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terre d'Eresse à Méthymne dans l'île de Lesbos (1). Mais les mots λíɣ åvayoμévy très-bien expliqués par Wesseling (2) lèvent toute espèce de difficulté, et il devient de la dernière évidence que Lucien a exprimé d'une manière extrêmement concise une idée qu'on peut rendre avec exactitude par cette paraphrase * δὲ νεανίσκος ἐπὶ πλοία ἀναπλεύσας μὲν ἀνὰ τὸν ποταμὸν ἐπὶ τὴν Βαβυλῶνα, εἶτα δὲ καταπλέυσας κατὰ τὴν διώρυγα ἄχρι το Κλύσματος, ἐπείσθη κ. α. ε. Ι. π.

Or, si Lucien a dit formellement qu'on allait par eau d'Alexandrie à Clysma, il a donc dit que le canal d'Adrien était navigable. Il faut remarquer à présent que Lucien est un auteur contemporain, puisqu'il florissait vers 160 à 170, comme l'a fort bien montré Henri Dodwell (3), dont l'opinion a été adoptée par M. de Sainte-Croix (4); et de plus, qu'il avait non seulement parcouru l'Egypte, mais encore qu'il y avait exercé pendant quelque temps une fonction assez importante, ainsi qu'il le dit lui-même (5). Ses paroles ont donc

:

(1) Thucyd. VIII, 23. Léon Allatius, Abresch, etc., changent παρέπλει en παρέπεμπε οι παραπέμπει, mais à tort le rapprochement que je viens de faire suffit pour expliquer ce mot difficile. (2) Wessel. ad Hieroci. Synecd., p.728. Cf. Gronov. ad Arrian. Anab. I. 3, p. g. (3) H. Dodw. Diss. de Isidor. Char. ap. Geog. min.į t. II, p. 62 sq. (4) Mém. sur Adrien, Acad. des Inscr. t. XLIX, p. 464. (5) Lucian. pro merced. conduct., Je ne m'appuie pas d'un passage

§. 12, p. 721, t. I.

du

tout le poids qu'on peut exiger d'un témoignage historique.

Le passage de Lucien prouve assez bien déjà qué le canal d'Adrien était navigable vers 160 de l'ère vulgaire. Mais il y a plus un auteur qu'on ne s'attend peut-être pas à rencontrer ici, Grégoire de Tours, donnerait à penser que le canal était encore en activité au sixième siècle.

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Cet historien, au commencement de son ouvrage, donne quelques renseignemens sur l'Egypte; puis il ajoute ces détails remarquables: super ripam verò ejus (sc. Nili),' » non Babylonia de quâ suprà meminimus (1), »sed Babylonia altera civitas (scil. Fostath) » collocatur, in quâ Joseph Horrea (sc. pyra» mides) miro opere de lapidibus quadris et » cœmento ædificavit.

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antè dictus verò

fluvius ab Oriente veniens (2) ad occidentalem

Philopatris (§. 22, t. III, p. 610), attendu que ce morceau n'est probablement pas de Lucien.

(1) Le manuscrit de Corwey (Corbeiensis) de la B. J., écrit en caractères lombardiques, porte memoravimus. (2) Ab Oriente veniens est très-remarquable. Quoique l'opinion que le Nil vient de l'Inde soit fort ancienne, puisque Alexandre le crut un moment (Arrian. Anab. VI, C.), et que Lucain et Virgile n'ont pas dédaigné de le répéter dans leurs vers; cependant je crois reconnaître. ici (comme dans tout le morceau) des traces qui décèlent que ces renseignemens ont été puisés en Egypte

plagam (1) versus (scil. usque ad) Rubrum » mare vadit; ab occidente verò stagnum sive » brachium de mari Rubro progreditur, vadit contra » Orientem, habens in longo millia circiter quinquaginta, in lato autem decem octo (2); in

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à la fin du cinquième siècle, ou au commencement du sixième; car c'est à cette époque que cette opinion paraît avoir eu le plus de partisans. Procope dit quelque part Νεῖλος μὲν ἐξ Ινδῶν ἐπ ̓ Αιγύπλε φέρεσθαι ( Εdific. V, 1, p. 109, B.); et, selon le système de Cosmas indicopleustes, qui n'a peut-être fait que rédiger les idées cosmologiques enseignées dans les écoles du temps, le Phison, un des quatre fleuves du Paradis, et qui vient de l'Orient, n'est autre chose que le Nil. (Cosm, indicopl. ap. Montfauc. in Bibl. nov. Patrum, t. II, p. 149, D.)

