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commissions, réunies, doivent nous soumettre. Dans les dangers de la patrie, tous les citoyens doivent être à leur poste; or, dans le moment, on ne peut nier que la patrie ne soit en danger, les représentans du peuple doivent donc être à leur poste,comme les soldats des armées y sont eux-mêmes. »

Briot. « La commission qui vous à proposé de vous mettre en permanence jusqu'à la réception de la réponse du directoire a eu les plus graves motifs. Il importe donc de lui renvoyer le message que vous venez de recevoir; car, sans doute, elle avait des mesures à vous proposer, et il faut la mettre à même de les mûrir.

> Je suis bien étonné d'entendre le directoire vous dire qu'il se proposait de vous transmetre sa réponse le 1er messidor. Le 1er messidor!.... L'avez-vous remarquée cette époque, citoyens représentans? Le fer messidor!... Eh! quel est celui d'entre nous qui n'eût été instruit que le 1er messidor devait être marqué par un grand événement? Oui, il n'est aucun de nous qui doute des dangers imminens que court la chose publique. Ma correspondance d'aujourd'hui m'apprend que le corps législatif est menacé des plus grands dangers. Le directoire déclare qu'il se constitue en permanence: vous devez y rester à votre tour. Je ne veux pas m'expliquer davantage; nous devons périr à notre poste, ou assurer le maintien de la République avant de nous séparer. (Ici un grand mouvement se manifeste; de toutes parts on s'écrie: Oui, oui!) Depuis long-temps tous les républicains de la France et des armées attendent ce que sera le corps législatif; il ne doit pas rester soixante jours à faire soixante articles de loi. La permanence de nos séances annonce aux conspirateurs que là, dans cette enceinte, il existe une force, une puissance, qui saura repousser les attentats qu'ils méditent. Représentans du peuple, je vous aljure, au nom du peuple qui a les yeux fixés sur vous, au nom de la patrie dont le salut dépend de votre attitude, au nom de votre propre existence, ne vous séparez pas. Vous seriez responsables aux yeux de vos contemporains et de la postérité, si un grand complot allait éclater.

> Je demande l'envoi d'un message au conseil des anciens, pour lui déclarer que celui des cinq-cents est à son poste, et qu'il continue ses travaux législatifs. » — Adopté.

Un secrétaire invite les membres des commissions réunies à se rendre au salon des conférences.

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Crochon. C'est au nom des commissions réunies que l'on vous a proposé le message du 17 prairial; c'est au nom des mêmes commissions que l'on vous a proposé le message d'aujourd'hui, et la permanence de nos séances; mais je ne connais aucun arrêté du conseil qui autorise des commissions à se réunir et à former un arrêté diplomatique, un comité de sûreté générale, un comité de salut public. Je désirerais savoir quel rapport ont les commissions existantes avec les affaires actuelles, et quelles mesures elles ont à prendre ou à proposer. Nous ne voulons point de commission de salut public (murmures). C'est par la Constitution que je suis ici; c'est pour la maintenir que j'y suis encore; or la Constitution porte en termes formels que chaque commission ne doit s'occuper que de l'objet pour lequel elle a été formée. Comment donc arrive-t-il que des commissions chargées de missions particulières se réunissent pour examiner des objets qui ne leur ont point été renvoyés? Mes réflexions sont dictées par l'amour sincère de la République; ma tranquillité et mon existence sont attachées à son maintien, car, et moi aussi j'ai été victime du régime de 1793. Je défie que l'on me cite un arrêté du conseil qui ordonne la réunion des commissions, et qui les autorise à prendre des mesures diplomatiques et de sûreté intérieure.

Plusieurs voix. « L'ordre du jour. ›

Bergasse-Laziroulles. Il est aisé de répondre à Crochon et de calmer ses inquiétudes. Le conseil a chargé diverses commissions d'examiner les états de dépenses des ministres de la guerre, de la marine, de la police générale, etc., pour l'an 8. L'arrêté qui le crée les autorise à se retenir dans tous les objets qui établissent entre elles un point de contact. En commençant leurs travaux, ces commissions ont dû examiner quel était l'état actuel

de la force armée, soit de terre, soit de mer, afin de statuer sur les fonds à faire pour cet objet en l'an 8. Cette première réflexion a conduit à examiner quelle est la situation actuelle de la république, et si, à raison des progrès de nos ennemis, il n'était pas nécessaire de faire des fonds plus considérables l'année prochaine. Il a donc fallu demander des renseignemens à cet égard aux ministres de la guerre et de la marine; ces renseignemens ont été refusés à vos commissions. Il a donc été nécessaire de faire intervenir le conseil : voilà ce qui a donné lieu à la réunion des commissions. De là ce message proposé par elle, et que vous avez adressé au directoire, pour obtenir de lui les renseignemens que les ministres ont refusés. Vos commissions ont cru aussi qu'il était nécessaire de réveiller l'opinion publique, depuis long-temps plongée dans le sommeil de la mort; de là cette adresse que vous avez adoptée. Il est donc bien étonnant que Crochon ait manifesté des inquiétudes sur les travaux des commissions, qui n'ont eu que des motifs patriotiques et purs. »

Le conseil passe à l'ordre du jour sur les observations de Crochon, et il ordonne le renvoi du message aux commissions réunies.

