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» disoit Mithridate (1); tant ont excité de haine » contre les Romains les rapines des procon» suls (2), les exactions des gens d'affaires, » et les calomnies des jugemens (3) ».

Voilà ce qui fit que la force des provinces n'ajouta rien à la force de la république, et ne fit au contraire que l'affoiblir. Voilà ce qui fit que les provinces regardèrent la perte de la liberté de Rome, comme l'époque de l'établissement de la leur.

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CHAPITRE XX.
Fin de ce livre.

JE voudrois rechercher dans tous les gouver-
nemens modérés que nous connoissons, quelle
est la distribution des trois pouvoirs, et calculer
par-là les degrés de liberté dont chacun d'eux
peut jouir. Mais il ne faut pas toujours telle-
ment épuiser un sujet, qu'on ne laisse rien à
faire au lecteur. Il ne s'agit pas de faire lire,
mais de faire penser,

(1) Harangue tirée de Trogue Pompée, rapportée par Justin, liv. XXXVIII.

(2) Voyez les oraisons contre Verrês.

(3) On sait que ce fut le tribünâl de Vârùs qui fit révolter les Germains,

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Des loix qui forment la liberté politique dans son rapport avec le citoyen.

CHAPITRE PREMIER.

Idée de ce livre.

Ce n'est pas assez d'avoir traité de la liberté

politique dans son rapport avec la constitution; il faut la faire voir dans le rapport qu'elle a avec le citoyen.

J'ai dit que, dans le premier cas, elle est formée par une certaine distribution des trois pouvoirs; mais, dans le second, il faut la considérer sous une autre idée. Elle consiste dans la sûreté, ou dans l'opinion que l'on a de sa sûreté.

Il pourra arriver que la constitution sera libre, et que le citoyen ne le sera point. Le citoyen pourra être libre, et la constitution ne l'être pas. Dans ces cas, la constitution sera libre de droit, et non de fait; le citoyen sera libre de fait, et non pas de droit.

Il n'y a que la disposition des loix, et même des loix fondamentales, qui forme la liberté dans son rapport avec la constitution. Mais, dans le rapport avec le citoyen; des mœurs, des manières, des exemples reçus peuvent la faire

naître; et de certaines loix civiles la favoriser, comme nous allons voir dans ce livre-ci.

De plus, dans la plupart des états, la liberté étant plus gênée, choquée ou abattue, que leur constitution ne le demande; il est bon de parler des loix particulières, qui, dans chaque constitution, peuvent aider ou choquer le principe de la liberté dont chacun d'eux peut être susceptible.

CHAPITRE II.

De la liberté du citoyen.

LA liberté philosophique consiste dans l'exer

cice de sa volonté, ou du moins (s'il faut parler dans tous les systêmes) dans l'opinion où l'on est que l'on exerce sa volonté. La liberté politique consiste dans la sûreté, ou du moins dans l'opinion que l'on a de sa sûreté.

Cette sûreté n'est jamais plus attaquée que dans les accusations publiques ou privées. C'est donc de la bonté des loix criminelles, que dépend principalement la liberté du citoyen.

Les loix criminelles n'ont pas été perfectionnées tout d'un coup. Dans les lieux même où l'on a le plus cherché la liberté, on ne l'a pas toujours trouvée. Aristote (*) nous dit qu'à Cumes, les parens de l'accusateur pouvoient

(*) Polit. liv. II

être témoins, Sous les rois de Rome, la loi étoit si imparfaite, que Servius Tullius prononça la sentence contre les enfans d'Ançus Martius, accusé d'avoir assassiné le roi son beau-père (1). Sous les premiers rois des Francs, Clotaire fit une loi (2), pour qu'un accusé ne pût être condamné sans être oui; ce qui prouve une pratique contraire dans quelque cas particulier, ou chez quelque peuple barbare. Ce fut Charondas qui introduisit les jugemens contre--les faux témoignages (3). Quand l'innocence des citoyens n'est pas assurée, la liberté ne l'est pas non plus.

Les connoissances que l'on a acquises dans quelque pays, et que l'on acquerra dans d'autres, sur les règles les plus sûres que l'on puisse tenir dans les jugemens criminels, intéressent genre humain plus qu'aucune chose qu'il y ait au monde.

le

Ce n'est que sur la pratique de ces connoissances, que la liberté peut être fondée ; dans un état qui auroit là-dessus les meilleures loix possibles, un homme, à qui on feroit son procès, et qui devroit être pendu le lendemain, seroit plus libre qu'un bacha ne l'est en Turquie.

(1) Tarquinius Priscus. Voyez Denys d'Halicarnasse, liv. IV.

(2) De l'an 160.

(3) Aristote, Polit. liv. II, chap. XII. Il donna ses loix à Thurium dans la quatre-vingt-quatrième olym piade.

LES

CHAPITRE II I.

Continuation du même sujet.

Es loix qui font périr un homme sur la déposition d'un seul témoin, sont fatales à la liberté. La raison en exige deux; parce qu'un témoin qui affirme, un accusé qui nię, font un partage; et il faut un tiers pour le vuider.

Les Grecs (1) et les Romains (2) exigeoient une voix de plus pour condamner. Nos loix françoises en demandent deux. Les Grecs prétendoient que leur usage avoit été établi par les dieux (3); mais c'est le nôtre.

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Que ta liberté est favorisée par la nature des peines, et leur proportion.

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C'EST le triomphe de la liberté, lorsque les loix criminelles tirent chaque peine de la nature particulière du crime. Tout l'arbitraire cesse; la peine ne descend point du caprice du législateur, mais de la nature de la chose; et ce n'est point l'homme qui fait violence à l'homme.

(1) Voyez Aristide, orat, in Minervam.

(2) Denys d'Halicarnasse, sur le jugement de Coriolan, liv. VII.

(3) Minerva calculus,

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