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crétaire a donné les ordres d'imprimer cet avis, je demande pour

quoi il n'en a demandé que cinq cents exemplaires, car le conseil pouvait être convoqué plus d'une fois...

Réponse. Par des raisons d'économie. >

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Un membre. Puisqu'il y a un mois que le secrétaire était averti de prendre ses précautions, je demande pourquoi il a dif*féré l'impression jusqu'au 7 vendémiaire? »

Rép. « Je l'ai fait sans calcul ni combinaison. › - Le même membre. Je demande à Beaupré qu'il nomme l'inspecteur avec lequel il dit avoir eu une conversation? » — Rép. « Lucien Bonaparte.

Crochon, Si Lucien Bonaparte était à la séance, il pourrait donner au conseil des explications. Je vais y suppléer. Le secrétaire n'a pas dit que Lucien Bonaparte lui eût donné l'ordre de convoquer extraordinairement le conseil, mais seulement qu'il lui avait fait cette question: Dans le cas d'une séance extraordi> naire, quel moyen auriez-vous de convoquer le conseil? Or, je me rappelle que, lors de la discussion de l'emprunt forcé, il fut question de proroger la séance, et de se réunir à 6 heures du soir. Il était donc bien naturel que Lucien Bonaparte demandât au secrétaire-général les moyens qu'il avait de convoquer le conseil. ›

Vezin. Je me rappelle parfaitement que cette question fut faite à l'époque où l'on dépouillait le scrutin pour la mise en accusation des ex-membres du directoire. Chacun sait que pendant le dépouillement, l'on s'aperçut qu'il y avait dans l'urne des billets blancs et rouges; et comme cette question était embarrassante, et que les membres du conseil étaient presque tous absens, on proposa de le convoquer extraordinairement. Ce fut moi-même qui en fis la proposition à la tribune. Je me rappelle le fait parfaitement. >

Bérenger, et Quirot, qui était président à cette époque, rendent hommage au dire de Vezin.

Un membre demande si les anciens ont fait imprimer de pareils avis.

Beaupré répond que oui, et que même il s'est concerté pour

cela avec le secrétaire-général de la commission des inspecteurs du conseil des anciens.

Labrouste. « Je demande à quelle époque vous avez eu cette conférence? » Rép. « Il y a environ deux décades. > Grandmaison. Le modèle de convocation qui était entre les mains du secrétaire-général des inspecteurs des anciens était-il manuscrit ou imprimé? » — Rép. « Imprimé. ›

Grandmaison. Je demande si quelqu'un des membres du conseil des cinq-cents vous a donné l'ordre de faire cette impression? › - Rép. ‹ Non.

Beaupré se retire, et Baudouin paraît à son tour à la barre; il exhibe la minute de l'ordre signé Beaupré, en vertu duquel il a imprimé l'avis dont il s'agit; puis il s'exprime ainsi :

« Ce matin, le citoyen Grandmaison est venu me demander si le conseil des anciens avait fait imprimer de pareils billets de convocation. Je lui ai répondu que non; c'était une erreur de ma part. Le fait est que, depuis l'an iv de la Constitution, le conseil est dans l'usage de faire imprimer de pareils billets, et c'est même sur la forme encore existante des billets des anciens que l'on a tiré ceux des cinq-cents; on n'a fait que substituer au mot anciens celui de cinq-cents. Il y a plus, la totalité des lettres de convocation des anciens est encore déposée dans la commission des inspecteurs de ce conseil avec les adresses. >>

Soulhier. Les questions qui ont été faites par divers membres du conseil prouvent l'inquiétude que l'impression de ces lettres de convocation avait jetée dans les esprits, surtout dans les circonstances où nous nous trouvons; mais les réponses qui ont été faites prouvent également que ces inquiétudes sont dénuées de fondement. Je demande l'ordre du jour sur cet incident. Mais il est question de savoir s'il appartient à la commission des inspecteurs de convoquer extraordinairement... › — De violens murmures couvrent la voix de l'orateur; on lui crie: Mais elle n'a point fait de convocation, c'est au président seul à les faire; le réglement y est formel. - L'orateur reprend: «Dans ce cas-là je retire la motion que j'allais faire. Je demande seulement que

tous les billets soient déchirés en présence du conseil et à la tribune. (Murmures.)

Le conseil rejette cette proposition par l'ordre du jour.

Blin. Je sens que la mesure proposée par le préopinant serait violente; mais la commission des inspecteurs doit se tenir pour dit qu'il lui est essentiellement défendu de faire de pareilles convocations. >>

On réclame l'ordre du jour sur le tout. — Adopté.

-La révélation de Destrem prouve que l'on s'attendait à quelque tentative de la part du directoire; elle prouve que celui-ci avait pensé à faire une journée longtemps avant le 18 brumaire, longtemps avant l'arrivée de Bonaparte. Mais son projet rencontrait un obstacle difficile à surmonter; il n'avait pas alors sous la main de général d'une réputation assez imposante pour dominer l'opinion publique et celle de l'armée, de manière à lui assurer définitivement la victoire. Il ne pouvait se confier ni à Bernadotte, ni à Jourdan, ni même à Augereau, qui étaient tous plus ou moins attachés aux républicains. Est-ce dans l'espérance de trouver un homme qui lui fût dévoué qu'il appela Moreau à Paris dans les derniers jours de vendémiaire? C'est une question sur laquelle nous ne pouvons rien affirmer. Le fait est cependant probable; il explique la haine persévérante de Bonaparte contre ce général, le singulier rôle qu'il joua le 18 brumaire, etc. Aussi quelques historiens, et entre autres Jomini, répondent affirmativement à cette question que nous avons posée. Mais Moreau était un homme trop peu décidé pour se charger de la responsabilité d'un coup d'état.

