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blée législative, en proclamant les dangers de la patrie, a été le renversement de la Constitution de 1791. Je sais bien que ce n'était pas le but de la masse de l'assemblée, mais c'était celui des fondateurs de la République. » L'orateur cite, à l'appui de son assertion, un passage du discours de Vergniaud. - Lamarque s'écrie: Je demande la parole pour un fait. - Boulay continu e.

. Mais j'accorde à Lamarque que les intentions des amis de la liberté n'étaient pas de renverser la Constitution de 1791. Du moins ils ne peuvent disconvenir qu'après la mesure prise, on s'empara du pouvoir exécutif; le 10 août arriva : ainsi les effets de cette mesure ont été plus loin que l'on ne voulait. Eh bien! craignez que ce qui est arrivé alors ne se reproduise aujourd'hui; craignez d'être poussés au-delà du but que vous avez en vue. Songez à la situation actuelle des esprits, et craignez que si vous mettez en mouvement cette force révolutionnaire, elle ne tourne contre la République, comme en 92, elle tourna contre la monarchie. Je vote pour la question préalable.

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Lamarque. Il est un fait de la plus haute importance, et sur lequel il est nécessaire de fixer l'attention du conseil, parce qu'il peut influer sur notre délibération. Boulay vient de répéter à la tribune ce qu'il avait déjà dit hier, que le but de l'assemblée législative, en proclamant les dangers de la patrie, avait été de renverser le trône. On nous rend beaucoup plus méchans que nous ne le fûmes. Nous n'avions nulle intention de renverser la Constitution de 91. (Murmures. Agitation.) Si la déclaration de la patrie en danger, proclamée en 92, et sollicitée par les plus sages, les plus énergiques, les plus purs amis de la liberté, avait eu pour motif de détruire le gouvernement établi, quel qu'en eût été le résultat, nous eussions été coupables.... (Auguis s'écrie: Eh bien! je suis coupable.) »

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a Lorsque l'assemblée législative, entourée de conspirations, menacée par une guerre étrangère, vit qu'elle ne pouvait obtenir l'état des bataillons à opposer à l'ennemi, elle crut devoir prendre cette mesure extraordinaire. Le roi était si peu attaqué

T. XXXVIII.

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personnellement à cette époque, que le 7 juillet il se rendit à la séance, et vint y protester de son attachement à la Constitution. Il est bien vrai que nous n'y crûmes pas. (Murmures.) Le but du décret qui déclarait la patrie en danger fut de relever l'esprit public; mais il ne faut pas confondre cette mesure avec le 10 août, qui arriva un mois après. Alors, quand nous vîmes que la cour s'entourait d'une force armée choisie, et qu'elle se disposait à l'attaque, nous pensâmes que nous étions trahis et menacés; mais Vergniaud avait si peu l'intention que le préopinant lui a supposée, qu'il n'était point déterminé à consentir au 10 août. Il y a donné ensuite son assentiment, et cependant ses intentions étaient pures. »

On procède à l'appel nominal. En voici le résultat. Il y avait 416 votans: 171 ont voté pour la déclaration du danger de la patre, et 245 contre. Le projet du général Jourdan est en consé quence rejeté. (Journal de Paris.)

- Ces séances excitèrent assez vivement l'attention de la capitale. Des rassemblemens nombreux se formèrent autour du palais des cinq-cents. (C'était l'ancien Palais-Bourbon, local actuel de la chambre des députés.) La police essaya vainement de les dissiper à l'aide de la force armée ; il est vrai que celle-ci agissait mollement. Les députés qui avaient parlé contre la déclaration, et les directoriaux, furent insultés en sortant de l'assemblée ; le résultat de la délibération fut accueilli par de vives clameurs de mécontentement.

Le lendemain 29, le directoire annonça, par un message, qu'il avait saisi, à Paris, quelques milliers d'exemplaires d'une proclamation royaliste. Il demandait l'autorisation d'en envoyer les auteurs devant une commission militaire; mais, pendant qu'il faisait ainsi preuve de zèle, il accomplissait un acte public qui augmenta, s'il était possible, le mécontentement du parti républicain il destituait le ministre de la guerre Bernadotte, le seul homme qui eût mérité l'estime du parti national, celui auquel on attribuait, avec raison, l'activité et la vigueur qui régnaient dans Tadministration militaire. Il n'y avait aucun motif pour écarter ce

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général dont les services, comme ministre, étaient aussi évidens que réels, et dont la présence avait réussi à relever le moral des conscrits et le zèle des administrateurs. Le gouvernement montrait trop clairement en cela l'esprit de tracasserie et de parti qui l'animait. Bernadotte fut en effet destitué comme républicain. Le directoire chercha cependant à dissimuler ses véritables motifs sous une apparence. Dans l'arrêté qui ôtait le ministère à Bernadotte et le donnait au général Milet-Mureau, il disait que le premier avait donné sa démission pour raison de santé, et il ne donnait au second que le titre de ministre provisoire; mais Bernadotte s'empressa d'écrire dans tous les journaux qu'il n'avait point donné sa démission, et qu'il était bien positivement destitué. Le secrétaire-général du ministère de la guerre, Rousselin, suivit le sort du ministre : il fut également destitué. Moulins et Gohier se plaignirent vivement qu'on eût pris cette mesure. Quel en fut le motif immédiat? Quelques historiens disent que l'on craignait que Bernadotte ne se mît à la tête des troupes, et ne fît un 30 prairial en faveur de la minorité républicaine.

