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Cette confusion de l'u est au moins aussi fréquente dans les MSS. grecs et aussi facile à expliquer par la ressemblance de l'u et du ‚. Aussi trouve-t-on souvent σπονδή change en σπεδή, άν en äv, ëlepov, en laips et vice versâ (1). Cette remarque autorise la correction de Nápaxov en Napáxov que j'ai proposée (2), et celle d'un passage de Plutarque que Reiske a mal rétabli. Au lieu de dià μéσor Teixos (3), ce grand critique corrige ἀνὰ μέσον οι διὰ μέσων, tandis qu'il faut lire sans presque rien changer, à méos, comme on lit ailleurs dans Plutarque lui-même (4), dans Platon (5) et Harpocration (6). Ce à més qui a embarrassé les commentateurs, n'est autre chose que le mur de Phalère à Athènes, ainsi que je crois l'avoir montré dans un mémoire inédit sur la véritable étendue d'Athènes au cinquième siècle avant J. C., pour servir à l'intelligence des auteurs attiques.

Enfin, comme les très-anciens MSS. n'offrent aucune séparation entre les mots, les copistes qui ont les premiers pensé à les séparer, ont quelquefois montré leur ignorance de la manière la plus risible, dans les coupes singulières de cer

(1) Valeken. ad Phoeniss., V, 404. Boisson. in Phil., 345,496. (2) Suprà, p. 54. (3) Plut. de Glor. Athen., §. 8, T. VIII, 383. (4) Id. in Pericl., §. 13. (5) Plat. in Gorgid, II, 23. Bip. (6) Harp. voce dià M. T.

tains mots (1) ex. perdomitam et vita qui est pour perdomita metu ita (VII. 8. 2.); absumam et usus cessionis, au lieu de absum à metu successionis (2); Hermona Saccephoe, Spana, Coria, au lieu de Hermonassa, Cephoe, Phanagoria (3); extra aderas velox, c'est-à-dire, extra Abdera, Suel, Ex. (4). Gallium Britusci, c'est-à-dire, Galli, Umbri, Tusci (I. 3. 2. ); Astis Apes, pour Astusapes (VI. 1. 3.); enfin le vers inintelligible Insula mole gravis tam sola Pecea lata. (VII. 13. 2.) doit être lu I. m. gravi stans Alopecea lata. C'est ainsi dans Denys le Periégète, au lieu de äxp Σeλavov approuvé par Eustathe (5), on doit lire xpis 'Eλavŵv (6), leçon qui existait dans le texte au temps de Priscien, puisqu'il traduit et tangit... Elanos (7); dans le Protagoras de Platon, au lieu de öлep σ, on lira Tepiεior (8); et dans le Cratylus, au lieu de ὀνόμασμα il faut lire ὃν ἐ μαῖσμα (9), etc.

que

Cette aride nomenclature, que j'aurais pu étendre davantage, est heureusement terminée. Elle suffit déjà pour montrer avec quelle liberté on peut corriger l'orthographe de Dicuil.

(2) Scioppius, 83, sq. 19, 113. (4) Id., II, 6, (6) W. Hill. ad H. V., (8) Van Heusde (9) Id., 83.

(1) Mabillon, R. D, 57. (3) Pomp. Mel. Var., lect. I., 65. (5) Dion. Perieg. v. 926. p. 315. (7) Prisc. Perieg., 867. Specimen criticum in Platon., 72.

Il m'a semblé de plus que, dans les mains d'un critique sage, ces nouveaux exemples, joints à ceux qu'on a déjà recueillis, doivent contribuer à former un ordre particulier de preuves, et, qu'employés avec modération comme moyen secondaire, ils peuvent ajouter un nouveau degré de certitude dans la restitution des textes géo graphiques et historiques.

Ainsi, qu'un critique trouve dans l'énumération des villes de l'Afrique la ville de Dupea (1), il pourra songer à Clupea; mais sa conjecture conservera quelque chose d'arbitraire jusqu'à ce qu'il ait fait observer que dans la plupart des MSS. les lettres cl sont tellement rapprochées l'une de l'autre, qu'elles ne diffèrent en rien du d (2); dès lors sa correction deviendra certaine, ou plutôt ce ne sera plus une correction.

Il en sera de même de Caportis de l'Itinéraire d'Antonin (3), qui a tant embarrassé les commentateurs. Wesseling avait décidé que ce devait être une faute pour Taposiris. Il y a loin de là à Caportis; mais si aux preuves de fait données par cet illustre savant, on joint celles fournit que la paléographie, tous les doutes disparaissent. En effet, comme rien n'est plus commun que la confusion du t et du c (4), on arrive à Taportis

(1) Pomp. Mel. Var. lect. I, 7, 16. (2) Morel, 97. (3) Itin. Ant., 73. (4) Suprà, p. 47, 48.

par la métathèse à Tapotris, par le changement du t en i (1) à Tapoiris, avec le tiret qui annonce suppression d'une lettre d'où il suit que Taposiris, leçon primitive, a passé par les quatre altérations Tapoiris, Tapotris, Taportis et Caportis.

Enfin, Dicuil (VI, 2. 10.) rapporte, d'après l'auteur de la Cosmographie, qu'un bras du Nil se rend dans la mer Rouge à Olina; on n'a pas besoin d'un grand effort de sagacité pour deviner qu'il s'agit ici de Clysma ou Clisma. Le géographe ne balancera donc pas à changer Oliua en Clisma, ou plutôt en Clysma ; mais il serait important de retrouver dans le matériel même du mot quelque chose qui autorisât une conjecture aussi hardie, et cependant aussi nécessaire. Quel rapport entre Clisma et Oliua? Le

voici :

Dans les MSS. le C fermé se distingue à peine de l'O, et a été souvent confondu par les copistes latins (2) et grecs, chez lesquels on trouve quelquefois OY pour CY (3); on parvient donc faci

lement de Oliua à Cliua: une fois sûr du radical

(1) Ainsi Freniani pour Frentani ( 1, 3, 2.); le z et le i se ressemblent extrêmement dans les anciens MSS. (Specim. in Chron. Gottw. Tab., 36, no. 3 et ap. Mabil. Tab. 7, n°. 3.) (2) Pomp. Mel. V. lect. III, 6, 81. Cf. Morel, 162. (3) D'Orvil. ad Charit., 273. Pierson ad M. Attic., 368.

Cli, on n'a pas de peine à trouver Clina (1), puis Clima, et de-là à Clysma il n'y a pas loin. Ainsi Clisma, Clima, Clina, Cliua, Oliua : telle est la chaîne des altérations successives du mot Clysma. Il y a peu de leçons des Itinéraires et de la Table de Peutinger, qu'on ne puisse ramener avec plus de facilité encore à la bonne orthographe.

Quoi qu'il en soit de l'application dont ce tableau des erreurs des copistes sera jugé susceptible, le résultat de cette première partie de mon travail est la correctiom complète de l'orthographe de Dicuil. Je crois maintenant que les idées d'un éditeur devront être fixées à cet égard: me voilà donc désormais dispensé de m'arrêter sur ce sujet dans le cours de mes observations; et c'est précisément où j'en voulais venir. Débarrassé de toutes ces entraves, je pourrai donc me livrer librement à la discussion des mots ou des faits qui tiennent de plus près à la critique géographique.

(1) Suprà, p. 51.

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