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mens qui lui doivent leur existence. On appela alors lycées ce qui a reçu plus tard le nom de colléges royaux.

-Le tribunat entendit à son tour quelques orateurs dont les discours retardèrent sa décision pendant deux séances. Il adopta ce projet le 8; il fut converti en loi par le corps législatif le 11 floréal.

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Pendant qu'on discutait au tribunat sur l'organisation de l'in-struction publique, le sénat était saisi, par arrêté du premier consul, d'une nouvelle question de conciliation. Le résultat de ses délibérations fut consigné dans un sénatus-consulte du 6 floreal (26 avril 1802), que le premier consul fit aussitôt promulguer. L'article premier de ce sénatus-consulte portait : « Amnistie est accordée pour fait d'émigration à tout individu qui en est prévenu et n'est pas rayé définitivement. L'article 11 y mettait les conditions suivantes: ceux desdits individus qui ne sont point en France seront tenus d'y rentrer avant le 1er vendémiaire an xi. » Dans les autres articles, il était dit que ceux qui ne seraient point rentrés à l'époque fixée seraient déchus de l'amnistie. En rentrant les émigrés devaient prêter le serment de fidélité à la République, consentir à rester sous la surveillance du gouvernement pendant dix ans; mais en compensation ceux de leurs biens qui n'auraient pas été aliénés leur seraient remis (ART. 17). Étaient exceptés de l'amnistie les chefs de rassemblemens d'armées ennemies, les agens de guerre civile, etc., etc. La liste de ceux-ci devait être publiée dans l'espace d'une année à partir de la date du sénatus-consulte, et ne pourrait contenir plus de mille noms. Cette mesure qui, comme on le disait alors, fermait l'abîme de la révolution, n'excita point de murmures publics, et passa comme la plus simple des mesures administratives. Mais revenons à l'histoire des séances législatives.

Le 7 floréal on remit au tribunat le projet des contributions et des dépenses de l'an xi et le compte des dépenses de l'an x.

Le 25 floréal, le gouvernement présenta au corps législatif le projet d'organisation de la Légion-d'Honneur. Les républicains annoncèrent dès ce moment que Bonaparte avait l'intention

secrète de rétablir la noblesse, et que l'institution qu'il proposait n'était qu'un acheminement à des essais encore plus hardis. Mais, quel moyen d'arrêter dans sa marche un homme qu'adoptait la volonté nationale? Voici les motifs de ce projet de loi. Il est curieux de comparer les engagemens que le message du gouvernement prenait, au nom du premier consul, avec la conduite que celui-ci adopta plus tard et avec les intentions dont certainement Bonaparte était déjà animé.

MOTIFS du projet de loi, exposés devant le corps législatif par le conseiller d'état Ræderer. Séance du 25 floréal an x (15 mai 1802.).

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« Législateurs, la Légion d'Honneur qui vous est proposée doit être une institution auxiliaire de toutes nos lois républicaines, et servir à l'affermissement de la révolution.

» Elle paie au service militaire comme au service civil le prix du courage qu'ils ont tous mérité; elle les confond dans la même gloire, comme la nation les confond dans sa reconnaissance.

» Elle unit par une distinction commune des hommes déjà unis par d'honorables souvenirs; elle convie à de douces affections des hommes qu'une estime réciproque disposait à s'aimer.

› Elle met sous l'abri de leur considération et de leur serment nos lois conservatrices de l'égalité, de la liberté, de la propriété. › Elle efface les distinctions nobiliaires qui plaçaient la gloire héritée avant la gloire acquise, et les descendans de grands hommes avant les grands hommes.

» C'est une institution politique qui place dans la société des intermédiaires par lesquels les actes du pouvoir sont traduits à l'opinion avec fidélité et bienveillance, et par lesquels l'opinion peut remonter jusqu'au pouvoir.

› C'est une institution morale, qui ajoute de la force et de l'activité à ce ressort de l'honneur qui meut si puissamment la nation française.

› C'est une institution militaire qui attirera dans nos armées cette portion de la jeunesse française qu'il faudrait peut-être

disputer sans elle à la mollesse, compagne de la grande aisance.

› Enfin c'est la création d'une nouvelle monnaie, d'une bien autre valeur que celle qui sort du trésor public; d'une monnaie dont le titre est inaltérable, et dont la mine ne peut être épuisée puisqu'elle réside dans l'honneur français; d'une monnaie enfin qui peut seule être la récompense des actions regardées comme supérieures à toutes les récompenses. »

