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Mais qui sera le juge? Ah! plût au ciel propice
Qu'Acgon....

COMATE.

D'autres que lui nous rendront ce service: Tu vois ce bûcheron, dont les robustes bras Déchirent un ormeau qu'il met en longs éclats; Je crois que c'est Morson.

LACON.

Veux-tu que je l'appelle ?

COMATE.

J'y consens.

LACON.

Viens, Morson; juge notre querelle;

Chacun dans l'art des vers veut être le vainqueur;
Ecoute l'un et l'autre, et juge sans faveur.

COMATE.

Pour Lacon ou pour moi, Morson, point d'indulgence; le seul mérite emporte la balance.

Et

que

Des chevres que tu vois je suis le conducteur;

Et des brebis d'Hylas Lacon est le pasteur.

LACON.

Réponds, au nom des Dieux, qui te demande, traître, Si je suis du troupeau le pasteur ou le maître?

СОМАТЕ,

Point d'injures, Lacon; j'ai dit la vérité;

Moi, je ne puis souffrir la sotte vanité.

LACON.

Allons, devant Morson, que ton babil accable,
Exerce sans pitié ta langue infatigable.

COMATE chante.

Je suis cher aux neuf sœurs; et ma main, l'autre jour, Leur offrit deux chevreaux, gage de mon amour.

LACON.

Apollon me chérit; bientôt mon belier même
Rougira de son sang l'autel du dieu qui m'aime.

COMATE.

Les chevres que je trais ont toutes deux petits;

Quoi, seul pour tant de soins! me dit un jour Philis!

LACON.

Je presse en vingt clayons un abondant laitage,
Et près d'un bel enfant je dors sous le bocage.

COMATE.

Philis lance sur moi le fruit de l'oranger,

Et par sa douce voix m'invite à me venger.

LACON.

Moi, j'aime Cratidas. Dieux! quel est mon délire, Quand l'or de ses cheveux flotte au gré du Zéphyre.

COMATE.

Ah! ne compare point la rose avec ces fleurs
Qui couvrent les buissons d'insipides couleurs.

LACON.

La pomme au fruit du chêne est-elle comparée ?
L'un est amer au goût; l'autre est douce et Corée.

COMATE.

Pour la belle Philis j'ai surpris l'autre jour
Un beau ramier couvant le fruit de son amour.

LAGON.

Cratidas! ma brebis va dépouiller sa laine;
Je veux te voir paré de sa toison d'ébene.

COMAT E.

Oh! mes chevres, fuyez loin de ces oliviers,

Broutez les verds buissons qui bordent ces sentiers.

LACON.

Où vas-tu t'égarer, Cynethe? ah! prends donc garde! Reviens vers le côté que l'orient regarde.

COMATE.

Je destine à Philis deux vases précieux,
Du divin Praxitele ouvrage ingénieux.

LACON.

Moi, j'ai pour Cratidas un beau chien, dont l'audace Va des loups dévorants interroger la trace.

COMATE.

Sauterelle, ton vol peut franchir les buissons;
Ma vigne est jeune encore, épargne ses bourgeons.

LACON.

Cigales, vous troublez le berger qui sommeille;
Et moi, d'un chevrier je fatigue l'oreille.

COMATE.

Que je hais ces renards qui vont de nos voisins,
Parasites adroits, dévorer les raisins.

LACON.

Moi, je hais des figuiers cet ennemi perfide
Qui se dérobe aux yeux par sa fuite rapide.

COMATE.

Te souviens-tu du jour où Comate vainqueur,
Là-bas, sous cet ormeau, te prouva sa vigueur?

LACON.

Non. Mais je me souviens d'avoir vu, sous ce hêtre,
Comate fustigé par la main de son maître.

COMATE.

Il s'emporte. Ah! Morson, cueille ces végétaux
Que le temps a flétris sur le bord des tombeaux.

LACON.

Il devient fou. Morson, pour l'esprit qui s'altere
La tendre cyclamine est, dit-on, salutaire.

COMATE.

Change tes froides eaux, Chratis, en vins exquis;

Roule, Hymere, un lait pur; vous, joncs, portez des fruits.

LACON.

Sybaris, que demain, croyant puiser ton onde,
Egle trouve un miel pur dans son urne profonde.

COMATE.

Mes chevres de ce pré, peint de mille couleurs,
Foulent avec orgueil les odorantes fleurs.

