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pu vous diviser: il les confond toutes dars une haine commune. Il suffit que vous soyez Français pour que vous soyez coupables: il suffit que vous soyez industrieux ou riches, pour qu'il désire vos dépouilles; que vous soyez libres, pour qu'il désire votre servitude, et tel qui, dans le vœu secret d'un cœur corrompu, appelle l'étranger dans l'intérieur, verrait, si son vœu était rempli, sa maison incendiée, ses enfans égorgés par les barbares qu'il aurait eu la fo ie de regarder comme ses libérateurs. Le but de la nouvelle coa ition est de rappeler en Europe l'antique barbarie, de détruire toutes les lumières et toutes les répub'iques; d'effacer de la surface de la terre tous les monumens, totes les institutions qui peuvent retracer de grands souvenirs; de bannir des cœurs tous les sentimens généreux et libéraux, d'evoquer tous les préjugés et toutes les superstitions; et, au milieu de cette nuit épaisse, d'aggrandir, de fortifier deux ou trois trônes sanglans, auxquels on attacherait une noblesse oppressive, une féoda ité ruineuse, un fisc inquisiteur, et tout l'affreux cortège de la misère et de la servitude. L'assassinat de nos plénipotentiaires négociant la paix vous donne la mesure de ce qu'ils seraient contre un peuple en état d'hostilité. Respecteraient-ils les droits des gens, ceux qui n'ont pas respecté les droits des nations? Connaissent-ils les lois de la guerre, ceux qui ont porté des poignards sacrileges sur des cœurs qui ne respiraient que la paix? Cette guerre est donc la cause de tous les Français ; et il n'y en a pas un seul, quelle que soit d'ailleurs son opinion politique, qui n'ait tout à perdre par un envahissement qui les coufondrait dans une ruine, comme dans une servitude commune.

» França's, souvenez-vous des faits héroïques qui vous ont élevés à la première place entre les nations. Vous avez eu à combattre l'Europe entière, à étouffer en même temps plusieurs guerres civiles, à lutter contre tous les fléaux de la nature... Vous voulûtes, et vous fûtes victorieux... La grande nation envoya ses enfans, et ses enfans suffirent pour renverser, pour détruire les colosses que les rois leur opposaient, et pour porter dans les régions les plus éloignées les armes et la gloire française,, Aujour

d'hui vous avez à combattre des ennemis plus odieux encore: ces hordes sauvages que le Nord a vomies et que le Midi ensevelira; ces bandes d'assassins qui se sont placées hors la paix des nations, pourront-elles vous résister; à vous, vainqueurs de tant de rois et libérateurs de tant de peuples; à vous qui voyez dans le passé de si sublimes exemples, et dans l'avenir une suite de maux si déplorables si vous pouviez succomber; à vous, qui êtes enflammés pour la plus belle des causes et pour la plus noble des passions; à vous enfin, qui êtes mus par le plus pressant des intérêts, celui de la sûreté personnelle?

D

Français, qui habitez les Alpes et qui avez couru à la défense de ces boulevards dont la nature s'est plu à couvrir notre patrie, précipitez du haut de ces montagnes vos féroces ennemis, et qu'ils tombent avec les torrens qui roulent de leurs sommets. Nos armées ont pu être surprises en Italie, mais elles n'ont pas été vaincues; dirigées par un autre ministre, commandées par d'habiles généraux, renforcées par de nouveaux guerriers dont elles voient tous les jours leurs phalanges s'accroître, elles reprendront bientôt le cours de leurs victoires. Mais l'intérieur étant la source qui alimente et fortifie les armées, c'est lui qu'il faut animer et vivifier. Que les amis de la liberté, trop long-temps proscrits, poursuivis par les royalistes, se montrent avec le front qui sied à la vertu, et avec le juste orgueil d'avoir servi leur pays; que les acquéreurs des domaines nationaux sentent qu'ils n'ont pas de grace à espérer auprès de l'étranger; que tous ceux qui ont déjà servi la révolution la soutiennent encore, et jugent du sort que les rois leur préparent par les poignards que leurs sicaires lèvent depuis long-temps sur leurs têtes. Que celui qui a des lumières éclaire ses concitoyens; que celui qui a de l'énergie les électrise; que celui qui a de la fortune les aide, et qu'à ce développement de toutes les facultés physiques et morales l'ennemi reconnaisse le peuple français; que tous les hommes dés gnés par la loi pour marcher aux frontières obéissent à son commandement; que les lâches soient poursuivis, les impositions payées, les royalistes surveillés, les perturbateurs comprimés, les assassins arrêtés et

punis; et que le gouvernement soit aidé non-seulement de tous les moyens que le devoir commande, mais encore de tous ceux que le zèle suggère.

› C'est vainement qu'on chercherait encore à jeter de la défavear sur les plus purs républicains, par les épithètes usées et banales dont on ne cesse de les poursuivre. Le corps législatif ne s'est pas trompé par ces manoeuvres, qui, en jetant le découragement dans l'âme des républicains, rehaussant le courage des royalistes, mirent plusieurs fois la République en péril. Il ne s'agit pas de déchaîner les passions révolutionnaires, mais d'enflammer toutes les affections libérales et généreuses, et de faire que la liberté ne soit pas le patrimoine de quelques-uns, mais le domaine de tous les Français.

