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de particulières. Les trois premières dynasties, durèrent assez long-temps, parce qu'elles furent sagement gouvernées, et que l'empire étoit moins étendu qu'il ne le fut depuis. Mais on peut dire en général que toutes ces dynasties commencèrent assez bien. La vertu, l'attention, la vigilance sont nécessaires à la Chine; elles y étoient dans le commencement des dynasties, elles manquoient à la fin. En effet, il étoit naturel que des empereurs, nourris dans les fatigues de la guerre, qui parvenoient à faire descendre du trône une famille noyée dans les délices, conservassent la vertu qu'ils avoient éprouvée si utile, et craignissent les voluptés qu'ils avoient vues si funestes. Mais, après ces trois ou quatre premiers princes, la corruption, le luxe, l'oisiveté, les délices, s'emparent des successeurs; ils s'enferment dans le palais, leur esprit s'affoiblit, leur vie s'accourcit, la famille décline; les grands s'élèvent, les eunuques s'accréditent, on ne met sur le trône que des enfans le palais devient ennemi de l'empire, un peuple oisif qui l'habite ruine celui qui travaille, l'empereur est tué ou détruit par un usurpateur, qui fonde une famille, dont le troisième ou quatrième successeur va dans le même palais se renfermer encore.

CHAPITRE VI I I.

De la continence publique.

Il y a tant d'imperfections attachées à la perte

de la vertu dans les femmes, toute leur ame en est si fort dégradée, ce point principal ôté en fait tomber tant d'autres, que l'on peut regarder, dans un état populaire, l'inconti nence publique comme le dernier des malheurs et la certitude d'un changement dans la constitution.

Aussi les bons législateurs y ont-ils exigé des femmes une certaine gravité de moeurs. Ils ont proscrit de leurs républiques non-seulement le vice, mais l'apparence même du vice. Ils ont banni jusqu'à ce commerce de galanterie qui produit l'oisiveté, qui fait que les femmes corrompent avant même d'être corrompues, qui donne un prix à tous les riens, et rabaisse ce qui est important, et qui fait que, l'on ne se conduit plus que sur les maximes du ridicule que les femmes entendent si bien à établir.

CHAPITRE IX.

De la condition des femmes dans les divers

LES

gouvernemens.

Es femmes ont peu de retenue dans les monarchies; parce que la distinction des rangs les appellant à la cour, elles y vont prendre cet esprit de liberté qui est à-peu-près le seul qu'on y tolère. Chacun se sert de leurs agré mens et de leurs passions pour avancer sa fortune; et comme leur foiblesse ne leur permet pas l'orgueil, mais la vanité, le luxe y règne toujours avec elles.

Dans les états despotiques, les femmes n'introduisent point le luxe; mais elles sont ellesmêmes un objet de luxe. Elles doivent être extrêmement esclaves. Chacun suit l'esprit du gouvernement, et porte chez soi ce qu'il voit établi ailleurs. Comme les loix y sont sévères, et exécutées sur le champ, on a peur que la liberté des femmes n'y fasse des affaires. Leurs brouilleries, leurs indiscrétions, leurs répugnances, leurs penchans, leurs jalousies, leurs piques, cet art qu'ont les petites ames d'intéresser les grandes, n'y sauroient être sans conséquence.

De plus, comme dans ces états les princes se jouent de la nature humaine, ils ont plusieurs femmes, et mille considérations les obligent de les renfermer.

Dans les républiques, les femmes sont libres par les loix, et captivées par les mœurs; le luxe en est banni, et avec lui la corruption et les vices.

Dans les villes grecques, où l'on ne vivoit pas sous cette religion qui établit que, chez les hommes même, la pureté des mœurs est une partie de la vertu; dans les villes grecques, où un vice aveugle régnoit d'une manière effrénée, où l'amour n'avoit qu'une forme que l'on n'ose dire, tandis que la seule amitié s'étoit retirée dans les mariages (1); la vertu, la simplicité, la chasteté des femmes, y étoient telles, qu'on ,y n'a guère jamais vu de peuple qui ait eu à cet égard une meilleure police (2).

CHAPITRE X.

Du tribunal domestique chez les Romains,

ES Romains n'avoient pas, comme les Grecs, des magistrats particuliers qui eussent inspection sur la conduite des femmes. Les censeurs n'avoient l'œil sur elles que comme sur le reste de la république. L'institution du tribunal

(1) Quant au vrai amour, dit Plutarque, les femmes n'y ont aucune part. Œuvres morales, traité de l'Amour, page 600. Il parloit comme son siècle. Voyez Xénophon, au dialogue intitulé, Hieron.

(2) A Athènes, il y avoit un magistrat particulier qui veilloit sur la conduite des femnies.

domestique

domestique (1) suppléa à la magistrature établie chez les Grecs (2).

Le mari assembloit les parens de la femme, et la jugeoit devant eux (3). Ce tribunal maintenoit les mœurs dans la république. Mais ces mêmes mœurs maintenoient ce tribunal. II devoit juger non-seulement de la violation des loix, mais aussi de la violation des mœurs. Or, pour juger de la violation des mœurs, il faut en avoir.

Les peines de ce tribunal devoient être arbitraires, et l'étoient en effet; car, tout ce qui regarde les mœurs, tout ce qui regarde les règles de la modestie, ne peut guère être compris sous un code de loix. Il est aisé de régler par des loix ce qu'on doit aux autres; il est difficile d'y comprendre tout ce qu'on se doit à soi-même.

(1) Romulus institua ce tribunal, comme il paroît par Denys d'Halicarnasse, liv. II, pag. 96.

(2) Voyez dans Tite-Live, liv. XXXIX, l'usage que l'on fit de ce tribunal lors de la conjuration des bacchanales: on appella conjuration contre la république, des assemblées où l'on corrompoit les mœurs des femmes et des jeunes gens.

(3) Il paroit par Denys d'Halicarnasse, liv. II, que, par l'institution de Romulus, le mari, dans les cas ordinaires, jugéoit seul devant les parens de la femme; et que, dans les grands crimes, il la jugeoit avec cinq d'entre eux. Anssi Ulpien, au titre 6, §. 9, 12 et 13, distingue-t-il, dans les jugemens des mœurs, celles qu'il appelle graves d'avec celles qui l'étoient moins, mores graviores, mores leviores.

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