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corps, acharnés à la destruction de l'ennemi, ne désespérant jamais de la victoire malgré la disparité des forces, toujours disposés à reprendre l'offensive, même après un échec; reculant, mais sans se rompre et sans renoncer à attaquer le lendemain, et défendant ainsi le terrain pied à pied; enfin causant dans les rangs de leurs adversaires de tels vides qu'ils finirent par rétablir la proportion du nombre. La bataille de Novi est, sous ce rapport, un des beaux faits d'armes de la campagne.

Le nouveau directoire avait nommé Joubert général en chef de l'armée d'Italie, en remplacement, de Moreau qui, depuis la démission de Schérer, en remplissait les fonctions sans en avoir le titre. On destinait Moreau à un commandement sur le Rhin. Cependant il resta avec Joubert qui en arrivant lui avait demandé l'appui de son expérience. Ce dernier était à peine arrivé qu'il prépara et bientôt opéra un mouvement offensif dans le but de secourir Mantoue dont il ignorait la reddition. Les Austro-Russes commandés par Souwarow furent d'abord refoulés; mais ils se formèrent en masse. Les deux armées se rencontrèrent, le 15 août 1799 (28 thermidor), à Novi. Les Français, selon Jomini, mirent en action trente-deux mille huit cent quarante-trois hommés d'infanterie et onze régimens de cavalerie formant deux mille quatre-vingt-sept hommes; en tout, moins de trente-cinq mille hommes. (Voyez l'ordre de bataille de l'armée française, t. 15, p. 98.) Les Austro-Russes mirent en action plus de soixante-dix mille hommes: tel est le calcul des officiers généraux les plus exacts dans leurs appréciations. Jomini, qui ne peut s'empêcher d'être quelque peu favorable aux Russes, dissimule en quelque sorte en donnant le nombre des bataillons et des escadrons. Or, si l'on compte, en donnant à ceux-ci, même le moindre effectif, on trouve que les Austro-Russes réunis à Novi formaient un total qui dépasse soixante-dix mille hommes.

La bataille commença à cinq heures du matin. Pour la première fois les Français se laissèrent attaquer. Joubert fut tué au commencement de l'action dans les rangs de ses tirailleurs. Il laissa le commandement à Moreau. Les Autrichiens attaquèrent la

droite, et les Russes, le centre, avec une ténacité extraordinaire; ils avaient déjà renouvelé leurs attaques plus de dix fois à deux heures après midi. Ils furent constamment repoussés par une fusillade et des charges meurtrières à la baïonnette. La valeur tranquille des Français, dit Jomini, triompha pendant quatre heures du courage opiniâtre des Russes. Vers deux heures, les Austro-Russes, affaiblis et fatigués, interrompirent leurs attaques; mais vers trois heures ils se précipitèrent de nouveau sur toute la ligne ; ils essuyèrent un nouvel échec, et furent vivement raménés. Enfin, à cinq heures, les Français, restés inébranlables dans leurs positions, restés supérieurs à tant d'efforts, devaient se considérer comme vainqueurs. Ils l'eussent été s'ils eussent eu assez de monde pour présenter un front suffisant. Mais, vers le soir, Mélas vint se placer sur leur flanc droit, et il fallut opérer la retraite elle se fit avec ordre et calme pour la gauche et le centre; mais la droite étant arrêtée dans un passage, par un embarras de bagages, et en même temps attaquée, laissa à l'ennemi quelques prisonniers : ce furent les seuls qu'il fit dans la journée. La bataille se termina vers onze heures du soir. Les Français, dans cette bataille, perdirent cinq mille hommes tués, blessés et prisonniers, et quatre drapeaux; ils abandonnèrent trente-sept bouches à feu. Les Austro-Russes perdirent vingt-qua tre mille hommes tués ou blessés, mille deux cents prisonniers et trois pièces de canon. Nous prenons ces nombres dans la relation d'un officier général qui a écrit l'histoire des campagnes d'Italie; car ici nous ne pouvons avoir confiance dans les chiffres de Jomini, qui assigne aux deux armées une perte égale. Il est évident que les assaillans ont dû laisser d'autant plus d'hommes hors de combat qu'ils ont attaqué plus de fois. Or on sait que la perte de l'aggresseur est ordinairement à celle de l'assailli comme cinq ou six est à un. Cette bataille au reste rendit les Français plus redoutables qu'une victoire. Beaucoup de gens n'y virent qu'une boucherie sans but, un carnage sans résultat; mais n'était-ce point obtenir un beau résultat que de démoraliser les vainqueurs, de leur rendre même la victoire désastreuse, et de diminuer leur

nombre. Encore deux victoires pareilles et les alliés étaient obli

gés d'évacuer l'Italie.

