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Ainsi, d'après cet article, il n'a le droit de nomination que jusqu'aux élections de l'an vi. Mais il est un autre article qui dit que le directoire nommera aux places qui viendront à vaquer par mort, démission ou autrement; c'est de celui-là dont je réclame l'exécution. (Plusieurs membres. « Aux voix le projet. ») J'atteste la bonne foi de mes collègues, et tous ont de la bonne foi: si le directoire avait, à l'époque du 18 fructidor, nommé des suppléans au tribunal de cassation, auriez-vous annulé ces nominations? (Les murmures recommencent. On s'écrie de nouveau : Aux voix le projet.) Je dis donc que la loi du 19 donne implicitement et virtuellement au directoire le droit de nommer les suppléans. Je demande que le conseil déclare qu'il n'y a lieu à délibérer sur le message relatif à la nomination des cinq juges du tribunal de cassation, attendu que la loi du 19 fructidor lui donne le droit de les nommer. ›

Plusieurs voix. Appuyé. ›

Une foule d'autres. « La question préalable. »

Demoor. « J'avais préparé un travail qui rentrait dans les vues de Génissieux; mais puisque vous avez fermé la discussion.... Le président. La discussion est fermée sur le fond du projet, mais non sur chaque article. >

Boulay de la Meurthe. D'après la manière dont un des préopinans s'est énoncé à cette tribune, il semblerait que l'on voudrait faire entendre que le projet que je vous présente est subreptice. Mais la commission ne s'est point réunie en secret; l'appel de tous les membres qui la composent, et de ceux qui lui ont été adjoints, a été fait à la tribune; Berlier, Mansord, etc., tous s'y sont rendus, à l'exception de Génissieux. La question y a été de nouveau discutée, examinée sous tous ses rapports, tout s'y est passé à l'unanimité, et le projet que je vous présente est le résultat de notre délibération. Si l'on veut discuter, je demande à répondre aux orateurs. ›

Une foule de membres. ‹ Aux voix Farticle. »

Le président met l'article aux voix; une première épreuve lui paraît douteuse; il la renouvelle, puis, consultant le bureau, il

dit: « Le bureau est d'avis que l'article est adopté. › (Ris et murmures.)

Quelques voix. L'appel nominal. ›

Une foule d'autres. Il n'y a pas de doute.▸

Le président. « On réclame l'appel nominal, on va y procéder.> Une foule de voix. Il n'y a pas de doute. »

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Maugenest. Il est impossible de délibérer sur un article inconstitutionnel (Murmures). La Constitution a déterminé le nombre des députés au corps législatif, et celui des juges du tribunal de cassation; et de même qu'il n'est pas permis d'ajouter un membre à chaque députation départementale', ainsi on ne peut donner des suppléans aux juges qui n'en ont pas (Murmures ). Je m'oppose à l'appel nominal, et je demande la question préalable sur le projet. »

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Maras. « Je ne blâmerai ni le projet de Boulay, ni,celui de Génissieux; mais comme je ne crois pas qu'il soit instant de prononcer sur l'un ou sur l'autre, je propose l'ajournement sur le

tout. »

Des murmures se font entendre. D'une part on réclame l'appel nominal; de l'autre on appuie l'ajournement.

Lucien Bonaparte. < Permettez-moi de réclamer l'ordre du jour sur l'ajournement. Cette discussion a été suffisamment étendue, et je m'étonne que l'on cherche encore à reculer notre décision par des subtilités qui sont indignes de la gravité du corps législatif; la majorité fait ici la loi, et quand elle a prononcé, la minorité ne doit pas l'éluder par des vaines chicanes. Le président a déclaré, d'après l'avis du bureau, qu'il n'y avait pas de doute. Je demande que cette déclaration soit maintenue. Prouvons que nous ne revenons pas tous les jours, et à toutes les minutes, sur les décisions que nous avons une fois prises. Je demande l'ordre du jour.

Une foule de voix. Appuyé. »

Le président. La majorité du bureau a déclaré qu'il lui paraissait qu'il n'y avait pas de doute. Je l'ai dit. On a réclamé l'appel nominal; j'ai dû en prévenir le conseil. »

On réclame de nouveau l'appel nominal. On y procède. Il y avait trois cent quatre votans; cent soixante-dix-huit ont voté pour l'article de la commission; cent vingt-six ont voté contre. L'article est donc adopté à une majorité de cinquante-deux voix. - Le reste de la proposition fut voté de la même manière, mais le conseil des anciens rejeta cette résolution.

C'étaient les finances qui, avant le 18 fructidor, avaient été l'occasion de l'opposition la plus embarrassante pour le pouvoir exécutif. Ce fut encore le sujet où il y eut le plus de motifs d'opposition; cependant cette fois on ne peut pas dire qu'il y eût malveillance de la part des opposans; ils cherchaient en effet sérieusement à combler le déficit; mais ils cherchaient aussi à en prévenir le retour pour l'avenir par des économies, et surtout en détruisant les abus scandaleux qui avaient lieu dans le maniement et l'usage des fonds publics. Mais ces efforts même constituaient une critique violente de l'administration du directoire.