-Le projet dont il s'agit fut renvoyé par le corps législatif au tribunat, afin qu'il y fût discuté. Dès le 28, le tribunat entendit un rapport très-peu développé de Lucien Bonaparte. Il concluait à l'adoption. La discussion fut ouverte séance tenante. Savoye-Rollin et Chauvelin parlèrent contre les conclusions du rapport. Ils attaquèrent l'institution proposée, comme contraire à la Constitution, comme tendant à rétablir et entretenir les préjugés aristocratiques que la révolution avait voulu détruire, comme constituant une corporation privilégiée, et un état dans l'état. Fréville et Carrion-Nisas repoussèrent ces assertions, ils développèrent le thème posé par Roederer. Efin on alla aux voix, et le projet fut adopté par une majorité de cinquante-six voix contre trente-huit. Ainsi, en une seule séance, la discussion fut commencée et terminée. La loi fut enlevée en quelque sorte au pas de course. On ne mit pas plus de temps à se décider au corps législatif : il est vrai qu'il fallait se presser, car la session. devait être close le 30 du mois. Ce fut le 29, que le projet fut apporté au corps législatif. "L'opinion qui avait obtenu la majorité au tribunat, eut seule la parole. Les tribuns Lucien Bonaparte, Fréville et Girardin en furent les organes; les conseillers d'état Roederer, Marmont et Dumas reproduisirent longuement les motifs exposés dans le discours de présentation. On insista particulièrement afin de prouver le caractère républicain de l'institution sur la teneur du serment, qu'aux termes de l'article 8 du projet devaient prêter les légionnaires (1). Néanmoins le scru

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(1) Árticle 8 de la loi :

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Chaque individu admis dans la Légion jurera sur son honneur de se dévouer au service de la République, à la conservation de son territoire dans son inté.

tin montra que ces discours ainsi que ces promesses avaient trouvé beaucoup d'incrédules; le projet passa seulement à une majorité de ceat soixante-six voix contre cent dix. Le résultat du scrutin fut proclamé, le 29, à minuit.

Le matin du même jour, le corps législatif avait approuvé un projet qui ordonnait les travaux nécessaires pour ouvrir le canal de navigation connu sous le nom de canal de l'Ourcq.

Enfin la veille, 28 floréal, il avait voté une loi sur le recrutement de l'armée. Parmi les discours qui furent prononcés à cette occasion, il en est un qui est trop remarquable pour que nous le puissions passer sous silence. Aussi l'insérons-nous ici.

Extrait du discours prononcé par Daru, orateur du tribunat, devant le corps législatif. Séance du 28 floréal an x.

« Citoyens législateurs, depuis dix ans les levées de troupes ont été commandées par les dangers de la patrie; aujourd'hui elles le sont par une sage prévoyance, Ce n'est plus pour repousser l'étranger loin de vos frontières, pour assurer votre indépendance, pour mériter la considération de vos ennemis que vous devez entretenir des armées; c'est pour conserver tous les biens que ces armées vous ont conquis.

› Mais plus les dangers sont éloignés, plus il est nécessaire de justifier, aux yeux d'un peuple qu'on respecte, la nécessité des sacrifices qu'on lui demande. Si la charte constitutionnelle de l'état impose au législateur l'obligation de discuter publiquement les impôts pécuniaires, quelle ne doit pas être la solennité des délibérations sur les charges personnelles?

» J'ai pensé que cette considération servirait d'excuse aux développemens dans lesquels je crois devoir entrer en examinant le projet de loi qui vous est soumis, et qui a pour objet les mesures à prendre pour le recrutement de l'armée.

grité, à la défense de son gouvernement, de ses lois, et des propriétés qu'elles ont consacrées; de combattre, par tous les moyens que la justice, la raison et les lois autorisent, toute entreprise tendant à rétablir le régime féodal, à reproduire les titres et qualités qui en étaient l'attribut; enfin de concourir de tout son pouvoir au maintien de la liberté et de l'égalité. »

» Je diviserai ce travail en deux parties. Dans la première j'examinerai, dans ses motifs et dans ses résultats, le système du recrutement adopté sous la monarchie, pendant la durée de l'assemblée constituante, et pendant la guerre de la liberté.

› Dans la seconde j'examinerai si la contribution personnelle est nécessaire, dans quelle proportion elle est répartie sur la masse de la population; si la loi qui vous est soumise est sagement conçue, si elle est juste; et je finirai par la comparaison du système de la contribution pécuniaire avec celui de la contribution personnelle.

Ire PARTIE,

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Système des milices établi dans presque toute l'Europe.

♦ L'expérience ayant appris à toutes les puissances à entretenir constamment une armée de réserve, le système des milices est admis dans presque toute l'Europe.

» En Russie les miliciens étaient destinés à la garde des frontières; mais depuis 1784 ils ont été fondus dans les troupes réglées, avec cette différence qu'ils n'y servent qu'un certain nombre de jours pendant la paix, et seulement pour s'exercer.

› Ce système a été emprunté du Danemarck, où une ordonnance du 20 juin 1778 l'avait établi.

» En Norwège il y a treize régimens de milices, de mille seize hommes chacun.

› En Suède la force des milices s'élève à trente-cinq mille hommes, dont neuf mille de cavalerie; elles sont organisées en régimens qui restent dans les provinces et sont entretenus par elles.

» En Angleterre la force des milices s'élève à deux cent mille hommes, et les contribuables sont obligés à fournir un fantassin ou un cavalier, selon leur fortune.

> En Espagne, la levée s'opère par le sort, et entretient un corps d'environ trente-six mille hommes,

» En Prusse et en Suisse la milice est une véritable conscription: tout homme en âge de porter les armes est soldat.

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