Quoi qu'il en soit, les événemens se chargeaient de fortifier le directoire, de justifier l'opposition du conseil des anciens aux mesures dernièrement proposées par les anciens. On apprenait les victoires de Brune sur les Anglais; Masséna battait les AustroRusses à Zurich; Souwarow lui-même perdait en Suisse la plus grande partie de son armée. L'armée d'Italie se fortifiait et allait reprendre l'offensive. La victoire, en un mot, revenait sous nos drapeaux avant même que la conscription eût achevé de remplir

les cadres de notre armée; avant que les nombreux bataillons nouvellement formés fussent entrés en ligne. Ainsi on avait l'espérance que la victoire nous serait pour long-temps fidèle ; car les forces de l'ennemi diminuaient au fur et à mesure que les nôtres augmentaient. Le 18 vendémiaire, les cinq-cents déclarèrent que les armées d'Helvétie, de Batavie et d'Orient avaient. bien mérité de la patrie. Cette résolution fut aussitôt approuvée par les anciens.

Par suite, le conseil des cinq-cents n'eut plus d'autre élément d'activité que les faits d'administration intérieure, et le directoire se hâta de l'attaquer sur la question même la plus difficile de cette administration, sur les finances; il lui adressa, le 21 vendémiaire, un message dans lequel on lisait textuellement ces mots : Vous avez tout fait pour l'ordre et l'économie, mais vous n'avez rien fait encore pour établir le niveau entre la dépense et la recette, et pour assurer le service de l'an vii. »C'était une accusation des plus mal fondées, car le conseil s'était incessamment occupé de créer des ressources financières, et il avait à cet égard usé de son initiative avec non moins d'ardeur que dans les affaires de défense générale. Cependant cette accusation porta coup dans l'opinion publique; elle fit d'autant plus d'effet que cette phrase était suivie de cette autre: Sans cet équilibre, le gouvernement ne peut faire face à ses engagemens, les transactions reprendre leur cours, et les citoyens seront toujours dans la crainte de voir. se renouveler les mesures extraordinaires. » Le directoire ensuite énumérait ainsi le déficit : « Le produit des contributions directes n'avait été que de 250 millions au lieu de 270; la régie de l'enregistrement et des domaines n'avait donné que 190 millions au lieu de 205; les douanes n'avaient produit que 8,800,000 fr. ; la poste aux lettres, que 8 millions; la loterie, que 7 millions; la ferme des salines, que 5 millions; des 125 millions de biens nationaux mis à la disposition du directoire pour l'extraordinaire de la guerre, il n'en avait été vendu que 38 millions. Ainsi la totalité des recettes n'avait été que de 475 millions: la dépense ayant été de 726 millions, le déficit était de 251 millions; il est

vrai qu'il fallait ajouter aux recettes le produit de la taxe des portes et fenêtres et celui de l'emprunt forcé, qui n'étaient pas encore rentrés, ce qui réduirait le déficit à 150 millions. Ce message perfide fut renvoyé à la commission des finances, sans observation.

Cependant on annonçait les succès de Bonaparte en Égypte et en Syrie. On remplissait les journaux des détails des victoires de l'armée d'Orient et des proclamations du général en chef. Le 22 vendémiaire, on apprit que Bonaparte avait débarqué à Fréjus le 16 (8 octobre 1799). Voici comment était rédigée la lettre qui donnait cette nouvelle au Journal de Paris:

Aux auteurs du Journal,

< Citoyens! Vive la République! Bonaparte et Berthier sont débarqués à Fréjus! »

Le nom de ce général était tellement populaire, que la presse recueillit les plus petites circonstances de son arrivée. A peine débarqué, il se mit en route pour Paris. La ville de Lyon fut illuminée pour le recevoir; on composa une petite pièce de circonstance intitulée le Héros de retour. On invita Bonaparte à se rendre au spectacle; il y fut salué par les applaudissemens et les bravos du public. Cependant le directoire ignorait de quel œil les cinq-cents verraient ce retour inexplicable. Quelques journaux avaient déjà marqué un étonnement de mauvais augure. Les faiseurs de nouvelles débitaient que Berthier amenait Bonaparte prisonnier. Quelques jours après le directoire fit apposer les scellés sur les presses et les bureaux des journalistes imprudens, mais il ne pouvait imposer ainsi le silence à la tribune. Déjà, dans le sein même du directoire, Moulins avait demandé que l'on punît un général qui avait abandonné son armée sans ordre de l'autorité supérieure; il voulait qu'il fût arrêté sur-lechamp et traduit devant un conseil de guerre; Gohier semblait disposé à appuyer cet avis; Siéyès répondit qu'il ne fallait pas être plus sévère que la France, qu'une mesure aussi violente pourrait leur nuire dans l'opinion publique. Il proposa de s'en

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