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deux conseils. Non, cette loi ne sera point attaquée; elle sera sacrée pour nous comme toutes les autres. J'en jure par le corps législatif lui-même (Oui! oui! s'écrient tous les membres à la fois); j'en jure par le froid mépris dont nous avons payé la brochure d'un de nos collègues; j'en jure par le peuple dont vous êtes les représentans, et dont vous retablirez la gloire et le bonheur. › — Imprimé au nombre de six exemplaires.

Boulay de la Meurthe. Les commissions réunies n'offrent pas assez d'unité, pour mettre de l'ensemble dans le travail dont elles sont chargées; je demande qu'elles soient remplacées par une commission spéciale à laquelle vous renverrez la motion de Bertrand et le message.

› Vous voilà, citoyens représentans, en présence du peuple français. Le directoire vous accuse, vous accusez le directoire. Il est évident, pour quiconque a observé les faits, et suivi la marche des événemens, que le directoire voulait mutiler la représentation nationale. Nous jurons tous qu'elle ne sera point mutilée. (Tous les membres se lèvent et s'écrient à la fois : Nous le jurons!)

› Depuis le 18 fructidor, époque à laquelle la dictature a été créée, le corps législatif a été tenu dans un asservissement continuel. L'amour de la paix lui a fait garder le silence. Long-temps il a cru que le directoire n'userait de la pleine puissance qui lui avait été accordée que pour le maintien de la paix et l'affermissement de la République; il en a abusé pour faire disparaître la première, et conduire la seconde sur les bords de l'abîme. Il a tout fait pour nous perdre au dehors, pour nous faire égorger au-dedans.

› Cet inepte et atroce système est l'ouvrage de deux hommes, Merlin et Laréveillère; ce Merlin, homme à petites vues, à petites passions, à petites vengeances, à petits arrêtés, a mis en vigueur le machiavélisme le plus rétréci et le plus dégoûtant; il était digne d'être le garde-des-sceaux d'un Louis XI, et fait tout au plus pour diriger l'étude d'un procureur.

› Laréveillère-Lépaux a de la moralité; j'en conviens ; mais son entêtement est sans exemple, son fanatisme le porte à créer, je

T. XXXVIII.

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ne sais quelle religion, pour l'établissement de laquelle il sacrifie toutes les idées reçues, il foule aux pieds toutes les règles du bon sens, il viole tous les principes, et attaque la liberté des

consciences.

> Il faut que ces deux hommes sortent du directoire, afin d'y rétablir l'unité si nécessaire dans les circonstances ou nous sommes. Des hommes sages et mus par d'excellens motifs les ont engagés à donner leur démission; s'ils eussent suivi ce conseil, ils se fussent couverts d'une gloire immortelle. Mais leur opiniâtre entêtement les en a empêchés ; il faut les forcer à le faire, et pour cela, frapper un grand coup : il n'y a pas d'autre moyen de sauver la République. »

Le conseil ordonne le renvoi à une commission spéciale; elle sera composée des représentans Boulay de la Meurthe, Bergoeng, Lucien Bonaparte, Jourdan, Petiet, Talot, Joubert de l'Hérault, François de Nantes, et Quirot.

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Jourdan. La commission que vous venez de nommer s'occupera, avec zèle et attention, des grands objets dont vous lui renvoyez l'examen; mais elle vous fait observer que leur importance et leur multitude exigent qu'elle soit plus nombreuse, elle vous prie de lui adjoindre deux nouveaux membres. >

Le conseil adjoint à la commission, Augereau et PoulainGrandprey.

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Aréna demande la parole pour un fait. Lorsque dans le temps, dit-il, nous proposâmes un rapprochement entre le corps législatif et les trois membres du directoire, nous engageâmes ceux-ci à faire passer des renforts considérables à l'armée d'Helvétie. Garat et moi, le directeur Barras présent, nous interpellâmes le ministre de la guerre, et nous lui demandâmes pourquoi il laissait dans l'intérieur un aussi grand nombre de troupes, au lieu de les envoyer aux armées ; il nous répondit que, de concert avec Barras, il avait demandé trois fois que l'on fit passer trentę mille hommes en Helvétie, que, trois fois, sa demande avait été rejetée, et qu'à la troisième, on l'avait menacé de destitution.

› Vous avez à Paris une armée de quinze à vingt mille hommes; Merlin voulait s'en servir pour décimer la représentation nationale; mais cet homme inepte et coupable, qui croyait règner en despote sur des républicains, ignorait-il donc que le soldat français ne fut et ne sera jamais l'instrument du despotismé, et qu'il respecte la loi et ses organes, et qu'il ne tournera jamais ses armes contre eux? aussi de quel mépris l'accablent ces misérables triumvirs. Voyez combien d'arrestations ils ont faites; les bastilles regorgent de patriotes! Trompés dans leurs projets liber, ticides, ils cherchent à en faire disparaître toutes les traces, et depuis vingt-quatre heures, on brûle chez le ministre de la police tous les papiers qui pourraient jeter du jour sur la conspiration. Je demande le renvoi de ces observations à la commission que vous venez de créer. » Adopté.

Gohier, nouveau directeur, écrit au conseil pour le remercier de la confiance dont il l'a honoré; il déclare qu'il accepte le poste important qui lui est confié, et qu'il y entre pour se réunir avec tous les républicains, sauver la patrie et la porter au plus haut degré de prospérité.

