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des présens en argent, denrées et effets, quand même il ne les aurait pas exigés, sera puni des peines portées en l'art. 3;

6° Que tout citoyen qui aura sollicité, donné, offert de l'argent, etc., sera puni d'une amende qui ne pourra être moindre que 150 fr., et d'un emprisonnement d'un mois au moins et de six mois au plus ;

7° Que par la présente il n'est dérogé en rien aux peines que le code des délits et des peines prononce contre les voleurs des deniers publics. - Impression et ajournement.

Que l'on juge de l'effet public de pareilles dénonciations. L'excès des impôts, la création des droits sur les sels, avaient donc pour résultat dernier de combler un déficit dont l'origine était la dilapidation.

Les finances ne formaient pas, pendant ces premiers mois, la seule occupation de l'assemblée. On y entendait retentir des plaintes sur les assassinats qui se commettaient encore dans le midi, et l'on décrétait à ce sujet des messages au directoire. Celui-ci, malgré l'espèce de dictature dont il était environné, paraissait donc aussi incapable d'administrer que de calculer? Le général Jourdan faisait un rapport sur la conscription militaire. D'après son projet, elle comprenait tous les Français en état de porter les armes depuis l'âge de vingt ans accomplis jusqu'à celui de vingt-cinq révolus. On calculait qu'elle ne mettrait pas moins d'un million d'hommes à la disposition du pouvoir. Cette masse était divisée en cinq classes; on devait en faire la répartition entre les corps de l'armée, de manière seulement à les maintenir au complet fixé ; et, après cinq ans de service, tes soldats devaient être remplacés par les conscrits entrant dans la première classe.

- Ce projet fixa l'attention de l'assemblée pendant plusieurs séances. Le dernier article fut adopté le 4 fructidor, mais la discussion donna lieu à de singulières révélations. Briot déclara à la tribune que dans un espace de temps assez court, du 1er pluviose au fer ventose an v on avait délivré plus de quarante mille congés; il demanda en conséquence que les congés accordés fussent soumis à une révision. Le ministre de la guerre, Scherer, inculpé, se

hâta de répondre, par la voie des journaux, que dans le même temps on en avait délivré seulement douze mille cinq cent soixantedix-neuf. Mais l'accusation resta, et, quoi qu'elle ne frappât pas Scherer lui-même, puisqu'il n'était pas encore ministre à l'époque fixée, elle n'en tombait pas moins sur l'administration.

Le conseil des cinq-cents prit encore l'initiative dans une affaire d'administration intérieure, beaucoup moins importante en apparence, mais qui intéressait vivement les habitudes nationales. Malgré le nouveau calendrier, le peuple suivait toujours l'ancien; il fêtait toujours le dimanche, et le culte catholique qui avait encore lieu dans beaucoup d'églises le maintenait dans cet antique usage. Les zélés reformateurs républicains voyaient ces choses avec peine; ils voulurent donner force et vigueur au calendrier républicain; ils proposèrent diverses mesures coërcitives à ce sujet; ils voulaient empêcher tout travail les décadis. Ils éprouvèrent une forte résistance; on leur opposa la liberté, le droit de chacun; Lucien Bonaparte leur montra qu'ils étaient intolérans et plus despotes que les successeurs même de Mahomet. La proposition n'eut pas de suites. Elle fut ajournée.

Cependant dans les questions secondaires d'administration où il y avait lieu à opposition celle-ci n'obtenait pas toujours la majorité. Il est remarquable même qu'elle la réunissait ou l'emportait seulement dans les cas où elle pouvait arguer de l'immoralité du pouvoir exécutif. Ainsi, le 8 fructidor, Berlier, rapporteur d'une commission chargée de présenter un projet sur les délits de la presse, vint proposer de déclarer que l'attribution accordée par la loi du 19 fructidor au ministre de la police sur les journalistes et les feuilles publiques cesserait dans trois mois. En ce moment, en effet, il n'existait plus en réalité de liberté de la presse. La crainte de subir une suppression semblable à celles que le directoire avait prononcées avait produit sur les feuilles publiques un effet pareil à celui de la censure. On se bornait à donner les séances du corps législatif, et à quelques nouvelles ; encore, dans ce genre de narrations, on n'osait pas tout dire. On se gardait de faire mention des choses qui pouvaient déplaire

trop fortement au directoire. Quant aux opinions, on les gardait pour soi. Berlier fut vivement soutenu, particulièrement par Lucien Bonaparte; cependant il vit sa proposition repoussée, c'està-dire le délai étendu à une année. Mais quelques jours après, il en fut tout autrement sur un sujet oifil s'agissait de manifester sa confiance au directoire. Le 29 fructidor, un rapporteur, présentant un projet pour la création d'un octroi à Paris, vit son projet adopté tout entier, sauf une seule disposition, celle qui confiait au directoire la nomination des employés. Le conseil . donna le soin de cette élection aux administrateurs du départe-· ment. Les motifs de cette mesure furent assez clairement énoncés; on craignait que le directoire ne fit de mauvais choix, mais cette dernière disposition fut rejetée par le conseil des anciens.

