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3°. Que vers la fin du troisième siècle, il s'était abaissé jusqu'aux parallèles d'Epidamne et de

Brindes.

4°. Enfin qu'au milieu du deuxième siècle, l'Adriatique s'étendait jusqu'aux monts Acrocé

rauniens.

5°. Quant à la mer Ionienne κόλπος ου πόρος Ióvios, elle embrassait originairement, outre le golfe de Venise, tout le bassin compris entre la Grèce, la Sicile et l'Italie, ainsi qu'on le voit dans Pindare (1), Thucydide (2), et dans un fragment antique, conservé par Palæphatus (3).

C'est Polybe qui, le premier, nous montre ce grand bassin comme divisé en deux parties principales, la mer Ionienne proprement dite, et la mer Sicilienne: elles commençaient l'une et l'autre au cap Cocinthus dans le Bruttium (4).

Il ne me reste plus qu'à faire voir par un exemple l'utilité que peuvent offrir les recherches précédentes et celles qui vont suivre.

Toute cette première partie tend à faire voir que si l'on trouve dans un auteur dont l'âge soit inconnu. , que la mer Adriatique et la mer Ionienne ont pour limite commune les monts

1) Pindar. Pyth., III, v. 121.- Nem. IV, v. 84-87. (2) Thucyd., VI, 44. (3) Palæph. de incred. histor., §. 8, p. 29, ap. Thom. Gale, in Opp. mythol, et phys. (4) Polyb., II, p. 102. C. Casaub.

Acrocérauniens, cet auteur doit être décidément fixé au second siècle avant notre ère. Or, l'auteur du Périple attribué à Scylax dit : « La bouche » du golfe Ionien est entre les monts Cérauniens » et le cap Iapygien; l'Adrias et le golfe Ionien » sont une seule et même chose (1). » Ailleurs on lit dans le même Périple, que les Iapyges habitent sur les bords de l'Adriatique (2).

D'après tout ce que j'ai dit, de semblables passages ne peuvent appartenir qu'au deuxième siècle avant J. C. c'est assez dire qu'ils sont contraires à l'idée que beaucoup de savans, entr'autres Bayer (3), et en dernier lieu M. de Sainte-Croix (4), se faisaient de la haute antiquité du Périple de Scylax. Ces passages nous ramènent précisément à l'opinion de Dodwell; car ils doivent être regardés comme de nouveaux argumens qu'on pourrait joindre, ainsi que plusieurs autres encore, à tous ceux qu'avait déjà réunis cet ingénieux critique pour prouver que le Périple de Scylax, où l'on ne saurait méconnaître d'ailleurs des traces d'une antiquité fort reculée, est tout simplement un extrait composé par un auteur

(1) Peripl., p. 11, ed. Huds., et 26, ed. Gronov. (2) Id., p. 5, ed. Huds., et 10, ed. Gron. (3) Bayer, de situ Scythia, in Comment. Acad. Petrop., t. I, pp. 404, 405. (4) Sainte-Croix, sur Scylax, Acad. des Inscript., t. XLII, p. 350-380.

contemporain de Polybe, d'après plusieurs périples dressés à différentes époques (1).

J'ai dit

SECTION SECONDE.

Depuis l'Ère vulgaire.

que

les monts Acrocérauniens furent regardés comme la limite de la mer Ionienne et de l'Adriatique, depuis le milieu du deuxième siècle avant l'ère vulgaire, jusque vers la fin du premier siècle après cette ère.

En effet, Strabon, au commencement de ce siècle, écrivait : « Les monts Acrocérauniens et » le cap Iapygien forment la bouche du golfe » Ionien et de l'Adriatique (2). » Pomponius Méla, peu près à la même époque, étendait l'Adriatique, d'un côté, jusqu'au territoire des Salentins (3), et de l'autre, jusqu'aux rivages de l'Epire (4), dans le voisinage de Corcyre (5).

à

Pline, vers le milieu du même siècle, dit à peu près dans le même sens que la ville d'Hydruntum est située au point de séparation de la mer Ionienne et de l'Adriatique (6); et l'on sait que

(1) Dodwell, de Scyl. ætate, §. 13-15. (2) Strabon. II, p. 185, B; VII, p. 488. A. (3) Pomp. Mel., II, 4, 67. Sallentina littora... hucusque Adrig. (4) Id., II, 3, 51, Epiros usque in Adriam. (5) Id., II, 7, 97, et vicina Adriatico mari Corcyra. (6) Hydruntum.... ad discrimen Ionii et Adriatici maris qua in Græcia brevissimus transitus. Plin., III, 11.

cette ville est précisément en face des monts Acrocérauniens. Il est vrai que d'autres passages de Strabon semblent contraires à ceux que je viens de citer, mais je ferai voir plus bas que cette contradiction n'est qu'apparente. Il est nécessaire de suivre auparavant les changemens successifs du nom de mer Ionienne. Ce n'est qu'à partir de la fin du premier siècle qu'on voit tout à coup dans les historiens ce nom remonter vers le Nord. C'est un changement assez singulier qu'il est nécessaire de constater avant d'essayer d'en donner l'expli

cation.

J'en trouve le premier exemple dans Arrien de Nicomédie, qui vivait, comme on sait, sous l'empereur Adrien (123 ans après J. C.). Cet historien parle d'une ambassade qu'Alexandre, dans son expédition contre les Gètes, reçut des Celtes établis sur le bord du golfe Ionien (1). Cet épisode du récit d'Arrien est inexplicable dans l'hypothèse que ces Celtes auraient été, comme on l'a cru, les Boïens et les Sénonais éta

blis en Italie (2). Comment supposer en effet que des peuples si éloignés du lieu où Alexandre avait porté ses armes, seraient venus sans aucun motif de crainte ou d'espérance lui prostituer leur hommage? Cette difficulté disparaît quand on

(1) Arrian. Anab., I, c. 4, p. 11. Gron. (2) SainteCroix, Examen des hist. d'Alexandre, p. 223.

fait attention que les Celtes d'Arrien ne sont évidemment que quelques tribus des Scordisques, nation gauloise qui était venue habiter parmi les Thraces et les Illyriens (1), et par conséquent près du golfe Adriatique. Rien de moins étonnant alors que ces tribus aient envoyé une députation à un prince qui faisait la guerre peu loin de leur pays, sur les bords du Danube.

Mais comme la position de ces Scordisques, mêlés aux Illyriens et aux Thraces, ne saurait être portée plus bas ni plus haut que Scodra ou Lissus, on voit que l'expression d'Arrien suppose que le nom de golfe Ionien était déjà porté jusque-là au commencement du second siècle.

Cette induction se trouve confirmée par Appien, qui écrivit peu de temps après (en 147): Appien est un de ceux qui répètent le plus souvent le nom de κόλπος Ιόνιος ; il offre donc un excellent moyen de voir si l'extension donnée à cette dénomination est l'effet du caprice momentané des historiens, ou le résultat d'un usage établi de leur temps. Dans le premier cas, il se contredira quelquefois; dans le second, il sera toujours d'accord avec lui-même.

En prenant ses divers passages dans l'ordre géographique, on voit que la limite du golfe

(1) Strabon. VII, p. 482. A. de la Trad. française, t. III, p. 73.

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