Boulay de la Meurthe. « Votre commission des onze réunie a d'abord jeté les yeux sur les actes abitraires et les détentions illégales qui ont lieu en ce moment. La garantie des propriétés, la liberté des personnes; c'est pour jouir de ces avantages que l'on se met en société. Or, nous sommes instruits que depuis longtemps la liberté des personnes n'est pas garantie; des bastilles renferment des hommes qui ne peuvent parvenir à être mis en jugement. Vous êtes, représentans, les protecteurs des citoyens, il faut que tout homme persécuté puisse s'adresser à vous avec confiance. Loin de vous et de votre commission, l'idée de faire fléchir les lois contre les émigrés, contre les chouans et les rebelles; mais les citoyens doivent jouir des droits que la Constitution leur assure, et avoir leur liberté garantie.

› Votre commission est loin de l'idée de franchir les limites des pouvoirs; elle sait que vous ne pouvez ordonner de mise en liberté. Elle vous propose d'adresser un message au directoire,

pour lui dénoncer les actes arbitraires et les arrestations illégales qui subsistent en ce moment. ›

Frison. « Je puis citer un fait à l'appui de la proposition. C'est dans la Belgique surtout que les actes arbitraires ont eu lieu, et que les arrestations ont frappé les citoyens de terreur ; les vexations éprouvées ont été en partie la cause des troubles qui s'y sont élevés. Ramenez les principes et la justice, et vous rattacherez. tous les Belges à la République. Un citoyen, nommé Jaubert, a été mis au Temple en ventose dernier, et il n'a pu, quelles qu'aient été ses réclamations, obtenir d'être mis en juge

ment. >

Boulay de la Meurthe. « L'abus le plus remarquable a été l'u- ́ sage du droit de déportation à l'usage des prêtres. On a déporté des prêtres mariés qui avaient donné des gages à la révolution, qui n'exerçaient plus leurs fonctions. On a déporté des hommes. qui n'avaient jamais été prêtres. Comment croyait-on faire ainsi aimer la République et ses lois? Voici ce qui a dépopularisé vos institutions; ramenons-les à la justice, à une protection éga'e pour tous, prononçons-nous fortement pour qu'aucun citoyen ne puisse être impunément vexé. »

Une foule de membres en se levant. « Oui! oui!»

Dinièpe de Liége. ‹ La République est-elle en danger? Oui, nul ne peut le nier : jamais conspiration plus astucieuse n'a été ourdie; les César et les Marius ont fait un partage géographiquement monarchique; il est difficile de croire que tout le territoire y ait été étranger, c'est dans la Belgique surtout que les hommes à la livrée de Merlin ont commis les actes arbitraires qui ont rendu ces contrées si malheureuses. Il existe dans ce pays un parti qui veut le révolutionner et le livrer à l'Autriche. Merlin, je t'accuse d'être de ce parti: tu as été pour mon pays un second duc d'Albe. Je vote contre toi le décret d'accusation, je ne sais pas transiger avec les ennemis de mon pays. ›

Le message proposé par Boulay est adopté.

François de Nantes paraît à la tribune et, sans rapport préalable, il fait adopter la résolution suivante: Toute autorité,

tout individu qui attenterait à la sûreté et à la liberté du corps législatif ou de quelqu'un de ses membres, en en donnant l'ordre ou en l'exécutant, est mis hors la loi. »

La résolution est envoyée sur-le-champ au conseil des anciens. Bientôt après un message annonce sa conversion en loi.

A cinq heures, le directoire transmet un message dont la teneur suit: « Les citoyens Merlin et Laréveillère-Lepaux viennent de déposer sur le bureau la démission que chacun d'eux donne de sa place de membre du directoire. - Signé BARRAs, ex-président. »

Suit la teneur de la lettre de Merlin. Lorsque d'affreux déchiremens menacent la patrie, ceux dont la présence cause des mouvemens politiques, ou leur sert de prétexte, doivent s'éloigner des fonctions publiques. Ces motifs seuls m'ont décidé à donner ma démission. Je ne suis mu par aucune crainte ni aucun espoir. Je reste au sein de ma famille, toujours prêt à rendre compte de ma conduite, parce qu'elle a été constamment dirigée par le patriotisme le plus pur et le plus désintéressé.

› Signé MERLIN.▸

La lettre de Laréveillère est conçue dans les mêmes termes. Poulain-Grandprey. « Je demande, 1o que le conseil déclare qu'il accepte la démission des citoyens Merlin et Réveillère; 2o que leurs lettres soient insérées au procès-verbal, et envoyées au conseil des anciens; 3o que ce soir, à huit heures, le conseil reprenne sa séance pour procéder au remplacement des deux membres démissionnaires du directoire. Ces diverses propositions sont adoptées.

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- On passa aussitôt à la formation d'une double liste décuple des candidats au directoire, parmi lesquels le conseil des anciens devait choisir deux directeurs. Roger-Ducos fut proclamé directeur en remplacement du démissionnaire Merlin, et le général Moulins, en remplacement de Laréveillère-Lépaux.

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Lucien Bonaparte, au nom de la commission des onze. Frap

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