Pendant que les Français, retirés dans les Alpes, se reformaient et se préparaient à un nouveau mouvement offensif, une armée anglo- russe débarquait au Helder en Hollande, le 27 août (10 fructidor); et la flotte anglaise s'emparait, sans combat, de la flotte hollandaise qui, séduite d'avance, arborait les couleurs du stathouder, et croyait passer sous ses ordres. En même temps le prince d'Orange entrait avec quelques milliers d'hommes dans l'Oweryssel; mais le courage des habitans suffit pour repousser cette diversion. La campagne qu'ouvrait l'armée anglo-russe en Hollande ne fut terminée que le 19 novembre 1799; cependant nous anticiperons sur le temps, afin d'en donner de suite les résultats généraux. L'armée anglo-russe était de trentecinq à quarante mille hommes commandés par le duc d'York. L'armée française, commandée par Brune, se trouva, lorsqu'elle fut réunie, de douze à treize mille hommes, plus six mille Hollandais commandés par le général Daendels ; mais, en cette contrée, la population tout entière était pour la République ; et les soldats hollandais rivalisèrent de courage avec les nôtres. Aussi, après plusieurs affaires meurtrières, les Anglo-Russes, acculés à la mer, furent assiégés dans leur camp: on entra en négociation. Le duc d'York reçut la permission de se rembarquer, à condition de rétablir les ouvrages du Helder dans l'état où ils étaient avant la guerre, et de rendre, sans échange ni condition, huit mille prisonniers français ou hollandais qui étaient détenus en Angleterre.

En Suisse, les Français maintenaient leurs positions : c'était assez de résister aux forces considérables qu'ils avaient en tête.

Telle était cependant la situation des armées vers la fin d'août, que pour ceux qui jugeaient seulement les résultats présens, elle était loin d'être rassurante. Les Républicains ne voyaient qu'un moyen de ramener la victoire: c'était de ranimer l'opinion publique; mais le directoire paraissait plus occupé de ses petites tracasseries intérieures que des grandes affaires de la République.

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CONSEIL DES CINQ CENTS. Séance du 18 fructidor an vII,

(4 septembre 1799.)

On venait de rendre compte de la mort de Joubert; de répéter les derniers mots qu'il avait prononcés en tombant : Soldats, marchez à l'ennemi; de décréter une fête annuelle en son hon

neur.

-Rollin fait la lecture de larésolution qui fixe le mode dont la fête anniversaire de la fondation de la République sera célébrée. François de Nantes prononce une opinion sur la nécessité de faire concourir toutes les fêtes républicaines à l'affermissement de la République, d'accueillir, de favoriser et d'employer cette classe de républicains, qui a fourni un million de défenseurs, tandis que celle qui est composée des hommes que l'on nomme modérés, a fourni un million d'assassins et d'égorgeurs royaux. Il loue le directoire d'avoir heureusement réorganisé toutes les administrations (quelques murmures); mais il eût désiré que le directoire eût fait mettre en jugement ces dilapidateurs dont l'impunité, dit-il, est plus scandaleuse que les vols qu'ils ont commis. Il se plaint de ce que le gouvernement, après s'être relevé et après avoir pris une attitude populaire après le 30 prairial, a été obligé de se courber et de descendre de la hauteur à laquelle il s'était levé. Il en conclut que le corps législatif doit redoubler de surveillance. L'orateur propose au projet de Rollin quelques articles additionnels, qui sont adoptés.

L'un d'eux porte qu'à la fête de la République il sera élevé un autel à la Concorde, et que le président invitera le peuple français à abjurer les haines et s'attacher à la patrie.

Le conseil ordonne l'impression du discours à six exemplaires. Le conseil avait, par un message, demandé au directoire compte de l'exécution des luis rendues contre les auteurs, colporteurs et afficheurs d'écrits provoquant le rétablissement de la royauté et le renversement du gouvernement constitutionnel; le directoire répond aujourd'hui qu'il s'occupait de cette matière importante lorsqu'il a reçu le message du conseil, que les alarmes

T. XXXVIII.

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manifestées par les représentans du peuple sont un sûr garant de l'harmonie qui règne entre les deux premiers pouvoirs. Le directoire a examiné d'une manière attentive la situation actuelle de la République, il a vu qu'elle était assez forte pour résister aux puissances coalisées; mais quand il a voulu se rendre compte des moyens, des ressources, des forces de la nation, il les a trouvées atténuées et divisées, et hors d'état de résister, si on ne vient à bout d'en faire un faisceau; les instruments des révoltes sont inaperçus, l'insurrection éclate, et l'on ne peut découvrir la main qui l'a dirigée. On frappe les hommes égarés, les vrais coupables échappent. La cause en est dans la corruption de l'esprit public; et cette corruption est l'ouvrage de la licence de la presse, qui répand sur toute la surface de la République des maximes empoisonnées, des prédications contraires au régime actuel.

. Une vaste et atroce conjuration existe contre la République et menace tous les vrais républicains. Les témoins sont les cadavres des républicains égorgés, massacrés dans le midi, dans l'ouest et ailleurs; les preuves en sont dans les insurrections qui éclatent de toutes parts; les pièces sont les journaux et libelles execrables dont la République est inondée.

» Il faut, pour tirer la France de la crise où elle se trouve, un concert entre les citoyens, les administrations, et les deux premiers pouvoirs. Hé bien! les feuilles périodiques et les pamphlets sément les divisions entre les citoyens, soufflent la haine contre le corps législatif et le directoire, en traîne les membres dans la boue, inspire la défiance contre eux. Les uns empêchent le départ des conscrits, provoquent le retour de la royauté; les autres, se proclament les défenseurs exclusifs de la Constitution, veulent renverser les pouvoirs qui la conservent. Les uns, comme la Quotidienne, prodiguent les injures et les outrages aux membres de la représentation nationale et du directoire ; les autres, comme le journal que les hommes libres s'indignent de voir porter ce nom... (Lesage Sénault s'écrie: Et l'ami des Lois!) calomnient, dénoncent les vieux soldats de la liberté. Pour eux, nul fonction

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