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des recettes de l'an viii fera un prompt rapport' sur les moyens de réaliser l'emprunt des 100 millions, et d'en assurer le remboursement.

François de Nantes fait lecture d'une adresse au peuple français, sur les circonstances critiques où se trouve la République. Le conseil l'adopte et il en ordonne l'impression et l'envoi aux

armées.

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Marquézy. Vous demandez aux Français de nouveaux sacrifices, vous leur demandez des hommes et de l'argent ; et vous ne leur avez encore donné aucune garantie contre les dilapidations nouvelles, qui pourraient rendre nuls ces sacrifices. Vous avez dénoncé l'ex-ministre Schérer, et je ne vois pas que cette dénonciation ait eu des suites, et que l'on ait pris aucune mesure contre cet homme. Je ne pousserai pas plus loin mes réflexions. Je demande la formation d'une commission spéciale pour s'occuper des trahisons qui ont amené la République au bord de l'abîme, et pour dénoncer les traîtres, et les faire poursuivre ; car je vois ici de grands coupables, qui ne sont pas de nature à être poursuivis pardevant les tribunaux ordinaires. >

Cette motion n'eut pour le moment pas de suite. En effet, on renvoyait toutes les dénonciations à une commission, dite des cinq, qui ne tarda pas à faire son rapport. Cette motion fut le dernier mot de la séance permanente du 30 prairial.

L'activité des cinq-cents ne fut pas moindre après la levée de la séance; ils décrétèrent que tous les congés, dispenses ou exemptions de service militaire, accordés depuis le 23 août 1793, étaient considérés comme non-avenus, et soumis à une révision sévère. Le 22 messidor, ils décrétèrent la loi connue sous le nom de Loi des otages. Comme cette loi est très-souvent indiquée dans les histoires de la révolution, sans autre indication que ce titre, nous croyons devoir la mettre sous les yeux de nos lecteurs.

CONSEIL DES CINQ-CENTS. - Séance du 22 messidor.

L'ordre du jour amène la discussion d'un projet sur la répres

sion du brigandage et des assassinats, qui se commettent en haine de la République.

Brichet, rapporteur, après avoir prouvé, 1o que le système d'assassinats est lié aux projets des ennemis extérieurs; 2o que les ex-nobles et les parens d'émigrés sont les partisans et les fauteurs de ce système, propose de faire peser sur eux seuls toute la responsabilité des délits qui se commettent dans l'intérieur. En conséquence, il propose un projet en trente-neuf articles, dont le premier est conçu dans les termes suivans:

‹ ART. 1. Les parens d'émigrés, les ci-devant nobles, compris dans les lois des 3 brumaire an Iv, et 9 frimaire an vi, les enfans majeurs des émigrés, et les aïeuls, aïeules, pères et mères des individus, qui, sans être ex-nobles, ni parens d'émigrés, sont néanmoins notoirement connus pour faire partie des rassemblemens ou bandes d'assassins, sont personnellement et civilement responsables des assassinats et brigandages commis dans l'intérieur en haine de la République. >

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La discussion s'ouvre sur cet article. Rallier le combat. Quand j'ai entendu, dit-il, qu'il s'agissait de rendre certains individus responsables j'ai cru que ce n'était qu'un accessoire du projet, et que l'on ne voulait tenir en état d'arrestation que les individus convaincus d'avoir trempé les mains dans les complots des assassins. (Murmures:) Cette mesure, dictée par un esprit de justice, paraissait être encore conforme à l'intérêt public. Mais je ne m'attendais pas que cette mesure serait la seule, et que des hommes seraient compromis, parce que le hasard de la naissance les a faits nobles; je ne m'attendais pas que l'on rapporterait la loi du 10 vendémiaire, sans y en substituer une autre.

› Examinons quels seront les effets des mesures proposées. Les campagnes sont infestées d'assassins; les uns pillent et assassinent, par un esprit de brigandage, les autres subordonnent leurs crimes à un plan de contre-révolution; ils emploient des moyens de terreur pour entraîner les habitans des campagnes, et même plusieurs ex-nobles et parens d'émigrés; mais parmi ceuxci, combien n'en est-il pas qui repoussent avec horreur ces bri

T. XXXVIII.

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gandages? Combien n'en est-il pas qui, dans les armées, servent la République avec zèle et courage? Est-il juste de les rendre responsables des crimes qu'ils n'ont pu prévoir ni empêcher ? ce serait augmenter la masse de nos ennemis. Le projet ouvre la porte à l'arbitraire: il est injuste, impolitique. Je demande que l'on ne mette en otage que les hommes convaincus d'avoir favorisé les assassins. >

Bardou-Boisquetin s'écrie: Aux voix l'article!