(1) C'est-à-dire, ad Heroopoliten sinum; ce sont les mêmes expressions que celles de Dicuil: Inde, in occi-. dentali parte Rubri maris (VI, 3, 7), par opposition avec le golfe d'Ailah qui est orientalis pars R. m.

moyenne

(2) Il est ici question de l'extrémité supérieure du golfe de Suez, qui, à partir du débouquement de la vallée de l'Égarement, formé un bassin dont la côte occidentale court en effet du S. O. au N. E., jusqu'au port de Suez, dans une longueur de 20 lieues de 20 au degré, sur une largeur de 4 à 5 lieues; et c'est là le sens de ab Occidente contrà Orientem. Ainsi, le passage de Grégoire est de la plus grande exactitude, et prouve que ces détails ont été fournis par un témoin oculaire qui, de Clysma, avait embrassé d'un coup d'oeil tout ce bassin; car, yue de се point, cette partie de la mer Rouge doit paraître former un bassin environné par la côte, excepté au Sud-Est.

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hujus capite, Clysma civitas ædificata est ; non propter fertilitatem loci, cum nihil sit plus fertile; sed propter portum ; quia naves ab Indiis » venientes, ibidem ob portûs opportunitatem quiescunt; ibi comparata merces per totam AEgyptum deportantur (1). »

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J'ai cité ce long passage dans toute son étendue, pour qu'on pût saisir le singulier rapport qui existe entre le récit du moine Fidelis dans Dicuil et les détails donnés par Grégoire de Tours; on aura remarqué surtout que les pyramides sont appelées dans l'un comme dans l'autre les greniers de Joseph: cette singulière dénomination existe dans l'Etymologicum magnum (2), ainsi que dans un passage de Benjamin de Tudela (3); et M. de Sacy observe que c'était une opinion commune en Egypte au neuvième siècle (4); Grégoire de Tours ajoute quelques détails sur la manière dont on mettait le blé dans l'énorme cavité de la pyramide.

Or, comme cette opinion a dû être répandue en Egypte par les premiers pélerins, il n'est pas besoin d'insister sur d'autres circonstances du récit

(1) Greg. Turon., I. 10. ap. D. Bouquet, t. II, p. 142. (2) Etym. magn. voce лupaμ. (3) Benj. de Tudel., p. 202, ed. Lempereur, et apud Harris, in collect. of Voyagés, t. I, p. 553, col. 2. (4) Recherch. sur le nom des Pyr. Mag. encycl., 6o. ann., t. VI, p. 449.

de Grégoire, pour avoir la presque certitude qu'il tenait tous ces renseignemens d'un de ces pélerins qui, dès le quatrième siècle, dirigèrent leurs pas vers les lieux saints: la plupart manquaient rarement de passer en Egypte pour visiter les solitaires de la Thébaïde; ils débarquaient à Tennis remontaient le Nil, se rendaient par le canal sur les bords de la mer Rouge (1), afin de contempler le théâtre de la ruine de Pharaon, et parcouraient, avant de se rendre à Jérusalem, les lieux consacrés par le séjour de Moïse et des Israélites (2). Grégoire de Tours, né en 544, n'a écrit son histoire que vers 590. Il me paraît donc difficile de reculer le pélerinage du moine voyageur au-delà de l'année 500, quelque jeune qu'on suppose Grégoire, et quelque âgé qu'on suppose le moine lorsque ce dernier a fait le récit de son voyage. Quand même on voudrait à la rigueur que Grégoire eût trouvé ce récit dans quelque relation de pélerinage, semblable à celle que saint Adaman écrivit au septième siècle sous la dictée de saint Arculfe, je ne crois pas qu'en bonne critique on puisse tenir à faire remonter tous ces détails plus haut que la fin du cinquième siècle.

Tout cela posé, examinons la dernière partie

(1) Ebn Zoulaq, cité par M. Langlès, Observ. sur Norden., t. HII, p. 192. (2) Cf. Michaud, Hist. des Croisades, t. I, p. 486-520.

B

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