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public la sûreté qu'on ne peut attendre d'un jugement porté par un seul homme; car tel administrateur qui balance avec impartialité des intérêts collectifs peut se trouver prévenu et passionné quand il s'agit de l'intérêt d'un particulier, et être sollicité par ses affections ou ses haines personnelles à trahir l'intérêt public ou à blesser les droits individuels..

» Sous le régime qui a précédé la révolution une grande partie du contentieux de l'administration était portée devant les tribunaux, qui s'étaient fait un esprit contraire à l'intérêt du trésor public.

› Leur partialité détermina l'assemblée constituante à réunir le contentieux de l'administration avec l'administration elle-même; et comme elle réunit les fonctions administratives à des directoires nombreux, elle crut pouvoir faire de ces corporations des espèces de tribunaux. En effet, la justice pouvait trouver quelque sûreté dans ce système; c'est avec l'administration qu'il était incompatible, parce que les ordres du gouvernement et les lois elles-mêmes rencontraient la délibération là où elles ne devaient trouver qu'empressement à l'action et obéissance.

» Le gouvernement croit avoir pris un juste milieu entre l'ancien système, qui séparait la partie administrative et l'administration comme inconciliables, et le nouveau, qui les cumulait dans les mêmes mains, comme si elles eussent été une seule et même chose.

› L'objet des conseils-généraux de départemens et d'arrondissemens communaux est essentiellement d'assurer l'impartialité de la répartition entre les arrondissemens, villes, bourgs et villages du département, et de concilier la confiance publique à ces opérations, d'où dépend l'équité de l'assiette sur les particuliers.

C'est accessoirement à ce service que le gouvernement propose de leur attribuer l'audition du compte des deniers levés pour les besoins particuliers du département et de l'arrondissement; convaincu que rien, après la modération de l'impôt, ne satisfait autant les citoyens que la certitude du bon emploi des deniers qui en proviennent.

T. XXXVIII.

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Le gouvernement a cru nécessaire de donner aux conseils de département et d'arrondissement la faculté d'exprimer une opinion sur l'état et les besoins des habitans. Il importe à un gouvernement ami de la liberté et de la justice de connaître le vœu public, et surtout de le puiser à sa véritable source, car l'ignorance est à cet égard moins funeste que les méprises. Où peut être cette source, si ce n'est dans des réunions de propriétaires choisis sur toute la surface du territoire entre les notables, dont les listes auront été formées par le concours de tous les citoyens? C'est là sans doute qu'est l'opinion publique, et non dans des pétitions dont on ne connaît ni les auteurs, ni les provocateurs, ni les véritables motifs.

» Dans les conseils de préfecture et dans les conseils généraux le nombre des membres varie suivant les départemens : c'est leur population qui a déterminé les différences. Il paraît convenable que le nombre des juges du contentieux de l'administration, et celui des arbitres de la répartition, qui sont en même temps organes de l'opinion, soient proportionnés aux affaires, aux charges et aux intérêts du pays; or il n'est pas de mesure plus approximative à cet égard que le nombre des habitans.

› Dans les arrondissemens communaux il n'y a point de conseil de sous-préfecture, parce que les sous-préfets n'ont que voix consultative en matière contentieuse.

» L'article 11 porte qu'il n'y aura point de sous-préfet dans les arrondissemens où sera situé le chef-lieu du département. Les raisons de cet article sont :

1° Que partout où réside le préfet c'est à lui qu'il est naturel de s'adresser, et que par cette raison le sous-préfet y est moins considéré qu'il ne devrait l'être;

» 2o Qu'il n'est pas plus difficile au préfet qu'au sous-préfet de se procurer, de toutes les parties de l'arrondissement où il réside, toutes les instructions dont il a besoin, et d'y porter son action;

3o Que, les départemens étant d'une étendue très-bornée, il est très-facile aux préfets d'exercer une administration particu

lière d'arrondissement en même temps qu'ils exerceront leur sur veillance sur les arrondissemens voisins;

› 4o Que ce sera une économie considérable d'épargner le traitement de quatre-vingt-dix-huit sous-préfets, et les dépenses accessoires.

› Le projet de loi n'assigne aux maires et adjoints, en matière • d'administration, que les mêmes fonctions qui étaient subdéléguées aux agens municipaux, et qui par leur nature exigent la présence permanente d'un fonctionnaire public dans chaque ville, bourg ou village. Telle est la répartition sur les contribuables.

» Mais le projet étend leurs fonctions en matière de police. La police municipale et ses accessoires appartenaient ci-devant aux municipalités de canton; l'agent et l'adjoint de la commune n'étaient chargés que de veiller sur les contraventions, et d'en dresser des procès-verbaux. La Constitution, en imposant la réunion de plusieurs cantons en un arrondissement communal, en éloignant par-là l'autorité centrale d'une grande partie des administrés, a ajouté à la nécessité de rendre aux communautés une autorité locale capable de faire observer dans leur territoire la police municipale et la portion de la police rurale qui en est un accessoire.

