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que l'association ne crée pas, mais qu'elle accroît et qu'elle garantit ; elle comprend enfin les réglemens locaux qui excèdent le pouvoir administratif.

» La légisiation politique s'applique aux actes de la souveraineté. » Le corps de la nation a un moi personnel.

» Les jugemens de ce moi, pour sa conservation, ne peuvent être remis au même corps, dont la constitution est d'être sévère sur les sacrifices que chaque citoyen doit à l'état, et qui est toujours en quelque sorte partie contre la personne morale de la nation.

» Cette division, que la nature du gouvernement républicain y rend plus indispensable, paraît exister dans la Constitution, mais elle n'y existe que dans le nom des corps qu'elle institue.

• Le projet présenté l'exécute, cette division; il fait entrer dans le domaine du sénat la législation politique.

Il rend en même temps les consuls membres du sénat qu'ils président; donne aux ministres le droit de discussion au sénat, mais sans voix délibérative; conséquence absolue du concours nécessaire du gouvernement à la législation politique, dont il est, dans tous les systèmes sociaux, partie intégrante.

» Le projet soumis à la délibération réalise véritablement dans le sénat ce ministère de la nation pour la garde de ses droits que la Constitution y indique et qu'elle n'établit pas.

» Car, sérieusement, la conservation de la chose publique peut-elle résulter d'un simple jugement de l'esprit, soit qu'il existe tyrannie de la part du gouvernement, soit contre l'usurpation du Forum par les factions?

» D'une part le sénat a donc le droit de dissoudre le corps législatif ou le tribunat, et l'un et l'autre dans les cas où, soit par l'influence de l'étranger, soit par quelque vertige démagogique, soit par quelque autre esprit de faction, ces corps arrêteraient l'action du gouvernement.

» D'autre part l'action du droit souverain de police, que le gouvernement peut être nécessité d'exercer, est modérée par la délibératoin d'un corps nombreux dont les membres sont indépendans par leur inamovibilité ; et toujours un compte doit être donné au sénat de l'exécution des mesures de sûreté prises après le délai prescrit par l'article 46 de la Constitution. Il existe donc une garantie positive de la jouissance des articles 76, 77, 78, 79 et 80 de la Constitution qui forment proprement pour nous la loi d'un peuple voisin dite l'habeas corpus.

Le projet soumis pour garantir l'indépendance judiciaire statue de plus qu'il n'appartient qu'au sénat de connaître des jugemens qui blesseraient la foi de la nation, seraient un empiétement sur l'action directe du gouvernement, qui, en un mot attaqueraient la sûreté de l'état.

» Cette attribution en effet découle essentiellement de l'office du sénat qui est de rétablir la circulation de l'action sociale lorsqu'elle se trouve troublée.

» Ainsi le sénat acquiert toute l'existence politique que son titre devait lui conférer.

» Mais la grande puissance da sénat, dont les membres sont inamovibles, exige que le gouvernement ait lui-même un moyen de conservation personnel contre ce corps; moyen qui soit moral, car la corruption dégrade; moyen qui soit civil, car il importe que, pour exercer son influence légitime et nécessaire, le gouvernement ne soit pas réduit à l'emploi de la force qui ruine tous les droits et tous les devoirs.

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Le projet soumis, suivant l'exemple d'un peuple voisin, donne à cette fin au gouvernement le droit de faire entrer, par sa pure nomination, dans le sénat.

un nombre déterminé de citoyens qui d'ailleurs auraient les conditions requises.

T. XXXVIII.

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Le projet constitue un conseil privé chargé de rédiger les projets de sénatug consulte, et circonscrit ainsi, pondération essentielle, dans son orbitre constitutionnel le conseil d'état, qui demeure conseil législatif et administratif.

» La volonté du peuple, que vous avez prononcée hier, citoyens sénateurs, en déclarant le premier consul consul à vie, amène la conséquence de l'inamovibilité des deux autres consuls.