la

La guerre était évidemment déclarée entre la majorité du directoire et la minorité des cinq-cents. Le 2 vendémiaire, celle-ci arracha au conseil une résolution rédigée en ces termes : « Sont › déclarés traîtres à la patrie, et seront punis de mort, tous négociateurs, généraux, ministres, directeurs, représentans du peu› ple et tous autres citoyens français qui pourraient accepter, › proposer et appuyer des conditions de paix, tendant à modifier › en tout ou en partie la Constitution, ou à altérer l'intégralité de › la République, soit les parties qui ont été déterminées par › Constitution, soit celles qui ont été réunies par les lois. Cette déclaration annonçait une profonde défiance à l'égard du gouvernement; on craignait qu'il ne méditât un coup d'état contre la minorité, un 18 fructidor contre les républicains. Le conseil des anciens la rejeta. Il en fut de même d'une autre résolution qui ordonnait que le directoire ferait, tous les dix jours, au corps législatif, un rapport sur la situation intérieure et extérieure de la République; le conseil des anciens la rejeta encore. Il se montrait

ainsi à toute occasion l'appui déterminé de la majorité du pouvoir exécutif. Voici, au reste, une preuve que les soupçons qu'inspiraient aux républicains la résistance du conseil des anciens, la destitution de Bernadotte, et plus encore quelques démarches de Siéyès, n'étaient pas dépourvus de fondement.

CONSEIL DES CINQ-CENTS. Séance du 9 vendémiaire an vIII (1er octobre 1799).

Destrem, par motion d'ordre. « Je fus instruit hier au soir que l'imprimeur Baudouin avait imprimé un avis pour les représentans du peuple, conçu en ces termes. « Paris, le..... Vous êtes in›vité à vous rendre dans la salle du conseil des cinq-cents, pour ⚫y assister à la séance extraordinaire qui aura lieu à............. heure........... > le..... de l'an..... »

» Je me suis assuré que les exemplaires de cet avis ont été portés au bureau de nos distributions. Je ne veux point jeter de soupçon sur personne; mais il est essentiel de rechercher la source d'où est venu l'ordre d'imprimer cette pièce, car nul n'a le droit de convoquer une séance générale du conseil. >>

Vezin, l'un des inspecteurs. « Il ne nous appartient pas de rendre aucun compte, jusqu'à ce que le conseil ait entendu tous ceux qui sont dans le cas de lui donner des renseignemens sur cette affaire ; je me contente de lui dire que deux mots suffisent pour l'éclaircir. ›

Destrem. « Puisqu'il ne faut que deux mots, que mon collègue les dise. Je l'invite à s'expliquer; si j'en savais plus, je le dirais.»>

Vezin. Les membres de la commission sont tombés des nues à la vue d'un avis portant convocation d'une séance extraordinaire du conseil ; ils n'avaient donné aucun ordre pour cela. Le commis du bureau de distribution a dit : Ce paquet m'a été remis. Baudouin, interrogé, a répondu : Ceci est bien simple: c'est un billet que j'ai reçu ordre d'imprimer, pour s'en servir dans le cas où il serait nécessaire de convoquer extraordinairement les membres des deux conseils. Quant à moi, je déclare que c'est un rêve pour moi; je n'y entends rien. Si les membres du conseil

croient y voir de la malveillance, qu'ils tirent la chose au clair.>

Grandmaison. « Ceux qui, comme moi, connaissent la loyauté .et la franchise de mon collègue Vezin, sont bien convaincus que, s'il savait autre chose, il en eût instruit le conseil. Quant à moi, voici ce que j'en sais. Je me suis rendu chez Baudouin; je lui ai demandé par quel ordre il avait imprimé cet avis; il m'a exhibé un ordre signé Beaupré, secrétaire-général de la commission des inspecteurs du conseil des cinq-cents, en date du 7 vendémiaire an viii. J'ai demandé à Baudouin si c'était la première fois qu'il avait imprimé de pareils avis; il m'a répondu : Oui. »

Plusieurs voix. ‹ Mandez Beaupré à la barre. ›

Barthélemy, membre de la commission des inspecteurs, déclare que Beaupré a commandé cette impression sans y avoir été autorisé par la commission ; que celle-ci l'a mandé et lui en a fait des reproches : 1° à cause des inquiétudes que cette mesure pouvait inspirer ;.2o à cause de l'économie; qu'enfin elle a mandé Baudouin, et que celui-ci a répondu : Déjà une mesure pareille a été prise par le conseil des anciens. Ainsi, conclut l'opinant, comme il y a contradiction entre la déclaration faite à Grandmaison par Baudouin, et celle qu'il a faite à la commission, je demande qu'il soit aussi mandé à la barre. ›

Le conseil arrête que Beaupré et Baudouin seront mandés à la barre. Ils y paraissent.

Beaupré, interrogé par le président, fait une réponse dont voici le précis. «<ll fut question, il y a un mois environ, d'une séance extraordinaire du conseil. Un des inspecteurs me demanda si, ce cas arrivant, j'étais en mesure de convoquer sur-le-champ les membres du conseil ; c'est pour être en état de le faire, promptement, que j'ai donné l'ordre à Baudouin d'imprimer l'avis dont il s'agit, au nombre de cinq cents exemplaires. Si les feuilles ont été portées au bureau de distribution, c'est une erreur dá porteur. Au reste, c'était une simple précaution que je prenais dans le cas qu'il y aurait une séance extraordinaire. >>

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Bergasse-Laziroulles, « Si c'est par pure précaution que le se

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