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CHAPITRE X.

D'une monarchie qui conquiert une autre monarchie.

QUELQUEFOIS une monarchie en conquiert

une autre. Plus celle-ci sera petite, mieux on la contiendra par des forteresses; plus elle sera grande, mieux on la conservera par des colonies.

CHAPITRE X I.

Des mœurs du peuple vaincu. DANS ces conquêtes il ne suffit pas de laisser à la nation vaincue ses loix; il est peut-être plus nécessaire de lui laisser ses mœurs, parce qu'un peuple connoît, aime et défend toujours plus ses mœurs que ses loix.

Les François ont été chassés neuf fois de l'Italie, à cause, disent les historiens (*), de leur insolence à l'égard des femmes et des filles. C'est trop pour une nation d'avoir à souffrir la fierté du vainqueur, et encore son incontinence; et encore son indiscrétion sans doute plus fâcheuse, parce qu'elle multiplie à l'infini les outrages.

(*) Parcourez l'histoire de l'univers, par M. Puffendorff.

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CHAPITRE XII

D'une loi de Cyrus.

E ne regarde pas comme une bonne loi celle que fit Cyrus, pour que les Lydiens ne pussent exercer que des professions viles, ou des professions infames. On va au plus pressé; on songe aux révoltes, et non pas aux invasions. Mais les invasions viendront bientôt; les deux peuples s'unissent, ils se corrompent tous les deux. J'aimerois mieux maintenir par les loix la rudesse du peuple vainqueur, qu'entretenir par elles la mollesse du peuple vaincu.

Aristodème, tyran de Cumes (*), chercha à énerver le courage de la jeunesse. Il voulut que les garçons laissassent croître leurs cheveux comme les filles; qu'ils les ornassent de fleurs, et portassent des robes de différentes couleurs jusqu'aux talons; que, lorsqu'ils alloient chez leurs maîtres de danse et de musique, des femmes leur portassent des parasols, des parfums, et des éventails; que, dans le bain, elles leur donnassent des peignes et des miroirs. Cette éducation duroit jusqu'à l'âge de vingt ans. Cela ne peut convenir qu'à un petit tyran, qui expose sa souveraineté pour défendre sa

vie.

(*) Denys d'Halicarnasse, liv. VII.

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CE prince, qui ne fit usage que de ses seules

forces, détermina sa chûte, en formant des desseins qui ne pouvoient être exécutés que par une longue guerre; ce que son royaume ne pouvoit soutenir.

Ce n'étoit pas un état qui fût dans la décadence, qu'il entreprit de renverser, mais un empire naissant. Les Moscovites se servirent de la guerre qu'il leur faisoit, comme d'une école. A chaque défaite ils s'approchoient de la victoire; et, perdant au dehors, ils appre noient à se défendre au-dedans.

Charles se croyoit le maître du monde dans les déserts de la Pologne, où il erroit, et dans lesquels la Suède étoit comme répandue; pendant que son principal ennemi se fortifioit contre lui, le serroit, s'établissoit sur la mer Baltique détruisoit ou prenoit la Livonie.

La Suède ressembloit à un fleuve, dont on coupoit les eaux dans sa source, pendant qu'on les détournoit dans son cours.

Ce ne fut point Pultova qui perdit Charles: s'il n'avoit pas été détruit dans ce lieu, il l'au roit été dans un autre. Les accidens de la fortune se réparent aisément; on ne peut pas parer à des événemens qui naissent continuellement de la nature des choses.

Mais la nature ni la fortune ne furent jamais si fort contre lui que lui-même.

Il ne se régloit point sur la disposition actuelle des choses, mais sur un certain modèle qu'il avoit pris; encore le suivoit-il très-mal. Il n'étoit point Alexandre; mais il auroit été le meilleur soldat d'Alexandre.

Le projet d'Alexandre ne réussit que parce qu'il étoit sensé. Les mauvais succès des Perses dans les invasions qu'ils firent. de la Grèce, les conquêtes d'Agésilas, et la retraite des dix mille, avoient fait connoître au juste la supériorité des Grecs dans leur manière de combattre, et dans le genre de leurs armes'; et l'on savoit bien les Perses étoient trop grands pour se corque riger. 60

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Ils ne pouvoient plus affoiblir la Grèce par des divisions; elle étoit alors réunie sous un chef, qui ne pouvoit avoir de meilleur moyen pour lui cacher sa servitude, que de l'éblouir par la destruction de ses ennemis éternels, et par l'espérance de la conquête de l'Asie.

Un empire, cultivé par la nation du monde la plus industrieuse, et qui travailloit les terres par principe de religion, fertile et abondant en' toutes choses, donnoit à un ennemi toutes sortes de facilités pour y subsister.

On pouvoit juger, par l'orgueil de ses rois toujours vainement mortifiés par leurs défaites, qu'ils précipiteroient leur chûte, en donnant toujours des batailles; et que la flatterie ne

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permettroit jamais qu'ils pussent douter de leur grandeur.

Et non-seulement le projet étoit sage, mais il fut sagement exécuté. Alexandre, dans la rapidité de ses actions, dans le feu de ses passions même, avoit, si j'ose me servir de ce terme, une saillie de raison qui le conduisoit, et que ceux qui ont voulu faire un roman de son histoire, et qui avoient l'esprit plus gâté que lui, n'ont pu nous dérober. Parlons-en tout à notre aise.

CHAPITRE X I V.

ALEXANDRE.

IL ne partit qu'après avoir assuré la Macé

doine, contre les peuples barbares qui en étoient voisins, et achevé d'accabler les Grecs il ne se servit de cet accablement que pour l'exécution de son entreprise : il rendit impuissante la jalousie des Lacédémoniens: il attaqua les provinces maritimes: il fit suivre à son armée de terre les côtes de la mer, pour n'être point séparé de sa flotte: il se servit admirablement bien de la discipline contre le nombre il ne manqua point de subsistances: et s'il est vrai que la victoire lui donna tout, il fit aussi tout pour se procurer la victoire.

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Dans le commencement de son entreprise, c'est-à-dire, dans un temps où un échec pouvoit

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