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liberté, qui peut seule le garantir solidement, semblaient enfin prêts à payer dignement tant de généreux efforts!

Mais des hommes séditieux ont attaqué sans cesse avec audace les parties faibles de votre Constitution; ils ont habilement saisi celles qui pouvaient prêter à des commotions nouvelles. Le régime constitutionnel n'a bientôt plus été qu'une suite de révolutions dans tous les sens, dont les différens partis se sont successivement emparé: ceux même qui voulaient le plus sincèrement le maintien de cette Constitution ont été forcés de la violer à chaque instant pour l'empêcher de périr. De cet état d'instabilité du gouvernement est résultée l'instabilité plus grande encore de la législation, et les droits les plus sacrés de l'homme social ont été livrés à tous les caprices des factions et des événe

mens.

» Il est temps de mettre un terme à ces orages; il est temps de donner des garanties solides à la liberté des citoyens, à la souveraineté du peuple, à l'indépendance des pouvoirs constitutionnels, à la République enfin, dont le nom n'a servi que trop souvent à consacrer la violation de tous les principes! Il est temps que la grande nation ait un gouvernement digne d'elle, un gouvernement ferme et sage, qui puisse vous donner une prompte et solide paix, et vous faire jouir d'un bonheur véritable.

› Français, telles sont les vues qui ont dicté les énergiques déterminations du corps législatif.

› Afin d'arriver plus rapidement à la réorganisation définitive et complète de toutes les parties de l'établissement public, un gouvernement provisoire est institué; il est revêtu d'une force suffisante pour faire respecter les lois, pour protéger les citoyens paisibles, pour comprimer tous les conspirateurs et les malveillans.

» Le royalisme ne relèvera point la tête; les traces hideuses du gouvernement révolutionnaire seront effacées; la République et la liberté cesseront d'être de vains noms; une ère nouvelle commence!

› Français, ralliez-vous autour de vos magistrats! Il ne se

ralentira point, le zèle de ceux qui ont osé concevoir pour vous de si belles et de si grandes espérances! C'est maintenant de votre confiance, de votre union, de votre sagesse qu'en dépend tout le succès.

› Soldats de la liberté, vous fermerez l'oreille à toute insinuation perfide; vous poursuivrez le cour de vos victoires; vous achèverez la conquête de la paix, pour revenir bientôt, au milieu de vos frères, jouir de tous les biens que vous leur aurez assurés, et recevoir de la réconnaissance publique les honneurs et les récompenses réservés à vos glorieux travaux!

• Vive la République! »

Ces différentes délibérations avaient été transmises sur-lechamp au conseil des anciens, qui les renvoya presque aussitôt revêtues de son approbation.

En conséquence de la loi qui prescrit l'établissement d'une commission consulaire et de deux commissions législatives, le conseil des cinq-cents, pour composer celle de ces commissions qu'il doit former dans son sein, nomme les représentans :

Cabanis, Boulay de la Meurthe, Chazal, Lucien Bonaparte, Chénier, Creuzé-Latouche, Bérenger, Daunou, Gaudin de la Loire, Jacqueminot, Beauvais, Arnould de la Seine, Mathieu, Thiessé, Villetard, Girod-Pouzol, Gourlay, Casenave, Chollet de la Gironde, Ludot, Devinck-Thierry, Frégeville, Thibaut, Chabaud du Gard, Barra des Ardennes.

Le conseil, avant de se séparer, mande les consuls pour recevoir leur serment. Le président commence le discours de clôture.

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Discours de Lucien Bonaparte,

Représentans du peuple, la liberté française est née dans le Jeu de Paume de Versailles. Depuis l'immortelle séance du Jeu de Paume elle s'est traînée jusqu'à vous en proie tour à tour à l'inconséquence, à la faiblesse, et aux maladies convulsives de l'enfance..

› Elle vient aujourd'hui de prendre la robe virile. Elles sont finies dès aujourd'hui, toutes les convulsions de la liberté! A peine

venez-vous de l'asseoir sur la confiance et l'amour des Français, et déjà le sourire de la paix et de l'abondance brille sur ses lèvres!

› Représentans du peuple, entendez les bénédictions de ce peuple et de ces armées long-temps le jouet des factions intestines, et que leurs cris pénètrent jusqu'au fond de yos âmes! Entendez aussi le cri sublime de la postérité : Si la liberté naquit dans le Jeu de Paume de Versailles, elle fut consolidée dans l'Orangerie de Saint-Cloud; les constituans de 89 furent les pères de la révolution, mais les législateurs de l'an vIII furent les pères et les pacificateurs de la patrie.

Ce cri sublime retentit déjà dans l'Europe: chaque jour il s'accroîtra, et dans sa force universelle il embrassera bientôt les cent bouches de la renommée.

› Vous venez de créer une magistrature extraordinaire et momentanée dont les effets doivent ramener l'ordre et la victoire, seul moyen d'arriver à la paix.