Quelques voix. « Ce n'est pas appuyé. »

Berlier. « L'objet que l'on discute est de la plus haute importance; il s'agit de protéger les républicains que l'on assassine, les deniers publics que l'on pille; il s'agit d'arrêter le cours des brigandages, et les symptômes de la chouannerie qui se manifestent dans les départemens du Midi et de l'Ouest. Cet état de choses ́est cruel, il faut le faire cesser. Quand le mal est extrême, les remèdes communs sont de nul effet. Tout moyen d'arrêter les assassinats est essentiellement bon. La garantie des républicains doit se trouver dans l'intérêt même de leurs ennemis. Le projet soumis approche du but. On l'accusera d'être révolutionnaire et inconstitutionnel; mais il tend, non à prolonger, mais à terminer la révolution. La Constitution n'a pas, il est vrai, créé deux classes de citoyens; mais elle ne s'est point occupée de cet état de guerre intestine qui nous déchire. Pourquoi la loi ne suppléerait-elle pas à son silence? Pourquoi ne frapperait-elle pas une classe qui fait bande à part?

› Dans la transition difficile de l'ancien régime au nouveau, il est dangereux de s'attacher à des maximes qui n'ont d'application que dans un état de choses tranquille et consolidé, il n'est point nconstitutionnel de sauver la République. On se fonde sur la Constitution qui est étrangère à l'état de guerre où nous sommes, et moi je me fonde sur un état de guerre étranger à la Constitution. Ouvrez leslois des 5 brumaire et 9 frimaire, les nobles y sont désignés comme faisant une bande à part. La résolution actuelle, complétera la législation relative à ces individus. Les commissions militaires jugent tous les jours les assassins des grandes routes,

a-t-on jamais réclamé, en leur faveur, le bénéfice du jury établi par la Constitution?>

Ici l'orateur trace les grands avantages qui résulteront de la loi. « Si, dit-il, chaque fois qu'un assassinat sera commis sur un fonctionnaire, sur un défenseur de la patrie, sur un acquéreur de biens nationaux, vous exigez des otages de la classe des ex-nobles, alors toute la classe sera intéressée à prévenir, à empêcher les assassinats; l'intérêt personnel en cette circonstance contribuera merveilleusement à l'intérêt public. Les assassins eux-mêmes, liés pour la plupart par le sang et la naissance à la classe des ex-nobles, seront les premiers à cesser leurs brigandages. La loi pourra atteindre quelques citoyens estimables, mais quelle est la loi qui n'a pas cet inconvénient? La loi est générale, mais l'application n'en sera faite que par le corps législatif, et d'après les besoins locaux. La crainte de se la voir appliquer, maintiendra l'ordre dans certains départemens; l'application que vous en ferez à d'autres arrêtera les délits qui s'y commettent; ainsi votre but sera atteint.

Mais pour ne pas confondre les individus qui ont donné des gages à la révolution, avec ceux qui en ont été les ennemis constans, je demande qu'une commission de cinq membres vous présente un projet sur le mode d'après lequel les ex-nobles seront admis à prouver qu'ils ont servi la cause de la révolution. »

Le conseil arrête la formation de la commission, et il ordonne l'impression du discours.

Combe attaque le projet comme injuste et impolitique, comme destructif de l'esprit public, favorable aux brigands et rappelant la féodalité. N

Après l'avoir entendu, le conseil adopte le projet, dont voici les articles principaux.

2. Quand un département ou un canton est notoirement en état de troubles civils, le directoire exécutif propose au corps legislatif de le déclarer compris dans les dispositions de la pré

sente.

› 3. Les administrations centrales sont autorisées à prendre

des otages dans les classes ci-dessus désignées, dans les communes, cantons et départemens, où les troubles nécessiteront

cette mesure.

» 4. Les otages seront établis à leurs frais, dans un même local, dans les chefs-lieux de département, sous la surveillance des administrations centrales et municipales, et des commissaires du directoire près ces mêmes administrations.

> 5. Les otages, qui, dans les dix jours de l'avertissement, ne se rendront pas au lieu indiqué par les administrations, ou qui s'en évaderont, seront assimilés aux émigrés, considérés et traités comme tels, sans néanmoins que leurs parens soient assimilés aux parens des émigrés.

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6. Sont exceptés des dispositions ci-dessus, les ci-devant nobles et parens d'émigrés, qui ont constamment rempli des fonctions publiques à la nomination du peuple, ou qui sont dans les exceptions prévues par les lois des 3 brumaire an Iv et 9 frimaire ån vi.

> 7. Les administrations centrales dresseront, dans le mois de la publication de la loi qui indiquera les départemens où la presente. loi sera applicable, en conformité de l'article 3, une liste de tous les individus assujettis à la garantie personnelle et civile, consacrée par l'article 1er.

» 8. Les administrations centrales comprendront sur cette liste tous les individus dénommés au premier article, domiciliés dans leurs arrondissemens respectifs, antérieurement au 1er septembre 1791. (V. st.)

9. Si un citoyen qui a été, ou qui est fonctionnaire public, si un défenseur de la patrie, si un acquéreur de domaines nationaux est assassiné, le directoire exécutif, après avoir consulté les administrations centrales, est chargé de faire déporter hors le territoire de la République, dans les deux décades de l'assassinat, quatre otages par chaque individu assassiné, pris en premier lieu parmi les parens nobles d'émigrés, secondement parmi les ci-devant nobles, et successivement parmi les parens des individus faisant partie des rassemblemens.

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