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faite. Cela fut le sujet des invectives des historiens. Ils n'examinoient pas si les femmes méritoient d'être punies, mais si l'on avoit violé la loi pour les punir.

Une des principales tyrannies de Tibère (1) fut l'abus qu'il fit des anciennes loix. Quand il voulut punir quelque dame romaine, au-delà de la peine portée par la loi Julie, il rétablit contre elle le tribunal domestique (2).

- Ces dispositions, à l'égard des femmes, ne regardoient que les familles des sénateurs, et non pas celles du peuple. On vouloit des prétextes aux accusations contre les grands; et les déportemens des femmes en pouvoient fournir sans nombre.

Enfin ce que j'ai dit, que la bonté des mœurs n'est pas le principe d'un gouvernement d'un seul, ne se vérifia jamais mieux que sous ces premiers empereurs; et si l'on en doutoit, on n'auroit qu'à lire Tacite, Suétone, Juvenal et Martial.

~(1) Proprium id Tiberio fuit, scelera nuper reperta priscis verbis obtegere. Tacite.

(2) Adulterii graviorem pœnam deprecatus, ut exemplo majorum, propinquis suis ultrà ducentesimum lapidem removeretur, suasit. Adultero Manlio Italiâ atque Africâ interdictum est. Tacite, Annal. liv. II.

CHAPITRE XIV.

Loix somptuaires chez les Romains. Nous avons parlé de l'incontinence publique, parce qu'elle est jointe avec le luxe, qu'elle en est toujours suivie, et qu'elle le suit toujours. Si vous laissez en liberté les mouvemens du cœur, comment pourrez-vous gêner les foiblesses de l'esprit ?

A Rome, outre les institutions générales, les censeurs firent faire, par les magistrats, plusieurs loix particulières, pour maintenir les femmes dans la frugalité. Les loix Fannienne, Lycinienne et Oppienne eurent cet objet. Il faut voir dans Tite-Live (*) comment le sénat fut agité, lorsqu'elles demandèrent la révocation de la loi Oppienne. Valère-Maxime met l'époque du luxe chez les Romains à l'abrogation de cette loi.

CHAPITRE X V.

Des dots et des avantages nuptiaux dans les diverses constitutions.

LES

ES dots doivent être considérables dans les monarchies, afin que les maris puissent soutenir leur rang et le luxe établi. Elles doivent être médiocres dans les républiques, où le luxe (*) Décade IV, liv. IV,

ne

ne doit pas régner (*). Elles doivent être à-peuprès nulles dans les états despotiques, où les femmes sont, en quelque façon, esclaves.

La communauté des biens, introduite par les loix françoises entre le mari et la femme, est très-convenable dans le gouvernement monarchique; parce qu'elle intéresse les femmes aux affaires domestiques, et les rappelle, comme malgré elles, au soin de leur maison. Elle l'est moins dans la république, où les femmes ont plus de vertu. Elle seroit absurde dans les états despotiques, où presque toujours les femmes sont elles-mêmes une partie de la propriété du maître.

Comme les femmes, par leur état, sont assez portées au mariage, les gains que la loi leur donne sur les biens de leur mari, sont inutiles. Mais ils seroient très-pernicieux dans une répu blique, parce que leurs richesses particulières produisent le luxe. Dans les états despotiques, les gains de noces doivent être leur subsistance, et rien de plus.

(*) Marseille fut la plus sage des républiques de son temps; les dots ne pouvoient passer cent écus en argent, et cinq en habits, dit Strabon, liv. IV.

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CHAPITRE XVI.

Belle coutume des Samnites,

LES Samnites avoient une coutume qui, dans une petite république, et sur-tout dans la situa tion où étoit la leur, devoit produire d'admi rables effets. On assembloit tous les jeunes gens, et on les jugeoit. Celui qui étoit déclaré le meilleur de tous, prenoit pour sa femme la fille qu'il vouloit; celui qui avoit les suffrages après lui choisissoit encore; et ainsi de suite (1). Il étoit admirable de ne regarder entre les biens des garçons que les belles qualités et les ser vices rendus à la patrie. Celui qui étoit le plus, riche de ces sortes de biens, choisissoit une fille dans toute la nation. L'amour, la beauté la chasteté, la vertu, la naissance, les richesses même, tout cela étoit, pour ainsi dire, la dot de la vertu. Il seroit difficile d'imaginer une récompense plus noble, plus grande, moins à charge à un petit état, plus capable d'agir sur l'un et l'autre sexe.

Les Samnites descendoient des Lacédémoniens; et Platon, dont les institutions ne sont que la perfection des loix de Lycurgue, donna à-peu-près une pareille loi (2).

(1) Fragm. de Nicolas de Damas, tiré de Stobée, dans le Recueil de Constantin Porphyrogenète.

(2) Il leur permet même de se voir plus fréquemment

CHAPITRE XVI I.

De l'administration des femmes.

IL Il est contre la raison et contre la nature, que les femmes soient maîtresses dans la maison, comme cela étoit établi chez les Egyptiens mais il ne l'est pas qu'elles gouvernent un empire. Dans le premier cas, l'état de foiblesse où elles sont, ne leur permet pas la prééminence dans le second, leur foiblesse même leur donne plus de douceur et de modération; ce qui peut faire un bon gouvernement, plutôt que les vertus dures et féroces.

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Dans les Indes, on se trouve très-bien du gouvernement des femmes; et il est établi que, si les mâles ne viennent pas d'une mère du même sang, les filles qui ont une mère du sang royal, succèdent (1). On leur donne un certain nombre de personnes pour les aider à porter le poids du gouvernement. Selon M. Smith (2), on se trouve aussi très-bien du gouvernement des femmes en Afrique. Si l'on ajoute à cela l'exemple de la Moscovie et de l'Angleterre, on verra qu'elles réussissent également et dans le gouvernement modéré et dans le gouvernement despotique.

(1) Lettres édif. 14a recueil.

(2) Voyage de Guinée, seconde partie, pag. 165 de la traduction; sur le royaume d'Angona sur la côte d'Or.

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