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pés des maux de la patrie, vous en avez demandé les causes au directoire, et vous vous êtes constitués en permanence. Cette permanence était dans votre cœur. Ainsi, vous avez appelé sur vous les regards de tous les Français: car si le peuple doit avoir l'œil sur ses représentans, c'est surtout dans les circonstances critiques où le salut de l'état et la liberté des citoyens courent les plus grands dangers.

› Pour répondre à l'attente générale, vous avez pensé que le premier pas à faire était de connaître la cause de nos désastres. La majorité du directoire, dans une première réponse, l'attribue à l'épuisement du trésor public; il accuse de cette pénurie le corps législatif lui-même, et il vous désigne comme la cause des maux publics. Telles sont les pénibles idées qui résultent du premier message. Un second nous est annoncé. L'union franche et la confiance réciproque qui règnent entre les deux premières autorités nous présagent que cette seconde réponse sera plus satisfaisante.

› Le déficit est un voile officieux, dont on a voulu couvrir notre situation. Mais ce mensonge n'en a imposé ni aux citoyens, ni aux armées, il n'a pu empêcher l'explosion de l'indignation générale.

>>La réalité du déficit est combattue par tous les rapporteurs de vos commissions de finances; ce n'est pas lui qui a amené nos revers, dus uniquement à l'ineptie et à l'insouciance de ceux qui tenaient en main le gouvernail. Il n'y a eu nul déficit dans les dépenses de la guerre, car tous les crédits ouverts au ministre de ce département ne sont pas épuisés. Le reproche contenu au message est donc chimérique.

Une armée de quatre cent mille hommes, à 700 fr. par homme, coûte, y compris le matériel, 280,000,000 par an ; les huit premiers mois de l'an 7, ont donc dû coûter 185,000,000. Or, le ministre Schérer ne portait les états de l'armée au 1er vendémiaire dernier, qu'à deux cent soixante-quinze mille hommes, et néanmoins il a ordonnancé pour 245,000,000 de dépenses, jusqu'au 13 prairial. Ainsi, dans les premiers mois de l'an 7, il a

ordonnancé pour 58,000,000 de plus qu'il n'en fallait pour l'entretien de quatre cent mille hommes. Il est donc faux de dire que le déficit a arrêté les opérations militaires.

› Si les recettes n'ont pas été effectuées, ce n'est pas votre faute, mais c'est un vice d'administration. Vous eussiez décrété 100,000,000 de plus, qu'on n'en eût pas reçu davantage. Je ne parle point ici des contributions levées dans les pays conquis, qui ne sont, pour ainsi dire, portées que pour mémoire dans les états du ministre.

› Ce n'est donc point au déficit que l'on doit attribuer la cause de nos maux, mais au système du gouvernement, système quí a été le plus puissant auxiliaire de la coalition; système qui a amené le refroidissement de l'esprit public, le dénûment de nos armées, le découragement de nos soldats, la destitution des généraux et des administrations, la dilapidation des arsenaux. La majorité du directoire a abusé de la suprême autorité qui lui avait été accordée au 18 fructidor. Elle a suivi un système de bascule, espérant par ce moyen machiavelique se soutenir hors de la Constitution, dans laquelle elle ne voulait pas rentrer.

Après la désorganisation de nos armées, rien ne pouvait être plus funeste à la République que l'arbitraire destitution des fonctionnaires républicains, et leur remplacement par des hommes qui n'avaient d'autre mérite aux yeux des gouvernans que leur indifférence révolutionnaire. Ainsi, les lois relatives aux contributions; à la conscription militaire, à la sûreté publique, restaient sans exécution. La dissolution du corps législatif lui-même était résolue; elle eût été effectuée, si cette opération eût été aussi facile. On a commencé d'abord par travailler les élections; on affecta de ne concentrer le gouvernement que dans le seul pouvoir exécutif, comme si dans une République le gouvernement appartenait à un seul pouvoir. Après avoir renversé un roi, brisé le sceptre de tant de rois, le peuple français pouvait-il supporter plus long-temps l'insolent despotisme de quelques hommes ineptes? De là la négligence des conscrits à se rendre à la voix de la patrie; de là le mécontentement général.

› Ce n'était

pas assez, il fallait, à l'ouverture d'une nouvelle campagne, nous aliéner le coeur de nos alliés, bouleverser la Cisalpine, piller l'Helvétie, faire détester le nom français dans ces contrées glorieuses où la victoire avait été par nous asservie. Cette audace excite une indignation générale. Les généraux qui veulent en être les organes sont destitués, les lauriers qui ceignent leurs fronts sont une faible défense contre le sceptre de fer qui les brise, et les têtes couvertes de gloire sont obligées de se courber devant de vils agens secondaires.

