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Le tribunal domestique regardoit la conduite générale des femmes: mais il y avoit un crime, qui, outre l'animadversion de ce tribunal, étoit encore soumis à une accusation publique : c'étoit l'adultère; soit que, dans une république, une si grande violation de moeurs intéressât le gouvernement, soit que le déréglement de la femme pût faire soupçonner celui du mari, soit enfin que l'on craignît que les honnêtes gens même n'aimassent mieux cacher ce crime que le punir, l'ignorer que le venger.

CHAPITRE XL

Comment les institutions changèrent à Rome avec le gouvernement.

COMME le tribunal domestique supposoit des mœurs, l'accusation publique en supposoit aussi ; et cela fit que ces deux choses tombèrent avec les mœurs, et finirent avec la répu blique (1).

L'établissement des questions perpétuelles, c'est-à-dire, du partage de la jurisdiction entre les préteurs, et la coutume qui s'introduisit de plus en plus, que ces préteurs jugeassent eux-mêmes (2) toutes les affaires, affoiblirent

(1) Judicio de moribus ( quòd anteà quidem in antiquis legibus positum erat, non autem frequentabatur penitùs 】 abolito: Leg. 11, §. 2, cod. de repud.

(2) Judicia extraordinaria,

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l'usage du tribunal domestique; ce qui paroît par la surprise des historiens, qui regardent comme des faits singuliers et comme un renouvellement de la pratique ancienne, les jugemens que Tibère fit rendre par ce tribunal.

L'établissement de la monarchie et le changement des mœurs firent encore cesser l'accusation publique. On pouvoit craindre qu'un malhonnête homme, piqué des mépris d'une femme, indigné de ses refus, outré de sa vertu même, ne formât le dessein de la perdre. La loi Julie ordonna qu'on ne pourroit accuser une femme d'adultère, qu'après avoir accusé son mari de favoriser ses déréglemens; ce qui restreignit beaucoup cette accusation, et l'anéantit pour ainsi dire (1).

Sixte - Quint sembla vouloir renouveller l'accusation publique (2). Mais il ne faut qu'un peu de réflexions pour voir que cette loi, dans une monarchie telle que la sienne, étoit encore plus déplacée que dans toute autre.

(1) Constantin l'ota entièrement: « C'est une chose indigne, disoit-il, que des mariages tranquilles soient » troublés par l'audace des étrangers ».

(2) Sixte V ordonna qu'un mari qui n'iroit point se plaindre à lui des débauches de sa femme, seroit puni de mort. Voyez Let.

CHAPITRE XII.

De la tutèle des femmes chez les Romains

LES

ES institutions des Romains mettoient les femmes dans une perpétuelle tutèle, à moins qu'elles ne fussent sous l'autorité d'un mari (1). Cette tutèle étoit donnée au plus proche des parens par mâles; et il paroît par une expression vulgaire (2), qu'elles étoient très-gênées. Cela étoit bon pour la république, et n'étoit point nécessaire dans la monarchie (3)..

Il paroît, par les divers codes des loix des barbares , que les femmes, chez les premiers Germains, étoient aussi dans une perpétuelle tutèle (4). Cet usage passa dans une monarchie qu'ils fondèrent; mais il ne subsista pas.

(1) Nisi convenissent in manum viri.

(2) Ne sis mihi pairuus oro.

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(3) La loi Papienne ordonna, sous Auguste, que les femmes qui auroient eu trois enfans, seroient hors de cette tutèle.

(4) Cette tutèle s'appelloit, chez les Germains Mandeburdium,

CHAPITRE XIII.

Des peines établies par les empereurs contre les débauches des femmes.

LA loi Julie établit une peine contre l'adultère. Mais bien loin que cette loi, et celles que l'on fit depuis là-dessus, fussent une marque de la bonté des mœurs, elles furent au contraire une marque de leur dépravation.

Tout le systême politique, à l'égard des femmes, changea dans la monarchie. Il ne fut plus question d'établir chez elles la pureté des mœurs, mais de punir leurs crimes. On ne faisoit de nouvelles loix pour punir ces crimes que parce qu'on ne punissoit plus les violations, qui n'étoient point ces crimes.

L'affreux débordement des mœurs obligeoit bien les empereurs de faire des loix pour arrêter, à un certain point, l'impudicité: mais leur intention ne fut pas de corriger les mœurs en général. Des faits positifs, rapportés par les historiens, prouvent plus cela que toutes ces loix ne sauroient prouver le contraire. On peut voir dans Dion la conduite d'Auguste à cet égard; et comment il éluda, et dans sa préture et dans sa censure, les demandes qui lui furent faites (*).

(*) Comme on lui eut amené un jeune homme qui avoit épousé une femme, avec laquelle il avoit eu auparavant un mauvais commerce; il hésita long-temps,

On trouve bien dans les historiens des jugemens rigides, rendus, sous Auguste et sous Tibère, contre l'impudicité de quelques dames romaines mais en nous faisant connoître l'esprit de ces règnes, ils nous font connoître l'esprit de ces jugemens.

Auguste et Tibère songèrent principalement à punir les débauches de leurs parentes. Ils ne punisssoient point le déréglement des mœurs, mais un certain crime d'impiété ou de lèsemajesté (1) qu'ils avoient inventé, utile pour le respect, utile pour leur vengeance. De-la vient que les auteurs romains s'élèvent si fort contre cette tyrannie.

La peine de la loi Julie étoit légère (2). Les dans les jugemens, empereurs voulurent que, on augmentât la peine de la loi qu'ils avoient

n'osant ni approuver, ni punir ces choses. Enfin, reprenant ses esprits : « les séditions ont été cause de grands » maux, dit il; oublions-les ». I)ion, liv. LIV. Les séna teurs lui ayant demandé des réglemens sur les mœurs des femmes, il éluda cette demande, en leur disant qu'ils corrigeassent leurs femmes, comme il corrigeoit la sienne; sur quoi ils le prièrent de leur dire comment il en usoit avec sa femme; (question, ce me semble, fort indiscrète).

(1) Culpam inter viros et feminas vulgatam gravi nomine læsarum religionum ac violatæ majestatis appellando, clementiam majorum suasque ipse leges egrediebatur. Tacite, Annal. liv. III.

(2) Cette loi est rapportée au Digeste; mais on n'y a pas mis la peine. On juge qu'elle n'étoit que de la rélégation, puisque celle de l'inceste n'étoit que de la dépor tation. Leg. Si quis viduam, ff. de quest.

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