» Sans cette inamovibilité la nation n'aurait pas évidemment la garantie de l'indépendance des opinions du second et du troisième consuls, lesquelles doivent entrer dans la délibération du premier consul comme conseil.

Le projet soumis déclare donc que les trois consuls sont institués à vie. » Le point capital, le point que la constitution de tout état, et particulièrement d'une république, doit nécessairement régler, et régler d'une manière évidente et sans équivoque, est le mode de succession ou de remplacement à la suprême magistralure.

» La Constitution confère bien au sénat l'élection des consuls; mais elle garde le silence sur les formes et sur le mode de cette élection: là cependant est le lien de la Constitution.

» Ce qui rend si abstrus les problèmes politiques, c'est que le terme inconnu de l'équation se multiplie par toutes les passions tumultueuses et déréglées dont l'expérience ne découvrira jamais toute l'intensité; leur résolution ne peut donc être que plus ou moins probable, et dès lors que plus ou moins heureuse dans l'application.

>> La suprême magistrature dans aucun état ne peut longtemps demeurer vacante sans devenir la proie de la force. La résolution qui aura l'effet de prévenir le plus sûrement que la place publique ne s'empare de l'élection est évidemment la plus juste détermination, parce qu'elle a pour elle le plus de probabilités de prudence.

» Or telle est la combinaison que le projet soumis offre ; il doit sensiblement, par un rapprochement nécessaire, amener dans le plus court délai une transaction supérieure aux hasards de l'hérédité, et qui en promet le repos entre le con sul ou les consuls présentateurs, et le sénat nominateur, pour la nomination.

» Le projet soumis à votre délibération, citoyens sénateurs, relève l'autel de l'humanité à côté du gouvernement; je veux dire, rétablit le droit de grâce, droit qui existe chez tous les peuples, droit qui serait encore nécessaire quand les jurés et les juges ne seraient pas sujets à l'erreur; droit dont l'absence est une des causes du scandale que présentent souvent les séances des jurés, et lequel fait calomnier cette institution, qui nourrira la liberté dans le cœur des citoyens.

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» Mais en même temps, pour que ce droit de grâce ne devienne pas une impunité dangereuse à la société, le projet en pondère l'exercice en le soumettant à l'avis d'un conseil privé particulier dont il détermine la composition.

» Cependant, dernière question que votre commission s'est faite, et qu'elle a dû examiner avec sévérité, ces dispositions, soumises à votre délibération, ne doivent-elles pas recevoir leur sanction de l'acceptation du peuple, de qui tout pouvoir social émane, à l'imitation de tout ce qui a été suivi pour les constitu tions qui se sont succédé depuis 1795 ?

» Votre commission n'hésite pas, citoyens sénateurs, à se prononcer contre cette doctrine comme étant une exagération de l'époque où elle est née. La plus difficile conception de l'entendement humain peut-elle sérieusement être délibérée par la foule? et dès lors peut-elle de bonne foi devenir l'objet de son acceptation, qui, si elle n'est pas une jonglerie, doit être éclairée ?

>> Il faut fermer sans retour la place publique aux Gracques. Le vœu des citoyens sur les lois politiques auxquelles ils obéissent s'exprime par la prospérité générale; la garantie des droits de la société place absolument la pratique du dogme de la souveraineté du peuple dans le sénat, qui est le lien de la nation. Voilà la seule vraie doctrine sociale pour nous.

» Et l'établissement des colléges électoraux et leurs opérations, ò puritains! seront la véritable acceptation populaire du sénatus-consulte, et une acceptation qui ne pourra être contestée, car nul n'est forcé de voter par aucun genre de contrainte.

>> Citoyens sénateurs, votre commission a le sentiment de la nécessité de donner sans délai, par un grand acte national qui se lie à celui d'hier, une nouvelle vie aux institutions que le 18 brumaire a élevées.

» Le projet de sénatus-consulte qui vous est soumis lui paraît répondre dignement à l'auguste mission de consolidation dont le peuple français a investi Bonaparte en le nommant consul à vie, et dont vous avez reconnu si solennellement le caractère.

