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CHAPITRE XX.

De la punition des pères pour leurs enfans.

ON punit, à la Chine, les pères pour les

fautes de leurs enfans. C'étoit l'usage du Pérou (1). Ceci est encore tiré des idées despotiques.

On a beau dire qu'on punit, à la Chine, le père pour n'avoir pas fait usage de ce pouvoir paternel que la nature a établi, et que les loix même y ont augmenté; cela suppose toujours qu'il n'y a point d'honneur chez les Chinois. Parmi nous, les pères, dont les enfans sont condamnés au supplice, et les enfans (2) dont les pères ont subi le même sort, sont aussi punis par la honte, qu'ils le seroient à la Chine par la perte de la vie, e

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(1) Voyez Garcillasso, Histoire des guerres civiles des 'Espagnols.

(2) Au lieu de les punir, disoit Platon, il faut les louer de ne pas ressembler à leur père. Liv. IX des Loix,

CHAPITRE XX I.

De la clémencé du prince.

LA clémence est la qualité distinctive des monarques. Dans la république, où l'on a pour principe la vertu, elle est moins nécessaire. Dans l'état despotique, où règne la crainte, elle est moins en usage, parce qu'il faut contenir les grands de l'état par des exemples de sévérité. Dans les monarchies, où l'on est gouverné par l'honneur, qui souvent exige ce que la loi défend, elle est plus nécessaire. La disgrace y est un équivalent à la peine; les formalités même des jugemens y sont des puni tions. C'est-là que la honte vient de tous côtés pour former des genres particuliers de peine.

Les grands y sont si fort punis par la dis grace, par la perte souvent imaginaire de leur fortune, de leur crédit, de leurs habitudes, de leurs plaisirs, que la rigueur, à leur égard, est inutile; elle ne peut servir qu'à ôter aux sujets l'amour qu'ils ont pour la personne du prince, et le respect qu'ils doivent avoir pour les places.

Comme l'instabilité des grands est de la nature du gouvernement despotique, leur sûreté entre dans la nature de la monarchie.

Les monarques ont tant à gagner par la clémence, elle est suivie de tant d'amour, ils en

tirent tant de gloire, que c'est presque toujours un bonheur pour eux d'avoir l'occasion de l'exercer; et on le peut presque toujours dans nos contrées.

On leur disputera peut-être quelque branche de l'autorité, presque jamais l'autorité entière; et si quelquefois ils combattent pour la couronne, ils ne combattent point pour la vie.

Mais, dira-t-on, quand faut-il punir? quand faut-il pardonner? C'est une chose qui se fait mieux sentir qu'elle ne peut se prescrire. Quand la clémence a des dangers, ces dangers sont très-visibles; on la distingue aisément de cette foiblesse qui mène le prince au mépris, et à l'impuissance même de punir.

L'empereur Maurice (1) prit la résolution de ne verser jamais le sang de ses sujets. Anastase (2) ne punissoit point les crimes, Isaac l'Ange jura que, de son règne, il ne feroit mourir personne. Les empereurs grecs avoient oublié que ce n'étoit pas en vain qu'ils por toient l'épée.

(1) Evagre, histoire.

(2) Fragin. de Suidas, dans Const, Porphyrog.

LIVRE

:

LIVRE VII.

Conséquences des différens principes des trois gouvernemens, par rapport aux loix somptuaires, au luxe, et à la condition des femmes.

CHAPITRE PREMIER.

Du luxe,

LE luxe est toujours en proportion avec l'inégalité des fortunes. Si, dans un état, les richesses sont également partagées, il n'y aura point de luxe; car il n'est fondé que sur les commodités qu'on se donne par le travail des autres.

Pour que les richesses restent également partagées, il faut que la loi ne donne à chacun que le nécessaire physique. Si l'on a au-delà, les uns dépenseront, les autres acquerront. l'inégalité s'établira.

Supposant le nécessaire physique égal à une somme donnée, le luxe de ceux qui n'auront que le nécessaire, sera égal à zéro; celui qui aura le double; aura un luxe égal à un; celui qui aura le double du bien de ce dernier, aura un luxe égal à trois; quand on aura encore le double, on aura un luxe égal à sept; de sorte que le bien du particulier qui suit, étant toujours Tome I.

X

supposé double de celui du précédent, le luxe croîtra du double plus une unité dans cette progression 0, 1, 3, 7, 15, 31, 63, 127.

Dans la république de Platon (*), le luxe auroit pu se calculer au juste. Il y avoit quatre sortes de cens établis. Le premier étoit précisément le terme où finissoit la pauvreté ; le second étoit double, le troisième triple, le quatrième quadruple du premier. Dans le premier cens, le luxe étoit égal à zéro; il étoit égal à un dans le second, à deux dans le troisième, à trois dans le quatrième; et il suivoit ainsi la proportion arithmétique.

En considérant le luxe des divers peuples, les uns à l'égard des autres, il est dans chaque état en raison composée de l'inégalité des fortunes qui est entre les citoyens, et de l'inéga lité des richesses des divers états. En Pologne, par exemple, les fortunes sont d'une inégalité extrême; mais la pauvreté du total empêche qu'il n'y ait autant de luxe que dans un état plus riche,

Le luxe est encore en proportion avec la grandeur des villes, et sur-tout de la capitale; ensorte qu'il est en raison composée des richesses de l'état, de l'inégalité des fortunes des particuliers, et du nombre d'hommes qu'on assemble dans de certains lieux.

(*) Le premier cens étoit le sort héréditaire en terres; et Platon ne vouloit pas qu'on pût avoir, en autres effets, plus du triple du sort héréditaire. Voyez ses Loix, liv. IV.

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