› Auprès de cette magistrature vous avez placé deux commissions pour la seconder, et s'occuper de l'amélioration du système social que tous les voeux réclament.

› Dans trois mois vos consuls et vos commissaires vous rendront compte de leurs opérations: il vont travailler pour le bonheur de leurs contemporains et pour la postérité. Ils son investis de tous les pouvoirs nécessaires pour faire le bien : plus d'actes oppressifs, plus de titres ni de listes de proscription, plus d'immoralité ni de bascule! Liberté, sûreté pour tous les citoyens; garantie pour les gouvernemens étrangers qui voudront faire la paix; et quant à ceux qui voudraient continuer la guerre, s'ils ont été impuissans contre la France désorganisée, livrée à l'épuisement et au pillage, que sera-ce aujourd'hui !

› Qu'il est beau le mandat que vous avez donné aux consuls de la République ! Dans peu le peuple français et vous jugerez s'ils ont su le remplir.

› Je déclare, au nom du corps législatif, que le conseil des cinq cents est ajourné au premier ventôse dans son palais.

› A cette déclaration solennelle la présente session se termine.

Puisse la prochaine s'ouvrir avant trois mois, au milieu d'un peuple heureux, tranquille et pacifié!

Vive la République ! »

Ici l'on entend battre aux champs. Les trois consuls arrivent dans la salle au milieu d'un nombreux cortége; ils s'arrêtent devant le bureau. Le président reprend, debout et découvert :

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Citoyens consuls, le plus grand peuple de la terre vous confie ses destinées : dans trois mois l'opinion vous attend.

» Le bonheur de trente millions d'hommes, la tranquillité intérieure, les besoins des armées, la paix, tel est le mandat qui vous est donné. Il faut sans doute du courage et du dévouement pour se charger d'aussi importantes fonctions; mais la confiance du peuple et des guerriers vous environne, et le corps législatif sait que vos âmes sont tout entières à la patrie.

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Citoyens consuls, nous venons, avant de nous ajourner, de prêter le serment que vous allez répéter au milieu de nous, le serment sacré de fidélité inviolable à la souveraineté du peuple, › à la République française une et indivisible, à l'égalité, à la > liberté et au système représentatif. ›

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Les trois consuls répètent ce serment. Le président lève la séance, et le conseil se sépare aux cris de vive la République !

CONSEIL DES ANCIENS. Seconde séance du 19 brumaire an vi, tenue dans la grande galerie du château de Saint-Cloud.Présidence de LEMERCIER.

Le conseil est réuni à neuf heures du soir; en attendant une communication des cinq-cents, il reprend l'ordre du jour interrompu à Paris : il délibère sur des objets d'administration et de finance.

Bientôt après il reçoit et approuve sans discussion la résolution qui déclare que le général Bonaparte, les officiers supérieurs qui l'accompagnent, et toutes les troupes, ont bien mérité de la patrie.

Le conseil reçoit ensuite, avec le projet d'adresse au peuple,

la résolution qui nomme trois consuls, établit deux commissions législatives, ajourne le corps législatif, etc.

Aux voix, aux voix, s'écrie un grand nombre de membres. Guyomard. Tous les membres désignés pour le consulat ont ma confiance; j'ai donné mon suffrage à deux d'entre eux, Mais, et en public et en comité général, j'ai déclaré que je ne voterais pour aucune mesure qui porterait atteinte à la Constitution. Je respecterai la décision de la majorité; mais je lui dois l'expression franche de toute ma pensée.

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› L'ajournement qu'on propose ne blesse pas la Constitution mais elle défend impérieusement, article 45, que le corps législatif délégue tout ou partie de ses pouvoirs; or elle serait violée par l'établissement des commissions intermédiaires."

-

> Je vote contre la résolution. » - ( Aux voix, aux voix. Lemoyne-Desforges. Je n'entends pas embrasser la défense des membres que la résolution écarte du corps législatif; mais je demande qu'ils soient entendus. ›

Les cris aux voix recommencent; ils sont poussés avec force, avec impatience même. Le président met aux voix la résolution, et le conseil l'approuve. En conséquence, est rapporté le décret rendu dans la première séance du même jour, sur la proposition de Cornudet. (Voyez plus haut, page 199.)

On procède immédiatement à la nomination de la commission législative intermédiaire. Les représentans désignés pour la composer sont :

Lebrun, Garat, Rousseau, Vimar, Crétet, Lemercier, Régnier, Cornudet, Porcher, Vernier, Lenoir-Laroche, Cornet, Goupil-Préfeln, Sédillez, Laloi, Fargues, Péré des HautesPyrénées, Depeyre, Laussat, Chassiron, Perrin des Voges, Caillemer, Chatry-Lafosse, Herwyn, Beaupuy.

Les trois consuls sont introduits; ils prêtent le serment de fidélité à la République une et indivisible, à la liberté, à l'égalité et au système représentatif. Le président leur adresse ensuite ces paroles :

Citoyens consuls, le conseil des anciens voit en vous les plus

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