» Le vœu de tous vos représentans est que la loi soit le droit, comme elle est le devoir de tous, et que personne ne puisse l'invoquer en vain, ni la violer impunément. Vous avez vu cette année avec quel respect religieux tous les choix que vous avez faits ont été respectés par vos représentans. Les scissions, les minorités, toutes les trames de l'ambition sont venues se briser contre le principe tutélaire qui a partout fait triompher les majorités légales. Des lois seront faites pour prévenir, les années suivantes, les déchiremens qu'occasionnent les scissions. Des plaintes nombreuses se sont élevées sur la conduite de plusieurs agens du directoire exécutif, accusés de dilapidations et de rapines, tant dans l'intérieur que chez les républiques alliées. La loi mettra les coupables sous la main de la justice, et le directoire exécutif dissipera cette nuée de vautours qui suivent les armées et assiégent toutes les avenues des caisses et toutes les portes de la puis

sance.

› La responsabilité des agens exécutifs sera organisée; les comptes des ministres seront solennellement publiés et sévèrement examinés; la plus rigoureuse économie sera apportée dans la fixation des dépenses; la liberté des personnes et des opinions sera garantie par des lois sévères: mais les grands moyens d'administration et d'exécution sont entre les mains du directoire exé

cutif, et, fidèles observateurs de la Constitution, nous ne sortirons pas des limites dans lesquelles elle a circonscrit nos devoirs, comme le directoire exécutif n'en sortira jamais lui-même. La tyrannie commence là où les pouvoirs sont envahis ou accumulés; la liberté de tous, comme la sûreté de chacun, est dans l'équilibre des pouvoirs; et c'est toujours à quelques causes qui l'ont dérangé ou qui l'empêchent de se rétablir qu'on doit imputer les fautes et les revers.

› Français, les difficultés qui nous environnent sont grandes, mais le courage de vos représentans est plus grand encore; ils ne peuvent avoir d'autre crainte que celle de ne pas remplir leurs devoirs, d'autre passion que celle de vous voir libres et triomphans; et ils ont fait le serment de vous sauver ou de périr.

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Le directoire accueillit ce message par un silence complet. Cependant, en attendant la réponse qu'il devait, les conseils ne cessaient point leurs hostilités, et déjà les ministériels osaient à peine parler. On remuait la question de la presse; Garrau demandait qu'on fit cesser l'abus des lois exceptionnelles; on dénonçait les crimes des fournisseurs; on lisait des adresses des départemens; on s'excitait, on s'encourageait, on cherchait à s'assurer une majorité, et parmi les députés et parmi la population de Paris.

Enfin, le 28 prairial, Poulain-Grandprey, au nom des commis. sions réunies, veut rappeler aux cinq-cents le message et les promesses du 17. Ce message étant resté sans réponse, il proposa de rester en permanence jusqu'à l'arrivée d'une réponse au message suivant dont il demandait l'envoi au directoire.

« Citoyens directeurs, le conseil vous a fait un message le ⚫ 17 prairial, pour vous demander des renseignemens sur la si› tuation intérieure et extérieure de la République. Le salut pu›blic nous avait commandé cette démarche ; le salut public nous fait un devoir de la réitérer. Nous attendons la réponse au » message du 17 prairial, aux termes de l'art. 161 de la Constitution. Le conseil vous déclare qu'il sera en permanence jus• qu'à l'arrivée de votre réponse.

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· Cette proposition fut acceptée unanimement par le conseil. On en donna avis aux anciens; et ceux-ci prirent la même mesure. Enfin le directoire répondit que le lendemain il satisfei ait à la demande qu'on lui adressait.

CONSEIL DES CINO-CENTS. Présidence de Jean Debry.
Séance permanente du 28 prairial an VII (5 Juin 1799).

Il est sept heures.

sage

Un secrétaire donne lecture d'un mes

du directoire, conçu en ces termes :

« Le directoire s'occupait de répondre à votre message du 17 de ce mois, et il espérait vous soumettre sa réponse primidi prochain. Mais d'après votre message itératif de ce jour, il se constitue en permanence; et vous recevrez demain les renseignemens que vous désirez. » — Le conseil ordonne l'impression. Quelques voix. « Levez la permanence. >>

Une foule de voix. « Non, non! »

Briot veut parler contre la levée de la permanence,

on s'écrie:-<«< Ce n'est pas appuyé. »

mais

Laujeacq. « La réponse du directoire n'exige aucune délibération; mais comme vous avez informé les anciens de la mesure que vous avez prise, et de la permanence de votre séance, je demande qu'on les instruise également de la réponse que vous avez reçue, et de la prorogation de votre permanence.»>-Adopté. -On réclame la reprise de la discussion du projet sur la liberté de la presse.

Chollet, «Dans cette séance permanente, on ne doit s'occuper que des objets sur lesquels la permanence a été arrêtée; or, le message reçu ne fournissant aucune matière à délibération, je demande que la séance ne soit reprise que demain à dix heures. Car ce n'est pas la discussion du projet sur la presse qui fera reculer les ennemis. »

Garrau.

Sans doute la liberté de la presse ne doit pas faire reculer nos ennemis; mais quand le projet de la loi qui l'organise sera adopté, nous aurons des objets de la plus haute importance à discuter; nous aurons à délibérer sur des mesures que vos

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