» Le héros vainqueur et pacificateur était aussi destiné par sa fortune à être le législateur de la république française.

» Ainsi le second peuple de l'histoire par sa puissance sera, par la force du même génie, le premier par sa constitution politique.

» Votre commission (1), citoyens sénateurs, vous propose à l'unanimité de convertir, en sénatus-consulte organique de la Constitution, le projet soumis à votre délibération.» (Adopté.)

SENATUS-CONSULTE ORGANIQUE DE LA CONSTITUTION.

Du 46 thermidor an x (4 août 1802.)

TITRE PREMIER.

ART. 1er Chaque ressort de justice de paix a une assemblée de canton. 2. Chaque arrondissement communal ou district de sous-préfecture a un collége électoral d'arrondissement.

5. Chaque département a un collége électoral de département.

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4. L'assemblée de canton se compose de tous les citoyens domiciliés dans ce canton, et qui y sont inscrits sur la liste communale d'arrondissement.

A dater de l'époque où, aux termes de la Constitution, les listes communales doivent être renouvelées, l'assemblée de canton sera composée de tous les citoyens domiciliés dans le canton, et qui y jouissent des droits de citoyen. 5. Le premier consul nomme le président de l'assemblée de canton. Ses fonctions durent cinq ans ; il peut être renommé indéfiniment.

Il est assisté de quatre scrutateurs, dont deux sont les plus àgés, et les deux autres les plus imposés des citoyens ayant droit de voter dans l'assemblée de canton. Le président et les quatre scrutateurs nomment le secrétaire..

6. L'assemblée de canton se divise en sections pour faire les opérations qui lui appartiennent.

Lors de la première convocation de chaque assemblée, l'organisation et les formes en seront déterminées par un réglement émané du gouvernement.

(1) Composée des sénateurs Barthélemy, président; Fargues et Vaubois, secrétaires; Lacépède, Laplace, Lefebvre, Jacqueminot, Demeunier et Cornudet.

7. Le président de l'assemblée de canton nomme les présidens des sections. Leurs fonctions finissent avec chaque assemblée sectionnaire.

Ils sont assistés chacun de deux scrutateurs, dont l'un est le plus âgé, et l'autre le plus imposé des citoyens ayant droit de voter dans la section.

8. L'assemblée de canton désigne deux citoyens sur lesquels le premier consul choisit le juge de paix du canton.

Elle désigne pareillement deux citoyens pour chaque place vacante de suppléant du juge de paix.

9. Les juges de paix et leurs suppléans sont nommés pour dix ans.

10. Dans les villes de cinq mille ames l'assemblée de canton présente deux citoyens pour chacune des places du conseil municipal. Dans les villes où il y aura plusieurs justices de paix, ou plusieurs assemblées de canton, chaque assemblée présentera pareillement deux citoyens pour chaque place du conseil municipal.

11. Les membres des conseils municipaux sont pris par chaque assemblée de canton sur la liste des cent plus imposés du canton. Cette liste sera arrêtée et ¡mprimée par ordre du préfet.

12. Les conseils municipaux se renouvellent tous les dix ans par moitié.

43. Le premier consul choisit les maires et adjoints dans les conseils municipaux : ils sont cinq ans en place; ils peuvent être renommés.

14. L'assemblée de canton nomme au collège électoral d'arrondissement le nombre des membres qui lui est assigné, en raison du nombre de citoyees dont elle se compose.

15. Elle nomme au collège électoral de département, sur une liste dont il sera parlé ci-après, le nombre des membres qui lui est attribué.

16. Les membres des colléges électoraux doivent être domiciliés dans les ar. rondissemens et départemens respectifs.

17. Le gouvernement convoque les assemblées de canton, fixe le temps de leur durée et l'objet de leur réunion.

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18. Les colléges électoraux d'arron lissement ont un membre pour cinq cents habitans domiciliés dans l'arrondissement.