Telles étaient les tendances que manifestaient les conseils à la fin de l'an sixième de la République. Quelques velléités de rendre à la législature la prépondérance et la dignité qui lui appartenaient, une assez grande confiance dans le directoire quant à son habileté dans les affaires de politique générale soit à l'intérieur, soit à l'extérieur; au contraire une méfiance complète à son égard, ainsi que pour les agens dans les affaires de moralité et d'argent, tels sont les sentimens dont les séances des conseils donnent la preuve. Les députés n'étaient en ces choses que l'écho très-modéré de l'opinion publique; on était révolté à la vue du spectacle que présentaient alors ceux qui pouvaient s'appeler la haute classe, c'est-à-dire les riches de cette époque; la plupart étaient des hommes qui avaient fait leur fortune par les voies les plus honteuses, en spéculant sur les biens nationaux," sur les assignats, sur les fournitures, par mille mauvais moyens la société réprouve en tout temps et que pratiquent seulement ceux qui n'ont ni probité ni honneur, ceux que rien ne fait rougir. Ces hommes apportèrent dans l'usage de leurs richesses le caractère même qui les leur avait fait acquérir. Ils furent sans moralité et sans pudeur, tellement sales, tellement grossiers, que le nom de la période où ils ont brillé a été sans pareil dans l'histoire moderne. L'orgie fut à l'ordre du jour parmi ces gens; ils

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T. XXXVIII.

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prirent de l'ancien régime tout ce qu'il avait eu de ridicule ou de corrompu, et ils y ajoutèrent; ils réunirent à la mode, outre le parler des anciens marquis, les bals, les mascarades, les jours gras et jusqu'à la promenade de Longchamps. Les femmes, qui imitent toujours et qui exagèrent tout, les femmes furent sans pudeur comme eux; elles se costumèrent comme les filles de Sparte; elles allaient dans les salons à peine couvertes dune seule robe de gaze; mais elles n'osaient se montrer ainsi parées en plein jour et dans les lieux publics; quelques-unes cependant le tentèrent, mais elles en furent chassées. Ce délire d'impudeur fut si. général qu'il donna lieu à degraves mémoires de la part des médecins. Ne pouvant les convaincre par la morale, on essaya de les effrayer sur les intérêts de leur santé, mais ce fut sans résultats. Ces mœurs détestables ne disparurent qu'avec le règne des thermidoriens (1).

(1) Voici une chanson de la fin de l'an vi, que nos lecteurs nons permettront de citer parmi plusieurs autres; elle s'appelait L▲ SANS-GINE, chanson nouvelle sur un air ancien.

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Le directoire n'était pas étranger à ces mœurs; c'étaient ses amis et ses affidés qui s'en montraient les plus éhontés zélateurs; c'était de ses salons que sortaient ces modes nouvelles qui faisaient rongir la France, et ce parler ridicule qui souillait notre belle langue. Malgré toutes ces infamies, on supportait les directeurs pour la valeur et même pour l'habileté politique que l'on leur attribuait.et dont rien encore n'avait démontré la vanité; on leur pardonnait le mal en faveur du bien dont on les croyait, jusqu'à un certain point, les auteurs: la monnaie avait reparu, le commerce reprenait, les moissons étaient abondantes, la paix paraissait assurée sur le continent, l'influence de la République y était souveraine. On attribuait au pouvoir présent ce qui était le fruit des efforts passés; et l'on n'osait pas encore supposer que les chefs de l'état fussent complétement étrangers à la prospérité qui commençait à naître. On ne pouvait penser que ces hommes gaspillaient en ce moment même les avantages de la plus belle situation politique, comme ils avaient gaspillé les 1chesses publiques.

Les événemens de l'an vir mirent à nu l'imprévoyance et la maladresse du directoire. Nous avons déjà parlé de l'insurrection qu'il avait suscitée en Suisse, de l'invasion qui s'en était suivie, et de la constitution impolitique qu'il avait imposée aux treize cantons. Il en résulta qu'il fat obligé d'occuper ce pays et d'y employer une armée. Il ne fit rien pour attirer à la France les sympathies des populations opposantes; or, celles-ci étaient les plus nombreuses. Loin d'agir dans le but de se les attacher, il montra un esprit de rapine et de brutalité qui les aliéna de plus en plus; il chargea le pays d'impôts et de réquisitions. Rapinat, son principal agent en ce genre d'affaires, et ses accolytes, se conduisirent selon l'esprit de concussion et de violence qui animait partout les employés du directoire. Il ne laissa pas non plus en repos les républiques confédérées; il fit un 18 fructidor en Hol-* lande, et il venait d'en donner une troisième représentation à Milan. Lucien Bonaparte attaqua sa conduite dans cette dernière affaire dans le conseil des cinq-cents; mais ses observations n'eu

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