Page images
PDF
EPUB

10. Le séquestre sera apposé sur les biens des otages dépor tés, et tiendra jusqu'à l'accomplissement des condamnations portées contre eux, et jusqu'à la représentation d'un titre légal portant qu'ils subissent leur déportation.

› 11. L'infraction de la déportation sera assimilée, pour tous les effets, à l'émigration.

» 12. Indépendamment de la peine de déportation, les individus dénommés en l'article premier seront respectivement, dans chaque département, civilement et solidairement responsables d'une amende de 5,000 fr. par chaque individu dénommé dans l'article 9, assassiné, soit isolément, soit dans une action, ou de quelque autre manière que ce soit ; les biens des otages déportés seront sujets à ladite indemnité.

> 13. L'amende de 5,000 fr. sera payée dans les quinze jours, pour tout délai, qui suivront l'assassinat, et versés dans la caisse du receveur général

14. Outre l'amende de 5,000 fr. versée au trésor public, lesdits individus énoncés en l'article 1er seront civilement et solidairement garans et responsables d'une indemnité, qui ne pourra être moindre de la somme de 6,000 fr. en faveur de la veuve, et de 3,000 fr. pour chacun des enfans de la personne assassinée.

Les citoyens mutilés, désignés dans l'article 9, qui survivront à leurs blessures, auront droit à une indemnité, qui ne pourra être moindre de 6,000 fr.

Les indemnités ci-dessus seront acquittées dans les dix jours qui suivront l'arrêté de l'administration centrale.

15. Les individus compris dans l'article 1er sont également, civilement et solidairement responsables, soit envers la République, soit envers les particuliers, de tous les vols, enlèvement des récoltes, exaction des fermages des propriétés, des spoliations de deniers, publics, ainsi que des dégradations et pillages exercés sur les propriétés.

16. Les indemnités seront réglées par les administrations centrales dans les dix jours qui suivront le délit, et acquittées dans les quinze jours suivans; elles seront équivalentes aux objets

pillés, volés ou dévastés, et en outre à une amende au profit du trésor public, égale à la valeur desdits objets.

> 17. Les individus non compris en l'article 1er, qui seront convaincus d'avoir donné retraite à un émigré, à un prêtre déporté rentré, ou sujet à la déportation, ou aux assassins, ou d'avoir protégé et favorisé les projets des bandes d'assassins, seront considérés comme émigrés, et comme tels traduits devant une commission militaire, et condamnés à la peine de mort.

[ocr errors]

« Cette loi ne sera exécutée que jusqu'à la paix générale. » -Cette loi révolutionnaire ne plut pas à la majorité des anciens. Lorsqu'elle leur fut apportée, le 24 messidor, on demanda d'une part qu'elle fût mise aux voix, et de l'autre qu'elle fût ajournée. « Ajournez donc aussi, s'écria Jourdain, les assassinats qui se commettent dans l'Ouest! ajournez les fléaux qui couvrent de sang et de ruine une terre qui doit appartenir à la liberté! » Cette vive interpellation et l'observation plus calme de Moreau de l'Yonne, déterminèrent le conseil à sanctionner la résolution, séance tenante.

Le même jour, Montellin, au nom de la commission' des cinq, fit aux cinq-cents un rapport sur les dénonciations qui leur avaient été adressées contre les ex-directeurs et les ex-ministres. Il déclarait que Merlin, Treilhard, Rewbel, Laréveillère-Lepaux, Schérer et François de Neufchâteau, étaient dénoncés: 1o comme auteurs et complices d'une conspiration qui avait mis la République dans le plus grand danger; 2o comme ayant déporté dans les déserts de l'Arabie quarante mille hommes formant l'élite de notre armée, le général Bonaparte, etc.; 3o comme ayant pillé les arsenaux, vendu à vil prix les armes et effets d'habillement et d'équipement; 4o comme ayant, par la force des armes, renversé la Constitution cisalpine, qui avait été garantie par le corps légis latif; 5° comme coupables d'attentats à la souveraineté du peuple, en influençant par l'intrigue, les menaces et la force, les élections du peuple, etc. Le rapporteur proposa ensuite de renvoyer les accusés devant la haute-cour, qui avait jugé Babeuf et ses coaccusés.

[ocr errors]

Le public, instruit que ce rapport devait avoir lieu le 24 thermidor, était accouru et se pressait dans les tribunes; il s'attendait. à des débats curieux; mais son attente fut trompée, la chambre se forma en comité secret. Rewbell, instruit comme le public, prenait en même temps la parole aux anciens, et cherchait à inté resser le conseil à son sort. Il disait que c'étaient les royalisies qui l'accusaient, que les libelles diffamatoires dont il était comme accablé étaient leur ouvrage et celui du cabinet de Saint-James; il jurait qu'il n'avait point exilé Bonaparte, que l'expédition d'Égypte avait été proposée et demandée par ce général; enfin il en appelait à la justice, au sang-froid et à la raison de ses collègues.

Cependant on était effrayé, dans les salons de la capitale, de la marche que prenaient les cinq-cents, et l'on feignait de l'être plus que l'on ne l'était réellement. On craignait, disait-on, le retour de la terreur, le régime de 93, les échafauds, etc. C'était la passion et la haine; plus que la sagesse et le patriotisme, qui conduisaient les députés. Quelques journaux se firent les échos de ces bruits, et répandirent ces mensongères alarmes dans le public. En peu de jours, ce bruit acquit assez de force; on en trouvera la preuve dans la séance suivante.