Le 1er messidor, il avait transmis par un message l'état des besoins et des ressources pour l'an vii. Il demandait pour cette année que le budget fût fixé à 600 millions; enfin il envoyait les comptes des dépenses de l'an vi. L'examen de ces comptes montra qu'il y avait eu de nombreuses dilapidations. Les rapports des commissions rendirent celles-ci publiques. Il y eut dans les cónseils une explosion d'indignation qui nuisit d'autant plus à l'administration, qu'évidemment elle était moins calculée. Tel fut le motif de la motion de Chabert qui eut lieu le 19 thermidor; tel fut l'effet du rapport de Joubert (de l'Hérault) qui eut lieu le même jour. Voici cette séance.

CONSEIL DES CINQ-CENTS. Séance du 19 thermidor.

Chabert, par motion d'ordre, s'élève contre les dilapidateurs, les fournisseurs et autres sangsues publiques; contre ceux qui font les marchés, les annulent, en passent de nouveaux et les annulent encore; contre cette troupe de fripons, dont le quartier général, dit-il, est dans les bureaux de la trésorerie, qui exigent jusqu'à cinquante pour cent pour le paiement d'une or

donnance, et dont les cantonnemens sont chez les payeurs généraux. Il demande qu'il soit nommé une commission chargée de présenter un projet sur la publicité des marchés des ministres. Adopté et impression.

Joubert. « Ce n'est pas avec des mesures partielles que vous pouvez comprimer les abus qui pullulent dans les diverses parties de l'administration publique, et qui font monter les dépenses à un taux effrayant. Il faut rétablir les masses et mettre la publicité dans les marchés; tel est le vœu de tous les hommes probes et instruits dans cette partie. On assure que la difficulté des paiemens, à la trésorerie, s'oppose à cette publicité. Je n'en sais rien. Mais ce que je sais, c'est qu'au moyen du mode actuel, le peuple français est grevé de quatre-vingts millions de plus. Je propose donc que la commission demandée par Chabert soit tenue de se réunir à celles des finances et de surveillance de la comptabilité et de la trésorerie. >

Plusieurs voix. Appuyé.

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Génissieux. « Je m'oppose à cette proposition. Quand les commissions sont nombreuses, elles ne produisent aucun résultat. Une commission spéciale suffit ; et ses membres pourront prendre des renseignemens auprès de celles des finances et de surveillance de la trésorerie.

> On dit que c'est le mauvais état des finances qui s'oppose à la publicité des marchés. Mais d'où vient le mauvais état des £nances? Ne prend-il pas sa source dans la clandestinité de ces marchés? Ainsi, on fait une pétition de principes; on justifie un abus par un abus. Ayez une commission qui vous présente un projet de loi, simple, clair et sévère. Commandez, vous serez obéis, et l'économie renaîtra. ›

Le conseil fait droit à ces observations, et il ordonne le renvoi de la motion de Chabert à une commission spéciale.

Au nom de la commission chargée d'examiner les dépenses de la guerre, Joubert de l'Hérault fait le rapport suivant : « La commission eût désiré pouvoir donner des détails approfondis sur toutes les parties de l'administration de la guerre ; mais pressée

par la briéveté du temps, elle n'a pu se livrer à un travail aussi considérable. D'ailleurs, les circonstances pressent. C'est au mo ment où la destinée de l'Europe est encore incertaine, où l'Angleterre entrave nos négociations, où elle s'efforce de renouer la coalition continentale, que le gouvernement français a besoin de déployer dans ses dispositions le caractère le plus prononcé de vigueur et de célérité. Le corps législatif doit donc donner au directoire tous les moyens de commander la paix à l'Europe, en le mettant à même de se présenter, s'il le faut, dans l'arène avec l'attitude qui convient à la grande nation.

» Néanmoins, en se bornant à mettre sous les yeux du conseil un tableau rapide des dépenses de la guerre, l'intention de la commission n'a point été de composer avec les abus, et de chercher à s'appuyer du prétexte commode d'une précipitation nécessaire, pour détourner la sollicitude du corps législatif, d'un objet qui la réclame tout entière.

» Le département de la guerre est celui où le désordre peut s'introduire avec plus de facilité; c'est celui qui, par conséquent, appelle la plus sévère vigilance. Comme il absorbe la plus forte portion des revenus de l'état, il la rend à la circulation par une multitude innombrable de canaux ; il embrasse tous les genres d'industrie; il influe sur toutes les branches de commerce et sur le prix de toutes les denrées; presque tous les spéculateurs sont intéressés dans les affaires qui en émanent.

› S'il se trouve parmi eux des citoyens amis de leur pays, et qui désirent le servir en se contentant d'honnêtes bénéfices, on ne peut se dissimuler que c'est aussi dans cette classe qu'on rencontre ces hommes avides à qui tous les moyens conviennent pour parvenir à la fortune: habiles à tirer parti de la détresse des finances, ils savent faire naître et entretenir les abus les plus crians. Là, l'opinion publique remarque avec indignation ces inexplicables richesses et ce faste impudent qui contraste d'une manière si révoltante avec la respectable indigence de nos guerriers infirmes ou mutilés.

› Là, s'est formée et s'alimente cette faction corruptrice non

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