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de nouveaux revers nous amènent de nouveaux ennemis, il en

préviendra le conseil.

> Quant à notre position militaire, les revers ont toujours été pour les peuples libres le signal de la réunion des esprits, et de la victoire. L'épuisement des finances a nui au développement de nos forces et aux succès des négociations. Les finances et le militaire forment en ce moment l'objet des méditations du direc toire. Il prépare les moyens d'accélérer le service des troupes, d'assurer le matériel des armées et de repousser les efforts de la coalition. Il faut aussi que le conseil s'occupe d'assurer les fonds nécessaires au service.

» L'intérieur de la République offre l'affligeant tableau des agitations et des inquiétudes, augmentées encore par les fausses nouvelles que la malveillance se plaît à répandre.

› Le directoire entend chaque jour des plaintes sur les projets que la calomnie lui impute: on lui attribue des mesures liberticides dont l'intention n'a jamais été dans son cœur; il ne saurait croire que de pareilles inculpations lui aient été faites, quoiqu'on les annonce comme sortant de la source la plus auguste. Le directoire dément ces assertions exécrables. Tous ses membres, soit en corps, soit individuellement, protestent qu'ils périront plutôt que de souffrir que la Constitution reçoive la moindre atteinte, et que la sécurité inviolable des autorités constituées soit menacée. C'est ainsi qu'il termine la première réponse au message. Il déclare que le second ne tardera pas à paraître. En attendant, dit-il, recevez, citoyens représentans, les épanchemens de la cordialité du directoire, avec la même franchise qu'elle vous est offerte. Que cette époque, que nos ennemis croyaient devoir être celle d'une scission funeste, contribue à resserrer plus que jamais le faisceau républicain. >

Le conseil ordonne l'impression et le renvoi aux commissions réunies.

Un membre. La prorogation de la permanence de nos séances pourrait amener la permanence des inquiétudes des citoyens. Je

demande que la permanence soit levée. Cette motion excite des

murmures.

Briot monte à la tribune pour la combattre; Garrau et Destrem s'écrient: « Ce n'est pas appuyé. La proposition n'a pas de suite.

On procède au scrutin pour la liste décuple des candidats à présenter aux anciens, pour le remplacement du citoyen Treilhard, dont la nomination au directoire a été annulée par la loi de ce jour.

Sur quatre cent quatorze votans, la majorité absolue des suffrages a désigné, pour candidats, les citoyens Lefèbre, général; Charles Lacroix, général; Gohier; Moulins, général; Dupuy, de l'institut; Charles Pottier, Masséna, Martin, contre-amiral; Dufour, général; et Roger-Ducos.

(Le conseil des anciens donna la sanction à toutes les mesures prises par les cinq-cents. Parmi les candidats au fauteuil directorial il choisit Gohier.)

Il est près de dix heures; Poulain-Grandprey paraît à la tribune. Je ne viens pas, dit-il, vous faire un rapport, mais vous annoncer, au nom des commissions réunies, qu'elles se sont occupées de la discussion du message que vous leur avez envoyé. Elles ont nommé des commissaires pour faire un rapport et relever diverses assertions contenues au message. Comme ce travail exige du temps, vos commissions vous invitent à demeurer en permanence jusqu'à ce que le rapport soit fait. Adopté.

A minuit, Daubermesnil annonce que le travail de la commission ne pourra être prêt qu'à huit heures; il invite le conseil à suspendre sa séance jusqu'à cette heure. - Adopté.

Séance permanente du 30 prairial.

Un membre. Parmi les objets qui doivent fixer en ce moment l'attention publique, il en est un dont l'attribution n'a point été donnée à vos commissions réunies, je veux parler des causes de

nos revers.

• Quand j'ai vu, dans l'état n. I des comptes de Schérer, que l'effectif de nos armées était, au 30 nivose dernier, de cinq cent

neuf mille quatre cent cinquante-sept hommes, dont deux cent mille en Italie et trente mille six cents en Helvétie, à Mayence et dans les garnisons ; quand j'ai vu des forces aussi imposantes, je suis demeuré convaincu, ou qu'on en avait imposé au gouvernement, ou que la plus grande ineptie avait presidé à la répartition de ces forces; lors de la reprise des hostilités, partout elles ont été supérieures à celles de l'ennemi. Ainsi, en remontant aux causes de nos désastres, nous trouverons de grands coupables ou de grands imbéciles, et même l'un et l'autre. Le gouvernement a été trompé, ou il a voulu l'être, lorsqu'il a attribué la cause de nos revers au déficit des finances, comme si les besoins des armées n'avaient pas été constamment dans la première ligne de nos dépenses; comme si les crédits ouverts au ministère de la guerre avaient été totalement épuisés.

» Je demande qu'il soit adressé au directoire un message pour lui demander: 1o l'état des armées des généraux Jourdan, Masséna et Schérer, lors de la reprise des hostilités; 2o l'état des troupes alors en cantonnement dans l'intérieur; 5o l'état des magasins de Brescia, Peschiera, Milan, Pirythone. » — Impression et renvoi à la commission militaire.

