour le bill.

(1) Legem de singulari aliquo ne rogato, nisi sex millibus ità visum. Ex Andocide de mysteriis : c'est l'ostracisme. (2) De privatis hominibus latæ. Cicéron, de leg. liv. III. (3) Scitum est jussum in omnes. Cicéron, ibid.

CHAPITRE XX.

Des loix favorables à la liberté du citoyen dans la république.

IL arrive souvent, dans les états populaires, que les occasions sont publiques, et qu'il est permis à tout homme d'accuser qui il veut. Celaa fait établir des loix propres à défendre l'innocence des citoyens. A Athènes, l'accusateur qui n'avoit point pour lui la cinquième partie des suffrages, payoit une amende de mille dragmes. Eschines, qui avoit accusé Ctésiphon, y fut condamné (1). A Rome, l'injuste accusateur étoit noté d'infamie (2), on lui imprimoit la lettre K sur le front. On donnoit des gardes à l'accusateur, pour qu'il fût hors d'état de corrompre les juges ou les témoins (3).

J'ai déjà parlé de cette loi athénienne et romaine, qui permettoit à l'accusé de se retirer avant le jugement.

(1) Voyez Philostrate, liv. I, vie des sophistes, vie d'Eschines. Voyez aussi Plutarque et Photius.

(2) Par la loi Remnia,

(3) Plutarque, au traité, comment on pourroit recevoir de l'utilité de ses ennemis,

CHAPITRE

4

LIVRE XII, CHAP. XXI. 345

CHAPITRE XX I.

De la cruauté des loix envers les débiteurs, dans
la république.

UN citoyen s'est déjà donné une assez grande

s'en

supériorité sur un citoyen, en lui prêtant un
argent que celui-ci n'a emprunté que pour
défaire, et que par conséquent il n'a plus. Que
sera-ce, dans une république, si les loix aug-
mentent cette servitude encore davantage ?

à

A Athènes et à Rome (1) il fut d'abord permis de vendre les débiteurs qui n'étoient pas en état de payer. Solon corrigea cet usage Athènes (2): il ordonna que personne ne seroit obligé par corps pour dettes civiles, Mais les décemvirs (3) ne réformèrent pas de même l'usage de Rome; et quoiqu'ils eussent devant les yeux le réglement de Solon, ils ne voulurent pas le suivre. Ce n'est pas le seul endroit de la loi des douze tables où l'on voit le dessein des décemvirs de choquer l'esprit de la démocratie.

Ces loix cruelles contre les débiteurs mirent bien des fois en danger la république romaine.

(1) Plusieurs vendoient leurs enfans pour payer leurs dettes. Plutarque, vie de Solon.

(2) Ibid.

(3) Il paroît par l'histoire, que cet usage étoit établi chez les Romains avant la loi des douze tables. Tite-Live décade I, liv. II.

Tome 1,

Xx

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Un homme couvert de plaies s'échappa de la maison de son créancier, et parut dans la place (1). Le peuple s'émut à ce spectacle. D'autres citoyens, que leurs créanciers n'osoient plus retenir, sortirent de leurs cachots. On leur fit des promesses; on y manqua: le peuple se retira sur le Mont-sacré. Il n'obtint pas l'abrogation de ces loix, mais un magistrat pour le défendre. On sortoit de l'anarchie, on pensa tomber dans la tyrannie. Manlius, pour se rendre populaire, alloit retirer des mains des créanciers les citoyens qu'ils avoient réduits en esclavage (2). On prévint les desseins de Manlius; mais le mal restoit toujours. Des loix particulières donnèrent aux débiteurs des faci→ lités de payer (3): et l'an de Rome 428, les consuls portèrent une loi (4) qui ôta aux créanciers le droit de tenir les débiteurs en ser vitude dans leurs maisons (5). Un usurier nommé Papirius, avoit voulu corrompre la pudicité d'un jeune homme nommé Publius, qu'il tenoit dans les fers. Le crime de Sextus donna à Rome la liberté politique; celui de Papirius y donna la liberté civile.

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Ce fut le destin de cette ville, que des crimes

(1) Denys d'Halicarnasse, antiquités rom. liv. VI.

(2) Plutarque, vie de Furius Camillus.

I

(3) Voyez ci-après le chap. XXIV da liv. XXII. (4) Cent vingt ans après la loi des douze tables. Eo anno plebi romana velut aliud initium libertatis factum est, quod necti desierunt. Tite-Live, liv. VIII.

(5) Bona debitoris, non corpus obnoxium esset. Ibid,

nouveaux y confirmèrent la liberté, que des crimes anciens lui avoient procurée. L'attentat d'Appius sur Virginie remit le peuple dans cette horreur contre les tyrans, que lui avoit donnée le malheur de Lucrèce. Trente-sept ans ( 1 ) après le crime de l'infame Papirius, un crime pareil (2) fit que le peuple se retira sur le Janicule (3), et que la loi faite pour la sûreté des débiteurs reprit une nouvelle force.

Depuis ce temps, les créanciers furent plutôt poursuivis par les débiteurs pour avoir violé les loix faites contre des usures, que ceux-ci le furent pour ne les avoir pas payés.

CHAPITRE

XXII.

Des choses qui attaquent la liberté dans la

monarchie.

LA chose du monde la plus inutile au prince,

a souvent affoibli la liberté dans les monarchies: les commissaires nommés quelquefois pour juger un particulier.

Le prince tire si peu d'utilité des commis saires, qu'il ne vaut pas la peine qu'il change (1) L'an de Rome 465.

(2) Celui de Plautius, qui attenta.contre la pudicité de Veturius. Valère Maxime, liv. VI, art. IX. On ne doit point confondre ces deux événemens: ce ne sont ni les mêmes personnes, ni les mêmes temps.

(3) Voyez un fragment de Denys d'Halicarnasse, dans l'extrait des vertus et des vices; l'épitôme de TiteLive, liv. XI;et Freinshemius, liv. XI.

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