Le conseil des anciens déclare dans un message qu'il continue sa permanence.

Jean Debry occupe le fauteuil.

On reprend la discussion sur la liberté de la presse; après de longs débats, le conseil en adopte plusieurs articles.

Cette discussion est inter rompue pour entendre un rapport des commissions réunies. Bergasse-Laziroulles, qui en est l'organe, s'exprime en ces termes : Les commissions ont délibéré sur les circonstances critiques qui nous pressent; un grand nombre de membres se sont réunis à elles, et les ont aidées de leurs lumières. Je viens vous faire part du résultat de leur conférence, et vous proposer les mesures qu'elles ont crues les plus propres à sauver la patrie des dangers qui la menacent. Ces mesures consistent dans une prompte réparation de la violation de l'acte constitutionnel, qui a été fait par le corps législatif.

› L'article 156 de la Constitution est ainsi, conçu. ‹ A comp. ter du 1er jour de l'an v de la République, les membres du corps législatif ne pourront être élus membres du directoire, soit pendant la durée de leurs fonctions législatives, soit pendant la première année après l'expiration de ces mêmes fonctions. >

> En contravention à une disposition aussi formelle, le citoyen Treilhard, qui était législateur en l'an v, a été nommé, le 26 floréal an 6, membre du directoire, et il est de fait que ses fonctions législatives n'avaient expiré que le 50 floréal an 'v; or, depuis le 30 floréal an v, jusqu'au 26 floréal an vi, il n'y a pas une année révolue. Ainsi il existe, dans la nomination du citoyen Treilhard, aux fonctions directoriales, une violation formelle, évidente de l'acte constitutionnel.

>> Le rapprochement que les commissions ont fait de l'article précité avec l'article 137, a étayé leur assertion. Cet article est ainsi conçu : « Le directoire est partie lément renouvelé par l'élection d'un nouveau membre chaque année. Ainsi, chaque année, et dans les cas ordinaires, la même session du corps législatif ne doit nommer qu'un membre du directoire. Or, il est évident qu'en l'an v la même session en a nommé deux, savoir : Barthélemy et Treilhard, dans un renouvellement ordinaire.

» Ainsi il est évident que, sous un double rapport, la nomination du citoyen Treilhard est illégale et inconstitutionnelle. Il suffit que le fait ait été démontré à vos commissions, pour les décider à le déférer au conseil, pour en obtenir une prompte réparation. Ainsi, sans examiner les qualités morales du citoyen Treilhard, les commissions pensent qu'il faut déclarer sa place vacante, sauf à le réélire, s'il y a lieu. »

Une foule de voix. « Appuyé! aux voix ! »

Le rapporteur propose un projet qui est adopté en ces termes :

Art. 1er. L'acte du 26 floréal an vi, portant nomination du citoyen Trei hard à la place de membre du directoire, est déclaré inconstitutionnel et nul.

› Art. 2. En conséquence, ce directeur cessera sur-le-champ

ses fonctions, et il sera procédé à son remplacement dans les formes prescrites par la Constitution.

>

› Art. 3. La présente résolution sera imprimée et envoyée, séance tenante, au conseil des anciens. ›

Il est deux heures du matin.

Génissieux, par motion d'ordre. Nous avons beaucoup à nous plaindre de la non-responsabilité des ministres. C'est un vain mot, qui ne leur sert pas même d'épouvantail. J'ai cru en trouver la cause dans une lacune qui existe dans la loi du 10 vendémiaire an iv. Sans entrer ici dans une discussion intempestive, je me borne à vous dire qu'aux termes de cette loi aucun ministre ne peut être mis en accusation, que sur la dénonciation formelle du directoire; mais la Constitution est muette à cet égard. Je pense donc qu'il conviendrait de décréter, par une loi, que la dénonciation d'un ministre pourra être faite par le corps législatif ou par le directoire. Je demande la formation d'une commission de cinq membres, pour présenter une loi organique de la dénonciation que le corps législatif doit exercer concurremment avec le directoire, contre les ministres prévaricateurs. - Adopté. On termine la discussion du projet sur la liberté de la presse; ce projet est adopté.

Le directoire transmet un message en réponse à celui que le conseil lui avait adressé le 17 prairial; voici l'analyse de cette pièce :

Le directoire aurait répondu plus tôt au message s'il n'eût été si jaloux de présenter, avec les faits, l'ensemble des mesures capables de calmer toutes les inquiétudes, et de remonter l'esprit public à la hauteur de laquelle il n'aurait jamais dû descendre. Il se contente, en ce moment, de donner des renseignemens sur les faits; les mesures à prendre seront l'objet d'un second message.

› Sous le rapport de la situation extérieure, le directoire s'est conformé à la Constitution; il a averti le corps législatif des ennemis qui nous ont attaqués, et s'est mis en état de défense. Si

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