Le nombre des membres ne peut néanmoins excéder deux cents ni être au-dessous de cent vingt.

19. Les colléges électoraux de département ont un membre par mille habitans domiciliés dans le département, et néanmoins ces membres ne peuvent excéder Irois cents, ni ètre au-dessous de deux cents.

20. Les membres des colléges électoraux sont à vie.

21. Si un membre d'un collége électoral est dénoncé au gouvei nement comme s'étant permis queique acte contraire à l'honneur ou à la patrie, le gouvernement invite le collège à manifester son vou; il faut les trois quarts des voix pour faire perdre au membre déconcé sa place dans le college.

22. On perd sa place dans les colleges électoraux pour les mêmes causes qui font perdre le droit de citoyen.

On la perd également lorsque, sans empêchement légitime, on n'a point assisté à trois réunions successives.

23. Le premier consul nomme les présidens des colléges électoraux à chaque session. Le président a soul ra police du collège électoral lorsqu'il est assemble. 24. Les colléges électoraux nomment, à chaque session, deux scrutateurs et un secrétaire.

25. Pour parvenir à la formation des colléges électoraux de département, il sera dressé dans chaque département, sous les ordres du ministre des finances, une liste de six cents citoyens, les plus imposés aux rôles des contributions foncière, mobilière et somptuaire, et au rôle des patentes.

On ajoute à la somme de la contribution, dans le domicile du département, celle qu'on peut justifier payer dans les autres parties du territoire de la France et de ses colonies.

Cette liste sera imprimée.

26. L'assemblée de canton prendra sur cette liste les membres qu'elle devra nommer au collége électoral du département.

27. Le premier consul peut ajouter aux colléges électoraux d'arrondissement dix membres pris parmi les citoyens appartenans à la Légion d'Honneur, ou qui ont rendu des services.

Il peut ajouter à chaque collége électoral de département vingt citoyens, dont dix pris parmi les trente les plus imposés du département, et les dix autres soit parmi les membres de la Légion-d'Honneur, soit parmi les citoyens qui ont rendu des services.

Il n'est point assujetti, pour ces nominations, à des époques déterminées.

28. Les colléges électoraux d'arrondissement présentent au premier consul deux citoyens domiciliés dans l'arrondissement pour chaque place vacante dans le conseil d'arrondissement.

Un, au moins, de ces citoyens doit être pris nécessairement hors du collége électoral qui le désigne.

Les conseils d'arondissement se renouvellent par tiers tous les cinq ans.

29. Les colléges électoraux d'arrondissement présentent à chaque réunion deux citoyens pour faire partie de la liste sur laquelle doivent être choisis les membres du tribunat.

Un, au moins, de ces citoyens doit être pris nécessairement hors du collége qui le présente.

Tous deux peuvent être pris hors du département.

30. Les colléges électoraux de département présentent au premier consul deux citoyens domiciliés dans le département pour chaque place vacante dans le conseil général du département.

Un de ces citoyens, au moins, doit être pris nécessairement hors du collége électoral qui le présente.

Les conseils généraux de département se renouvellent par tiers tous les cinq

ans.

51. Les colléges électoraux du département présentent, à chaque réunion, deux citoyens pour former la liste sur laquelle sont nommés les membres du

sénat.

Un, au moins, doit être pris nécessairement hors du collége qui le présente, et tous deux peuvent être pris hors du département.

Ils doivent avoir l'âge et les qualités exigés par la Constitution.

32. Les colléges électoraux de département et d'arrondissement présentent chacun deux citoyens, domiciliés dans le département, pour former la liste sur laquelle doivent être nommés les membres de la députation au corps législatif. Un de ces citoyens doit être pris nécessairement hors du collège qui le pré

sente.

Il doit y avoir trois fois autant de candidats différens sur la liste formée par la réunion des présentations des colléges électoraux de département et d'arrondissement, qu'il y a de places vacantes.

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