» Un conseil municipal a paru nécessaire pour faire connaître les intérêts des habitans, assurer leurs droits, et régler les affaires domestiques de la communauté. Il paraît que les plus petites villes seront bientôt forcées de recourir à des octrois pour subvenir à leurs dépenses; or, comme les contributions nationales sont votées en France par les représentans du peuple, il semble en résulter que les contributions locales doivent l'être aussi par une sorte de représentations de famille. Ce principe a été reconnu et observé même sous la monarchie.

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› Les traitemens des préfets, conseillers de préfecture et souspréfets sont réglés sur la population des villes que ces magistrats doivent habiter, parce que ce n'est pas seulement le travail de l'administrateur que l'état doit payer, c'est en outre la représentation que sa place exige. Il est nécessaire qu'un préfet propor

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tionne partout sa dépense à celle des propriétaires aisés du lieu qu'il habite, et à celle des autres officiers civils ou militaires avec lesquels il doit avoir affaire; il est nécessaire que son extérieur annonce ou l'égalité ou la prépondérance de son autorité; il est nécessaire qu'il puisse entretenir avec les personnes considérables que réunit la même cité ces relations de société qui importent plus qu'on n'a voulu le croire depuis dix ans à l'harmonie des pouvoirs collatéraux et à l'accord des administrateurs avec les administrés.

>> Tels sont les motifs des principales dispositions de la loi ; les autres s'expliquent d'elles-mêmes.

› L'examen du projet de loi est d'une urgence extrême : la désorganisation est générale dans l'administration.

› L'analyse du système présenté par le gouvernement est trèsfacile. Ce n'est qu'une nouvelle distribution des anciennes fonctions, et cette distribution est faite suivant les principes de la hiérarchie observée jusqu'à présent, à une seule exception près, celle qui concerne la police municipale.

» Nous avons mis tout notre soin à ce travail, toute notre diligence à sa rédaction. C'est au zèle du tribunat, c'est à la sagesse du corps législatif, à faire le reste. >

Le projet de loi, discuté au tribunat et devant le corps législatif, fut adopté le 28 pluviose an VIII. Presqu'aussitôt, c'est-àdire dans le mois de ventose suivant, le consul, par différens arrêtés, organisa les préfectures de département et la préfecture de police de Paris.

Le 27 ventose suivant, on adopta le complément de cette organisation. Un premier projet présenté pour organiser le tribunal de cassation, après n'avoir passé qu'à une majorité de deux voix au tribunat, avait été rejeté par le corps législatif. Le second projet, qui contenait toute l'organisation judiciaire, fut plus heureux. Il fut, ainsi que nous venons de le dire, adopté, mais cependant après une opposition assez vive. Il créait un tribunal de première instance par arrondissement, un tribunal criminel par département, et vingt-neuf tribunaux d'appel; il rétablissait

les avoués. Ainsi on reconstituait l'un des priviléges que la révolution avait supprimés. On allait au reste disant partout que la révolution était terminée. C'est par cet axiome que Boulay de la Meurthe avait justifié un projet de loi qui fut adopté le 12 ventose. Ce projet déclarait fermée la liste d'émigration, et remettait aux tribunaux à prononcer sur les préventions de ce genre.

Dans les derniers jours de la session dont nous faisons l'his-toire, on décréta le rachat des rentes viagères dont la confisca tion avait réuni les titres à la République. Ce fut enfin dans ces dernières séances que les représentans rejetèrent les lois sur les péages et sur les rentes féodales, dont nous avons déjà parlé.

La session du corps législatif fut terminée le 9 germinal an VIII (30 mars 1800). La dernière séance fut secrète; on y nomma par voie du sort les inspecteurs qui devaient. rester réunis en commission pendant l'absence de l'assemblée. Quant au tribunat, qui, aux termes de la Constitution, pouvait à son choix se conserver en permanence, d'abord il espaça en quelque sorte ses séances; puis il ne se rassembla plus que tous les quinze jours; dans ses rares réunions il s'occupait de faits relatifs à des intérêts particuliers. Il accomplissait en un mot, en ces choses, la fonction de surveillance et de redressement que lui avait confiée la Constitution. Il ne l'étendit pas à des matières plus graves.

Cependant l'habitude que le public avait prise de voir chaque jour les journaux remplis du compte rendu des débats de quelque assemblée ne fut pas complétement rompue. Les relations des séances du conseil d'état succédèrent aux relations de celles du tribunat et du corps législatif; ainsi, peu à peu, les lecteurs des feuilles publiques s'habituèrent à entendre le pouvoir parler plus souvent que la représentation nationale.

Le semblant d'opposition qui s'était manifesté dans les discussions du tribunat et dans quelques votes du corps législatif fut plus utile au gouvernement qu'une soumission complète et passive. Lorsqué le premier consul s'en montra blessé, il ne fit pas preuve du tact et de l'habileté qui lui étaient ordinaires. En effet, ces contradictions étaient sans conséquence; mais elles consti

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