Bertrand du Calvados, par motion d'ordre. Je viens appeler l'attention du conseil sur le message d'hier; il faut en fixer le sens, détruire la fausseté des assertions qu'il contient et mettre à nu l'astuce et la per fidie qui ont présidé à la rédaction. Quoi! après dix jours d'une vaine attente, on nous répond que la cause de la pénurie de nos armées est dans la pénurie de nos finances, dans les divis ons qui se sont élevées entre les pouvoirs; on termine par vous inviter à l'union.

› Si j'ai bien lu, j'ai vu dans ce message l'accusation du corps législatif et le généreux pardon que veut bien lui accorder le directoire. Quoi! vous avez accordé au directoire toutes les ressources qu'il vous a demandées, et le directoire vous accuse! Quoi! le corps législatif dénonce au directoire une foule de dilapidations, et le directoire garde, à cet égard, le plus profond silence! Quoi! dans l'arsenal de Paris, cent trente-trois mille fu

si's ont été vendus 1 franc au lieu de 20 francs qu'ils valaient! Une compagnie privilégiée a reçu d'avance des fonds en numéraire pour des fournitures qu'elle n'a pas faites, et au lieu des écus qu'elle a reçus, elle a restitué des effets qui perdent 60 pour cent; et l'on garde sur tous ces faits et sur mille autres un profond silence. J'ai vu dans les états de M llet-Mureau que le nombre de nos troupes est de quatre cent trente-cinq mille hommes, et il n'y en a pas trois cent mille. Quoi! c'est sous l'administration d'un Schérer et sous la surveillance du triumvirat que le ministre Ramel, à la finde l'année, vient nous annoncer un déficit! et pourquoi cette annonce inattendue est-elle faite? c'est parce que vous avez rejeté un impôt désastreux, tyrannique, anti-populaire, l'impôt de la gabelle; quoique depuis cette époque vous l'ayez remplacé par plus de 80 millions de ressources réelles.

› Pålissez, impu lens et ineptes triumvirs, je vais tracer la longue série de vos crimes; vous avez conservé au ministère de la guerre le plus effronté des di'apidateurs, et, pour consommer son ouvrage, vous l'avez envoyé en Italie faire assassiner les vainqueurs de l'Europe.

› Dans l'intérieur, vous avez anéanti l'esprit public, vous avez muselé la liberté, persécuté les républicains, brisé toutes les plumes, étouffé la vérité, encouragé les haines, fomenté tous les troubles. Le peuple français, en l'an vi, avait nommé aux fonctions publiques des hommes dignes de sa confiance; vous avez osé dire que les elections étaient le fruit d'une conspiration anarchique; vous avez mutilé la représentation nationale. En l'an VII, vous avez souffert qu'un de vos ministres fit imprimer et distribuer avec profusion une adresse odieuse et perfide dans laquelle le peuple est calomnié; son ouvrage représente comme l'effet d'une faction de terroristes, et vous ne l'avez point désavoué; on vous a porté d'énergiques plaintes, et vous n'avez fait qu'en tire. Dans quarante departemens, vous avez destitué les fonctionnaires les plus attachés à leur devoir et à la République, les plirs recommandab'es par leurs vertus, leurs lumières et leur patiotisme. Ainsi la chose publique a, par vous, été désorganisée; les

lois sont restées sans exécution; ainsi, vous avez relevé l'espoir des royalistes et servi la coalition des rois.

» Je ne parle point ici des Rapinat, des Rivaud, des Trouvé, des Faypoult: chacun connaît les concussions, les rapines de ces agens favoris; chacun sait comment ils ont violé chez les peuples amis les droits les plus sacrés de la liberté civile et politique. Voilà ce que vous auriez dû avouer, et le corps législatif vous eût reçus à résipiscence; il vous eût pardonné. Mais au lieu d'invoquer sa clémence, vous osez l'accuser et lui promettre son pardon s'il veut bien se réunir à vous.

> Quoi! vous nous parlez de réunion, et vous n'avez point fait de poursuites contre les dilapidateurs de nos armées, contre le général qui a consommé leur ruine; que dis-je? vous avez mis en jugement celui qui constamment avait conduit nos héros à la victoire. Vous nous parlez de réunion; mais qu'avez-vous fait pour gagner la confiance des républicains? Quel accord peut-il y avoir entre un corps législatif qui veut la République et un directoire qui ne l'a pas voulue, ou qui, s'il la voulait, l'a conduite par son ineptie sur les bords de l'abîme?

le corps

» Vous nous parlez de réunion, et moi je vous dis que législatif, que l'opinion publique vous repousse, que vous n'avez plus la confiance, que vous devez cesser vos fonctions et déposer le manteau directorial que vous avez deshonoré. Je sais qu'il existe au directoire, en ce moment, une majorité qui veut la République, qui désire faire le bien, qui le fera, parce qu'elle en a tous les moyens. Mais vous, je vous le répète, vous n'avez plus la confiance générale; que dis-je? vous avez même perdu celle des vils flatteurs qui vous entourent. Il ne vous reste qu'à terminer votre carrière honteuse par un acte de dévouement, donner votre démission: le cœur des républicains saura apprécier cette démarche.

Je ne chercherai point à détruire les calomnies à l'aide desquelles on a voulu jeter des inquiétudes et des germes de division dans cette enceinte. On a dit qu'on veut attaquer la loi du 22 floréal, et chasser quarante représentans qui siégent dans les

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