> Depuis que vous êtes en permanence, le directoire renaît environné de confiance; le corps législatif a repris la première place qu'il doit tenir dans l'état; les secousses politiques vont disparaître; les hommes amis de la liberté vont retourner à leurs fonctions, et le gouvernement républicain sortira de cette crise, plus affermi que jamais. Que toutes inquiétudes cessent, que tous les esprits se raniment, que nos ennemis pâlissent d'effroi, le réveil de l'opinion a ramené le réveil de la liberté. Votre permanence, en produisant tous ces effets, décidera du sort de l'Europe. Je propose au conseil de continuer sa permanence jusqu'à l'arrivée du message promis par le directoire. - Adopté, et impression au nom» — bre de douze exemplaires.

Aréna demande que ce discours soit envoyé aux armées, et dans tous les cantons de la République.

Lucien Bonaparte répond que ceci n'est qu'un travail préparatoire, et que la commission s'occupe à rédiger une adresse, qui remplira le but du préopinant.

Génissieu et Briot présentent des observations et des calculs relatifs à la situation des finances; il en résulte que le déficit n'existe point, et que les recettes décrétées, suffisent pour faire face aux dépenses. Impression.

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Boulay-Paty. Depuis long-temps la France retentit des crimes de Schérer, et Schérer n'est pas encore en état d'arrestation Vous voulez punir les fripons et les dilapidateurs; il est temp que vos intentions soient exécutées. Une commission est chargé de reviser la loi du 10 vendémiaire, sur la mise en jugement des

ministres. Je demande que le rapport se fasse dans les vingtquatre heures. Il faut donner un grand exemple ; il faut apprendre aux ministres prévaricateurs le sort qui les attend, s'ils marchent sur les traces de Schérer.

Adopté.

Un membre. Parmi les crimes qui méritent une punition éclatante, ceux dont on accuse Merlin et Laréveillère occupent le premier rang. (Quelques murmures.)

Boulay-Paty. Si mon collègue a des faits particuliers à faire connaître, je demande qu'il en fasse part à la commission. › — Adopté.

- Nous terminerons ici l'histoire de la séance permanente du 28 floréal. Elle se prolongea cependant jusqu'au 11 messidor. Elle fut employée, ainsi que nous le verrons dans le chapitre suivant, à effacer les traces du 28 fructidor, et à donner une impulsion militaire, qui mit la République à même de reprendre l'offensive sur tous les points. Ce coup d'état reçut le nom de journée du 30 prairial, parce que ce fut le 30 que Merlin et Laréveillère furent obligés de donner leur démission.

On se demandera, sans doute, pourquoi Barras fut épargné dans ce coup d'état? Il avait, en cette occasion, rendu un service important aux conseils. Les trois directeurs mis en cause avaient, de leur côté, projeté une démonstration au corps législatif; ils avaient même, dit-on, donné l'ordre de faire marcher les troupes pour dissoudre les conseils; mais ceux-ci, prévenus par Barras, les devancèrent d'un jour. La sympathie n'appartenait, d'ailleurs, plus au directoire, et même quand on leur eût laissé le temps, il est douteux qu'ils eussent été complétement obéis.

HISTOIRE DU DIRECTOIRE,

DU 1er MESSIDOR AN VII (1799), AU 18 BRUMÁIRE AN VIII

(9 NOVEMBRE 1799).

La journée du 30 prairial excita en France une give et générale allégresse. Chaque parti l'interpréta selon ses préjugés; les royalistes, qui croyaient que tout mouvement leur était favorable, qui croyaient qu'on ne pouvait revenir à la monarchie qu'en passant par l'anarchie, espérèrent qu'il en serait encore cette fois comme après la chute du comité de salut public, que les ressorts du gouvernement allaient se relâcher, qu'ils pourraient se réorganiser, ressaisir l'opinion publique et préparer soit un 13 vendémiaire, soit un mouvement législatif pareil à celui qui avait précédé le 18 fructidor. C'étaient là les pensées des hommes sages du parti, mais les plus ardens, encouragés, soit par les succès des armées alliées, soit par la similitude qu'ils croyaient apercevoir entre l'époque où nous entrons, et celle qui avait suivi le 9 thermidor, se mirent de suite à l'œuvre. Cela nous explique pourquoi on vit de nouveau le Midi livré à la rage des assassins royaux; pourquoi il y eut des mouvemens en Vendée, en Bretagne, et une insurrection assez considérable dans la Haute-Garonne. Les républicains ne concurent pas de moindres espérances que les royalistes. Aussi, ils s'empressèrent aussitôt de faire parvenir de toutes parts au conseil des cinq-cents des adresses de félicitation. Pendant plus d'un mois, toutes les séances étaient ouvertes par la lecture d'un grand nombre de ces adresses. On se mit aussi à rédiger des dénonciations contre les agens de l'ancien triumvirat, dans lesquelles l'un des directeurs conservés, Barras, n'était pas épargné. Les clubs reprirent plus d'activité et d'énergie.

En même temps, le corps législatif se divisait en trois parts. D'un côté étaient les directoriaux, amis du gouvernement directorial; de l'autre, les républicains démocrates; enfin il y eut un centre, qui, n'ayant par lui-même aucun but commun arrêté, al

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