CONSEIL DES CINQ-CENTS.

Séance du 26 messidor, an 7.

La séance de ce jour est consacrée à la célébration de la fête anniversaire du 14 juillet. La musique du Conservatoire exécute l'entrée de Panurge; le président prononce un discours dans lequel il trace le tableau de la chute de la Bastille, et des suites qui en ont été le résultat; il rend grace au génie de la liberté, qui nous a délivrés des maux sous lesquels là France a gémi pendant la tyrannie et les réactions, et qui nous a préservés des nouveaux malheurs qui nous menaçaient; puis il termine ainsi :

« Généreux et magnanimes dans la prospérité, nous serons grands dans les revers. Nous reprendrons une attitude redoutable, nous repousserons la dernière coalition des rois. La nation qui proclama la République, lorsqu'elle avait l'ennemi à qua

rante lieues de Paris, ne peut devenir la proie des barbares du nord, ni des assassins de l'Autriche. A d'indignes magistrats, descendus de leur chaise curule, ont succédé des hommes dignes de toute notre confiance. L'indépendance des pouvoirs assurera leur harmonie. La liberté de la presse, rétablie de fait, dévoilera au grand jour les dilapidations et les dilapidateurs, les trahisons et les traîtres. Les prétentions du prétendant seront encore une fois inutiles; un emprunt sur les riches réparera nos désastres, l'ordre et l'économie en empêcheront le retour, la responsabilité -ne sera plus un vain mot; les patriotes seront replacés à la tête des armées et des administrations. Déjà, de toutes parts, les républicains français s'ébranlent, s'organisent en bataillons. Bataves, Helvétiens, Cisalpins, Romains et Liguriens, vous reverrez les Français, non ces hommes qui vous ont indignement pillés et traités, au nom de la nation française, mais les véritables Français; vous les reverrez pour assurer votre liberté, votre indépendance, et pour resserrer avec vous les liens d'une amitié et d'une alliance éternelle.

» Honneur au 14 juillet! vive à jamais la République! »

Ces dernières paroles sont répétées avec enthousiasme par tous les représentans.

La musique exécute différens airs patriotiques.

Talot. Dans la fête mémorable qui nous rassemble aujourd'hui, je demande à repousser avec indignation un bruit injurieux que la malveillance affecte de répandre. On dit que les deux conseils doivent se réunir en Convention nationale. Je viens détruire ce bruit: Nous avons juré la Constitution de l'an m; fidèles à nos sermens, nous saurons la maintenir. ›

Á ces mots, un enthousiasme général s'empare de l'assemblée. Tous les membres se lèvent et s'écrient à la fois : Vive la Constitution de l'an m!

L'orateur reprend: Le généreux élan qui vient de se manifester rassurera les amis de la liberté ; il leur apprendra qu'aucun triumvir, aucun dominateur. ne planera désormais sur nos têtes, ni sur le peuple français; que la jeunesse vole aux fron

tières; qu'elle s'anime au combat où l'attend la gloire; tandis qu'elle défendra la République au-dehors contre les rois coalisés, nons saurons la maintenir au-dedans. Français, rassurez-vous," nous n'aurons point de Convention. J'en jure par vos représentans; j'en jure par vous-mêmes et par nos sermen's, la Constitution de l'an 1 sera respectée et observée religieusement.'»

Oui! oui! s'écrie-t-on de nouveau de toutes parts.

[ocr errors]

Le conseil ordonne l'impression. La musique exécute l'air : Ça ira. Lucien Bonaparte. J'émettrai ici les idées qui depuis longtemps oppressent, mon cœur. Le 30 prairial, vous avez détruit la tyrannie qui pesait sur la France; vous avez juré de rendre au peuple sa liberté, son indépendance, le libre exercice de ses droits, et de respecter la Constitution. Pour tenir vos sermens, il faut vous diriger par vous-mêmes et vous garer de ces impulsions étrangères, par lesquelles on voudrait vous faire passer la ligne constitutionnelle... (Bravo! bravo! s'écrie-t-on de toutes parts.) Oui, il existe un petit nombre d'hommes qui voudraient nous faire dépasser cette ligne constitutionnelle; et les amis des rois le désirent aussi, parce qu'ils espèrent qu'en nous rejetant dans toutes les horreurs de l'anarchie ils nous feront périr dans les convulsions d'une révolution nouvelle. Non, citoyens représentans, non, peuple français, plus d'échafauds, plus de terreur, plus de régime exécrable de 95... A ces mots, tous les représentans se lèvent et s'écrient: Non, non, jamais!

D

« Le 30 prairial, vous avez renversé le plus vil comme le plus odieux triumvirat. Mais rappelez-vous que les plus belles journées ont eu des suites auxquelles ne s'attendaient pas ceux qui les ont faites. Les journées des 9 thermidor et 18 fructidor furent l'ouvrage des sentimens généreux d'indignation et de liberté qui animèrent leurs auteurs. Mais des hommes lâches dans le danils ger, exaltés après la victoire, s'emparèrent de ces journées, s'en approprièrent les fruits; la première nous a amené la réaction, et la seconde le 22 floréal. Les suites du 30 prairial eussent été aussi désastreuses, sans l'attitude que vous avez prise. Mais les dangers ne sont pas encore passés; hâtez-vous de poser tout

« PreviousContinue »