LACON.

Sur le plus doux gason mou troupeau se repose;
C'est pour lui que le lierre est pareil à la rose.

COMATE.

Je voulais deux baisers pour deux ramiers chéris;
Iris me refusa, je n'aime plus Iris.

LACON.

J'aime Chloé; Chloé, me prenant par l'oreille,
Paya d'un doux baiser le prix d'une corbeille.

COMATE.

Cede le prix du chant; cede, berger jaloux!
Le cygne harmonieux doit vaincre les hiboux.

LE JUGE.

C'en est assez, Lacon; cesse, je te l'ordonne.
Et toi, reçois l'agneau, berger, je te couronne :
Mais songe, en l'immolant aux nymphes de ces bois,
Qu'à des morceaux choisis ton juge a quelques droits.

СОМАТЕ.

Oui, Morson. Maintenant que mon troupeau bondisse;
De mes cris triomphants que mon rival pâlisse :
Mes chevres, bondissez; je suis victorieux,

Et mon front plein de gloire est caché dans les cieux.
Sources du Sybaris, vos ondes salutaires

Demain rafraîchiront mes chevreaux et leurs meres.
Toi, laisse en paix Cynethe, ô chef de mon troupeau;
Si tu n'attends qu'aux Dieux j'immole cet agneau,
Je te frappe : ou je veux, c'est moi qui te le jure,
Qu'aux plus vils chevriers mon nom soit une injure.

VIRGIZE,

Écl. 3, v. I

THEOCRITE,
Id. 4, v. I.

MENAL CAS.

Dic mihi, Damota, cujum pecus; an Meliboi?

DAM OETAS.

Non : verùm Aegonis, nuper mihi tradidit Aegon.

Εἰπέ μοι,

ΒΑΤΤΟΣ.

ὦ Κορύδων, τίνος αἱ βόες; ἦ ῥα Φιλώνδα; (1)

(1) Dic, Corydon, cujus vaccæ hæ sunt; anne Philondæ ? Non. Verùm Aegonis: pascendas tradidit Aegon.

H-S.

ΚΟΡΥΔΩΝ.

Οὔκ· ἀλλ ̓ Αἴγωνος· βόσκεν δέ μοι αὐτὰς ἔδωκεν. *
A qui donc ce troupeau ? Réponds-moi, Corydon;
Est-il à Philondas ? Non : c'est celui d'Egon :
Il me l'a confié; pour lui je le fais paître.

Infelix ô
semper, oves, pecus! Ipse Neæram
Dum fovet, ac ne me sibi præferat illa veretur,
Hic alienus oves custos bis mulget in horâ.
Δειλαῖαί γ' αὗται, τὸν βωκόλον ὡς κακὸν εὗρον. (1)
O troupeau, malheureux d'avoir un mauvais maître !
Et Battus avait déja dit auparavant à Corydon :
Η πάψε κρύβδαν τὰ ποθέσπερα πᾶσας ἀμέλγες; (2)

Leur lait, vers la soirée,

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Ne coule-t-il jamais pour d'autres que pour lui? Il faut encore remarquer que Battus dans Théocrite avait été rival d'un Egon tous deux avaient aimé Amaryllis, comme on le voit par la suite de l'idylle; et c'est ce qui justifie la mauvaise humeur de Battus contre Egon. Cette observation a, je crois, échappé à tous les commentateurs de Théocrite; Virgile l'avait faite.

Non ego te vidi Damonis, pessime, caprum
Excipere insidiis....

Οὐκ ἐσορῆτε

Τόν μευ τὰν σύριγγα πρώαν κλέψαντα Κομάταν; (3)

VIRGILE,

Écl. 3, v.3

Virgile a traduit ces deux vers avec une fidélité remarquable : la coupe des vers est absolument la même, et ce sont presque les mêmes mots: il paraît seulement qu'au sujet du mot cujum, on avait reproché un peu de rusticité à ce poëte si plein d'élégance.

(1) Sunt miseræ ; proh ! quàm pastor malus obtigit illis!
(2) [ At tu, nonne boves cunctas clam vespere mulges.]
Nonne videtis
Illum surrepta est cui fistula nostra Comatam?

(3)

H-S.

F-D.

H-S.

THEOCRITE,

Id. 4, v. 13.

Id.4, v. 3

VIRGILE,

Écl. 3, v. 17.

THEOCRITE,

Id. 5, v. 3.

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